L’histoire du colonialisme au Maghreb, notamment en Tunisie suscite toujours l’intérêt des chercheurs et des historiens tunisiens et étrangers. Avec la signature des traités de protectorat en Tunisie (Traité du Bardo en 1881) et au Maroc (Traité de Fès en 1912), les monarchies de l’époque ont été contraintes de cohabiter avec le régime colonial français.

Dans son livre “Monarchies du Maghreb. L’Etat au Maroc et en Tunisie sous protectorat (1881-1956)”, issu de sa thèse de Doctorat, l’historien français Antoine Perrier se penche sur l’histoire des institutions locales et des fonctionnaires marocains et tunisiens.

L’établissement des “Archives nationales” était l’une des sources principales sur lesquelles s’est basé Antoine Perrier, chargé de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS-France) affecté au Centre Jacques-Berque Etudes en Sciences Humaines et Sociales, à Rabat (Maroc) qui était, au courant de cette semaine, l’invité de l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) à Tunis. La Tunisienne Leila Temime Blili, Professeure émérite était également présente à la rencontre organisée au siège de l’IRMC. D’après une lecture préliminaire de l’ouvrage, elle a fait le point sur l’approche de l’historien et les sources et références tunisiennes exploitées et qui sont en relation avec l’histoire de la monarchie beylicale.

L’auteur évoque Les Archives nationales comme “des sources bien organisées et anciennes”. Créé initialement sous le nom du “Centre des correspondances de l’Etat” en 1874, les Archives nationales conservent des fonds retraçant l’histoire de la Tunisie, de la fin du XVI siècle jusqu’à présent, sachant que le plus ancien document remonte à l’an 1564.

L’histoire du pouvoir en Tunisie et au Maroc constitue l’un des champs d’intervention du livre récement publié. Selon son auteur arabisant, ce livre “s’inscrit dans la continuité d’un de mes directeurs de thèses M’hamed Oualdi qui s’est intéréssé à la figure des mamelouks des beys de Tunis au 17e siècle dans son livre intitulé “Esclaves et maîtres. Les mamelouks des beys de Tunis du xviie siècle aux années 1880”.

“L’histoire du protectorat et son effet sur l’évolution du pouvoir au Maghreb est au coeur de ce livre qui propose une réflexion sur ce que son auteur qualifie “de formes de colonisation”. L’historien a parlé de l’organisation juridique et administrative des souverains, ministres et serviteurs des monarchies, qui dit-il, “ont su préserver un courant réformateur à partir du 19e siècle et alimenter, en même temps, une forme de résistance à la domination coloniale”. Avec l’installation de l’Etat colonial, l’administration monarchique, -le Bey en Tunisie et Al Maghzen au Maroc-, “a continué à administrer et à rester un acteur essentiel dans les deux pays où ils étaient à la fois, l’instrument mais aussi l’adversaire de la colonisation”.

Pour l’auteur des “Monarchies du Maghreb”, les sources officielles en arabe “ont un language assez spécifique”. Les résultats des recherches de ce spécialiste de l’histoire du Maghreb ont porté sur “la spécificité du protectorat comme forme de colonisation”. Il souligne que “le protectorat produit d’autres formes de rapports de forces et renforce un certain autoritarisme et une certaine absence de contrôle de la part des autorités françaises qui peuvent se cacher derrière les autorités beylicales”. Le chercheur explique aussi la forme de résistance qui existait, y compris de la part des beys. En dehors du bey nationaliste Moncef Bey, il dit que “les beys étaient considérés globalement des collaborateurs avec les autorités coloniales, par exemple, quand il s’agit de la nomination de certains fonctionnaires ou la signature de certaines lois.”

A cet égard, la chercheuse Leila Temime Blili regrette que le fait que ce livre “n’a pas pris suffisamment en compte la production de l’Université tunisienne”, tout en citant l’exemple de “sources le plus souvent en arabe et qui ne sont pas mises en valeur, et l’Institut Supérieur de l’Histoire du Mouvement National (ISHMN)” qui constitue l’une des sources importantes dans l’étude du régime beylical et son intéraction avec l’Etat colonial.

La Tunise offre une multitude de sources académiques et historiques qui sont largement utiles pour la recherche sur la monarchie beylicale et la cohabitation qui existait avec le régime colonial, étalée sur près plus de sept décennies. Parmi les dates clés, on rappelle que le 12 mai 1881, il y a eu la signature du traité du Bardo qui institue le protectorat français sur la Tunisie. En juin 1883, le traité du Bardo est complété par la convention de La Marsa qui renforce les pouvoirs de la France représentée par un résident général. Le 20 mars 1956 est une date historique dans l’histoire de la Tunisie qui marque la proclamation de l’indépendance et l’abrogation des traités du Bardo et de La Marsa. Le 27 juillet 1957 est celle de l’abolition de la monarchie et proclamation de la République.

“Monarchies du Maghreb. L’Etat au Maroc et en Tunisie sous protectorat (1881-1956)” sera bientôt disponible dans les librairies en Tunisie.