PopulationDes statistiques démographiques actualisées sont édifiantes, à ce sujet : la population tunisienne est en train de vieillir à un rythme rapide. Les personnes âgées de 60 ans ou plus devraient représenter 18% de l’ensemble de la population à l’horizon 2030, alors que l’espérance de vie à la naissance devrait poursuivre sa progression pour atteindre 77,5 ans pour les hommes et 82 ans pour les femmes.

Cette nouvelle donne démographique ne passera pas sans effet sur la société et sur l’économie du pays.

Le vieillissement un frein au développement

Elle est interprétée de manière divergente par les démographes et observateurs de la chose tunisienne. Certains y perçoivent une menace en ce sens où elle impose de nouvelles contraintes sur les systèmes de santé, de couverture sociale, d’emploi, d’économie, d’habitat…

Dans cette perspective, le vieillissement de la population est considéré comme un frein au développement, à la croissance et à la productivité. Le vieillissement étant, ici, synonyme de baisse de l’épargne des agents économiques de hausse des dépenses improductives. Celles-là mêmes qui sont liées à la santé et à la retraite et qui se font au détriment des investissements productifs.

Dans une étude intitulée « La Tunisie en 2050 : Population, démographie et prospective » (décembre 2022), deux chercheurs tunisiens, Karim Ben Kahla et Kais Hammami, ont expliqué que « le vieillissement de la population tunisienne posera des défis à trois principaux niveaux : le financement des retraites, les capacités des familles à se constituer en refuge et bouclier social et l’aptitude du système de santé à s’adapter à la nouvelle donne démographique.

Concrètement, les conséquences du vieillissement de la population seront visibles à travers : l’accroissement des dépenses de santé, des difficultés considérables en termes d’accompagnement et de soins aux personnes âgées et l’augmentation des maladies chroniques par l’effet de la progression de l’espérance de vie. Elles seront également perçues à travers les déficits des caisses sociales en raison des déséquilibres grandissants entre le nombre des affiliés actifs et celui des affiliés retraités.

HS RETRAITEHors-Série sur la Retraite en Tunisie

Le papy-boom, un nouveau marché générateur d’emplois et de services

D’autres observateurs voient, cependant, dans cette évolution démographique une opportunité pour promouvoir un nouveau marché, celui de la « sylver économy », dénommée également économie des séniors ou silver génération.

C’est un concept lié au développement de nouveaux secteurs et activités économiques dont l’objectif est d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées, garantir leur autonomie le plus longtemps possible ou même allonger leur espérance de vie. Il s’agit de l’ensemble des produits et services à destination des seniors.

Les encyclopédies nous informent que ce type d’économie, prospère dans les pays développés, a fait son apparition au début des années 2000. Il désigne l’ensemble des marchés, activités et enjeux économiques liés aux personnes âgées de plus de 60 ans.

Il existe deux visions économiques du sujet, la vision « marché du grand âge », celle des services à la personne, de la santé liée au grand âge, et puis la vision « marché des seniors », les plus de 60 ans qui sont en moyenne plus riches que dans le passé.

Le vieillissement de la population est donc considéré comme une occasion de développement économique avec notamment le tourisme, la culture, le commerce de détail (pharmacie notamment), les services financiers et les services ménagers…

Pour les chercheurs, Karim Ben Kahla et Kais Hammami, « cette migration du « baby-boom » des années 60 au « papy-boom » de l’époque actuelle se fera dans la douleur et sera la source de grandes difficultés de solidarité intergénérationnelles et inégal boom intergénérationnelles.

C’est pourquoi, notent-t-ils, « la Tunisie qui se retrouve avec une configuration démographique comparable à celle de nombreux pays développés, sans avoir leurs moyens pour répondre aux attentes et aux contraintes sociales que cela pose, se doit d’engager, dès maintenant et avant que ce soit trop tard, les réformes requises pour transformer la menace du vieillissement en une opportunité génératrice d’emplois et de services ».

ABOU SARRA