A lire de près certains communiqués publiés par certaines institutions étatiques dédiés à l’export, on se rend très vite compte que leurs responsables sont non seulement sous informés mais manquent, surtout, de conscience nationale.

TerroirCe constat, nous avons eu l’occasion de le relever à travers, entre autres, un compte rendu d’un séminaire en ligne (webinaire) qui a groupé, il y a un mois, des responsables du Centre de promotion des exportations (Cepex)et de la Fédération italienne de la cosmétique “Cosmetica Italia”.

Au menu :  faire connaître la qualité des ingrédients cultivés et transformés en Tunisie à destination de l’industrie de la cosmétique, en l’occurrence, les huiles essentielles et végétales et les eaux florales.

Entendre par là que ce séminaire s’est proposé d’examiner les moyens d’exporter, à partir de la Tunisie, des éléments naturels qui entrent dans la composition d’une préparation ou d’un mélange produits par l’industrie cosmétique italienne.

Plus simplement encore, il s’agit d’exporter vers l’Italie, des semi produits, voire des produits non finis qui ont fait l’objet d’une première transformation en Tunisie.

Ce séminaire est organisé avec le concours du Projet d’Accès aux Marchés des Produits Agroalimentaires et de Terroir tunisiens (PAMPAT). Ce projet, lancé depuis 2020 et financé par la Suisse à hauteur de 4,1 millions de francs suisses, se propose de promouvoir des produits typiquement tunisiens : figue de barbarie, dérivés de dattes, tomates séchées et grenades.

Le Pampat est frustrant

Ces filières offrent des perspectives prometteuses en termes de création de la valeur ajoutée, accès aux marchés internationaux et génération d’emplois dans des zones défavorisées. Au niveau institutionnel, le PAMPAT fournit de l’assistance pour l’amélioration du cadre juridique pour le développement des indications géographiques et contribuera au développement d’une stratégie nationale de promotion des produits du terroir.

A priori, on ne peut que saluer ce projet qui vient consacrer une ambition nationale. Celle-là même qui consiste à créer de la valeur à l’échelle nationale et à conférer à nos produits une valeur ajoutée à l’export, d’autant plus que ces produits sont en majorité biologiques, c’est-à- dire des produits naturels non traités chimiquement.

Néanmoins, ce projet est frustrant parce qu’il ne va pas jusqu’au bout. Il s’arrête à mi-chemin. Il ne favorise pas l’industrialisation de ces produits et la production de produits finis.

Il porte le syndrome de l’industrie tunisienne depuis l’accès du pays à l’indépendance, celui d’une industrie de sous-traitance peu intégrée qui ne crée pas de la valeur, voire une industrie entretenue et protégée pour le compte de multinationales étrangères.

Le bradage de nos produits continue de plus belle

Malheureusement, le changement politique qu’a connu le pays, depuis le 14 janvier 2011, n’a pas aidé à inverser cette tendance et à réformer le modèle économique mis en place par l’effet de la loi 72 qui décourage la production nationale et encourage l’implantation de l’off-shore dans le pays.

Pis, les hauts cadres des structures d’appui à l’exportation, formatés à l’ancienne école continuent à brader nos produits à l’export et à encourager l’exportation de produits naturels, de semi- produits et d’ingrédients alors qu’on aurait pu les industrialiser dans le pays.

C’est ainsi quand les responsables tunisiens dont le PDG du CEPEX, Mourad Ben Hassine et le président de la Chambre des producteurs d’huiles essentielles et eaux florales de Tunisie Chedly Belkhoja sont intervenus, lors du webinaire précité, pour faire état de leur disposition à fournir aux industriels italiens des ingrédients naturels purs, biologiques et compétitifs répondant à l’évolution rapide du marché de la cosmétique, nous pensons qu’ils servent plus les intérêts des industriels italiens que ceux de leur pays. Et pour cause.

La Tunisie est internationalement connue pour ses terres fertiles et son climat méditerranéen permettant de cultiver des ingrédients naturels de haute qualité, conformes aux normes internationales les plus exigeantes. Ces produits ont, par conséquent, toutes leurs chances de s’affirmer, haut et fort, dans la chaîne d’approvisionnement de n’importe quelle industrie cosmétique du monde. La qualité n’obéit pas à la géographie.

Cela pour dire que l’’enjeu n’est pas là. L’enjeu est comment faire pour développer une industrie cosmétique et agroalimentaire tunisienne capable de produire des produits qui forcent le goût de tous les consommateurs du monde.

Un tel projet ne peut voir le jour qu’avec des cadres stratèges qui ont une conscience nationale.

A méditer