Abstraction faite du traumatisme qu’elle a occasionné aux usagers du transport public et à l’ensemble des Tunisiens, la grève générale du transport déclenchée par la Fédération générale du transport relevant de l’UGTT et observée trois jours durant en pleine canicule (30, 31 juillet et 1er août 2025) a été fort instructive sur la gravissime conception que se fait la centrale syndicale actuelle du syndicalisme.
La grève est destinée à faire souffrir les usagers
Dans une vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux et sur des chaînes de télévision, un gréviste enragé a expliqué, à gorge déployée, le non-dit de l’objectif recherché à travers cette grève. Selon lui, le choix de déclencher une grève de trois jours, durant la période caniculaire estivale, n’est pas fortuit. Il vise à faire souffrir au maximum les usagers du transport public dans le but de les pousser à se soulever contre le gouvernement et à faire pression sur lui, l’ultime objectif étant de l’amener à satisfaire les revendications des grévistes.
Comprendre : les grévistes, payés avec l’argent des contribuables — dont les usagers du transport public —, ont ainsi pris en otage de simples citoyens (travailleurs journaliers, patients ayant un rendez-vous médical…) pour monnayer la délivrance de ces derniers en échange d’une réponse positive à leurs réclamations.
L’entreprise publique fatalement déficitaire : une trouvaille de l’UGTT
Le deuxième exemple concerne une déclaration d’un haut responsable syndical. Interpellé par un journaliste sur la non-pertinence de cette grève qui intervient à un moment où les caisses de l’État sont presque vides et où l’écrasante majorité des entreprises publiques du transport, confrontées à d’énormes déficits, survivent grâce aux subventions de l’État, ce responsable a fait une déclaration étonnante, il a affirmé que « les sociétés de transport ne sont pas tenues d’assurer un équilibre budgétaire étant donné qu’elles ont un rôle social ».
En plus clair, dans l’esprit de ce responsable, toute société de transport doit être fatalement contre-performante.
Ce même responsable syndical a oublié que, dans le secteur du transport en Tunisie, plusieurs sociétés régionales de transport public bien gérées sont bénéficiaires, comme celles de Nabeul, de Bizerte ou du Sahel. Sa thèse selon laquelle les entreprises de transport public devraient être automatiquement déficitaires est donc une aberration anti-économique.
Les entreprises publiques, des structures féodales aux mains de l’UGTT
Morale de l’histoire : à travers ces deux témoignages, on comprend que, pour certains syndiqués affiliés à l’UGTT, le service public est leur monopole, qu’ils utilisent pour martyriser les usagers, tout en garantissant leurs emplois, salaires et autres avantages financés par l’argent du contribuable.
L’économiste Hassine Dimassi avait résumé la situation en qualifiant les entreprises publiques de « structures féodales aux mains des syndiqués de l’UGTT, dont la préoccupation consiste à réclamer constamment des avantages et des augmentations salariales, à y recruter en priorité leurs enfants et à demander des fonds de l’État en cas de déficit ».
Cette situation est, à la limite, très stressante et frustrante, au point de donner envie de s’arracher les cheveux.
Le rôle de la commission de conscientisation
La question se pose dès lors : quel rôle joue l’UGTT dans l’encadrement de ses adhérents et leur sensibilisation aux principales valeurs syndicales — solidarité, simplicité, refus des discriminations ?
La centrale syndicale compte, parmi ses commissions permanentes, une commission de la conscientisation, chargée de sensibiliser et d’informer sur les droits des travailleurs, la justice sociale et les enjeux économiques et politiques du pays.
Au regard des dérapages dont font preuve certains syndiqués, il semble que cette commission n’a rien fait pour inculquer les nobles valeurs syndicales.
Rappel du président de la République
C’est le président de la République, Kaïes Saïed, qui, le 8 août 2025, s’est chargé de les leur rappeler lors d’un entretien avec la cheffe du gouvernement. Il a cité Mohamed Ali El Hammi, père du syndicalisme tunisien, en rappelant que ce dernier tenait ses réunions dans des lieux modestes, sans prélèvements de cotisations syndicales, et qu’il y avait alors « une véritable action syndicale et patriotique ». Les réunions ne se tenaient pas dans des hôtels étoilés. Le message est désormais clair.
Abou SARRA
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