L’agence de notation Fitch Ratings s’attend à ce que le déficit budgétaire de la Tunisie se réduise à 5,8 % du PIB en 2023.  L’excédent budgétaire ne doit cependant pas être considéré comme stable car selon Fitch, car « certains coûts en rapport avec les subventions et certains transferts qui ont eu lieu durant le premier semestre 2023 n’ont pas encore été pris en compte dans les calculs budgétaires et sont peu susceptibles d’être durables ».

Pour précision, l’excédent budgétaire de 58,8 millions TND (environ 0,4% du PIB) résulte des dépenses inférieures aux prévisions relatives à certains intrants servant à l’industrie, à la non-importation de nombre de biens d’équipements, de médicaments et la réduction de l’importation des céréales.

Les coûts des subventions énergétiques et alimentaires, estime Fitch, chuteront à environ 6 % du PIB en 2023, contre 8 % l’année dernière, soutenus par la baisse des prix internationaux et les ajustements des prix nationaux du carburant et de l’électricité en 2022. Néanmoins, le système de subventions n’a pas été réformé davantage et il n’y a eu aucun ajustement des prix des carburants depuis novembre 2022, ce qui rend improbable une baisse plus importante. Les importations de produits énergétiques et agricoles en 2023 étaient globalement similaires à celles du 2022, en monnaie locale, ce qui suggère que les importations de produits subventionnés n’ont pas fortement chuté.

Le gouvernement n’aurait pas versé de compensations aux entreprises publiques impliquées dans l’importation de produits subventionnés, à cause du manque de liquidité auxquelles il est confronté en l’absence de financements extérieurs suffisants, constate Fitch Rating. Les dépenses des subventions au premier semestre 2022 ont été inférieures aux prévisions, mais ont ensuite augmenté à mesure que le gouvernement s’acquittait des paiements en retard accordés aux entreprises publiques concernées.

L’accord conclu en août 2022 avec le principal syndicat – l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) – pour contrôler la croissance de la masse salariale continue de tenir et a permis au gouvernement de maintenir les dépenses salariales en ligne avec le budget. L’accord est pris en compte dans les prévisions de Fitch selon lesquelles le déficit budgétaire tombera à 5,8 % en 2023, contre 6,9 % en 2022, et était au cœur de l’accord (Staff Level Agreement) conclu par le gouvernement tunisien avec le FMI en septembre 2022.

L’accord SLA a également été facilité par l’engagement des autorités en faveur de réformes fiscales, comprenant des révisions des taux et des mesures visant à réduire la fraude fiscale et à améliorer la collecte et l’administration des impôts. Ces mesures, adoptées fin 2022, ont soutenu les recettes publiques à des niveaux proches du budget au premier semestre 2023.

« Lorsque nous avons abaissé la note de défaut des émetteurs en devises à long terme (IDR) de la Tunisie en juin 2023, nous prévoyions que les besoins de financement du gouvernement s’élèveraient à environ 16 % du PIB en 2023 et 14 % en 2024, l’un des niveaux les plus élevés » estime l’agence.

Accord avec le FMI, de grandes chances mais rien de sûr

Le plan de financement du gouvernement prévoit environ 5,5 milliards de dollars (environ 10 % du PIB) de financement extérieur en 2023. Sur ce montant, la Tunisie n’avait mobilisé qu’environ 865 millions de dollars en juin. Une grande partie du reste dépendra de l’obtention par le pays d’un programme du FMI, dont les progrès sont au point mort depuis que les réformes des subventions – répertoriées comme une mesure préalable à l’approbation du conseil d’administration du FMI – ont été rejetées par le président Kais Saied en avril. Nous continuons de supposer qu’un programme du FMI sera approuvé d’ici la fin de l’année, débloquant davantage de financements extérieurs et facilitant le règlement des retards de paiement aux entreprises publiques. Néanmoins, il n’est pas dit que cet accord aura lieu.

Si le financement du FMI n’est pas assuré, nous nous attendons toujours à ce que des financements extérieurs supplémentaires soient débloqués, notamment 500 millions de dollars de l’Arabie saoudite, 150 millions d’euros de subventions de l’UE, le deuxième décaissement de 500 millions de dollars au titre de l’engagement d’AfreximBank pour 2023 et 550 millions de dollars de l’Algérie. Cependant, dans un tel scénario, le secteur financier national aurait du mal à combler l’important déficit de financement public. Cela pourrait pousser le gouvernement à rechercher un financement direct auprès de la banque centrale, ce qui pourrait nuire à l’indépendance et à la crédibilité de la banque.