Lorsque la Tunisie pensait énergies renouvelables aux années 80 et en prime la création en 1985, de l’Agence Nationale pour la Maîtrise de l’Energie (ANME)et la mise en place d’une stratégie pour le mix énergétique et la rationalisation de la consommation de l’énergie, les autres pays de la région et en prime les “amis de la Tunisie” n’y pensaient même pas. Aujourd’hui, ces pays, qu’il s’agisse de l’Égypte, du Maroc ou de l’Algérie réalisent plus qu’ils ne discourent et pendant ce temps, en Tunisie, la démagogie et les discours populistes prennent le pas sur les véritables réalisations, le peuple, lui, est anesthésié face à la déliquescence de l’Etat et l’absence d’une vision claire et de programmes concrets et réalistes pour faire sortir le pays du long tunnel duquel il n’arrive pas à sortir depuis 2011.

Dans la journée du 5 juillet le Conseil Tunisien des Relations Internationales (TCIR) organise une rencontre consacrée à la problématique énergétique avec pour titre une interrogation : “La Tunisie peut-elle être un carrefour énergétique” ?

Khaled Kaddour répond par l’affirmative à condition que l’on rattrape l’énorme retard que nous accusons en l’absence d’une politique réelle pour le développement des nouvelles énergies.

Le volume de gaz naturel se trouvant en Méditerranée orientale dépasserait les 3 500 milliards de m3, précise M. Kaddour, soit l’équivalent de la production mondiale annuelle de gaz qui était de près de 4 000 milliards en 2020 selon International Energy Agency (Agence internationale de l’énergie). Il correspondrait à l’un des plus grands champs de gaz naturel encore non exploité, et de plus dans une région partiellement explorée. Les pays concernés par ces nouvelles réserves gazières sont l’ensemble des États de la région disposant d’une façade maritime assez conséquente pour revendiquer l’exploitation de ces nouveaux champs gaziers : Chypre, Égypte, Grèce, Israël, Italie, Liban, Libye, Palestine, Syrie et Turquie.

Nombre de ces pays ont investi dans les infrastructures pour la liquéfaction du gaz et son exportation vers l’Europe dépendante du gaz russe.

Cela étant, le fait de disposer d’importantes réserves gazières, ne les a pas empêchés de développer des énergies propres. “La région de la Méditerranée orientale peut aussi s’imposer comme un fournisseur fiable d’hydrogène vert auprès de l’Europe”.

La décarbonation est un objectif planétaire et des pays qui malgré les conflits qui resonnent encore en Méditerranée orientale, (le conflit turco-grec à Chypre (1974), le conflit israélo-palestinien ou encore les affrontements en Syrie voisine, ont pu entamer plusieurs projets de coopération énergétiques.

Les alliances entre pays se font autour des intérêts énergétiques

“L’Égypte, la Grèce et Chypre ont signé en octobre 2021 à Athènes un accord de transfert d’énergie électrique dans le cadre du renforcement de la coopération énergétique des pays de la Méditerranée orientale. En octobre 2022, la Grèce et l’Égypte ont également signé un accord pour développer un câble sous-marin reliant les deux pays ainsi, l’énergie solaire produite en Afrique pourra être transportée vers l’Europe.

“Une interconnexion qui renforce la coopération et la sécurité énergétique non seulement entre ces trois pays mais aussi avec l’Europe et elle sera un moyen de transfert de quantités importantes d’électricité depuis et vers la Méditerranée orientale” explique Khaled Kaddour rappelant que l’Égypte a haussé ses capacités de production énergétique pour atteindre 58 gigawatts, à l’heure où sa consommation maximale est de 33 gigawatts.

L’Égypte a aussi lancé des projets de connexion électrique avec le Soudan, l’Arabie saoudite et Chypre, pour renforcer le réseau d’électricité régional.

L’interconnexion électrique entre l’Égypte et l’Arabie saoudite entre en service en mai 2025 avec une capacite initiale de 1500 MW et la deuxième tranche sera finalisé en septembre 2025 pour atteindre une capacite totale de 3000 MW. L’Égypte qui est dans les réalisations et non la démagogie a aussi signé tout récemment (13 juin) un accord avec les Émirats pour un échange durable d’électricité. Les Emirates financent un grand projet d’énergie renouvelable d’une capacite de 10 GW dans le but d’exporter les énergies vertes en Europe.

La récente signature, le 13 juin 2023, d’un accord sur l’échange durable d’électricité (SET) a été conclu entre l’Égypte et les Emirates pour financer un grand projet d’énergie renouvelable d’une capacite de 10 GW dans le but d’exporter les énergies vertes en Europe. Ce sont les Émirats qui financent. La première tranche du projet d’une capacite de 3000 MW nécessite un investissement de 3 Milliards de $.

Ceci pour l’Égypte mais il y a aussi Chypre, la Grèce et Israël qui avancent considérablement sur les énergies renouvelables. Ils ont signé un protocole d’accord (Mou) pour relier leurs réseaux. Une fois achevé, l’interconnecteur transportera entre 1GW et 2 GW de capacité. Le câble sous-marin sera posé dans la mer Méditerranée sur environ 1 500 km et à une profondeur maximale d’environ 2 700 mètres, ce qui en fait “le plus long câble électrique sous-marin du monde.

Les alliances entre pays se font autour des intérêts énergétiques

Au Nord de l’Afrique, le Maroc qui a adopté la stratégie des énergies renouvelables tout juste en 2009, a fait des avancées considérables en la matière. Il est classé deuxième pays arabe avec 3.727 MW produits en 2022 entre énergie solaire et éolienne.

La Tunisie à la traine !

En Tunisie, où le rayonnement solaire varie d’une intensité comprise entre 1800 kWh/m²/an et 2600 kWh/m²/an et où le potentiel éolien est évalué à 8 GW sur une surface exploitable de 1600 km², la production des énergies renouvelables ne dépasse pas les 3,5% de la production totale dans un pays dépendant à 70% des importations de gaz et de pétrole.

Un pays où l’administration est castrée parce que les grandes directions sensées mettre en place les grandes stratégies pour le développement des nouvelles énergies sont dépourvues de personnels et sont débordées par force de questionnaires dans le cadre de la seule « réalisation » du pays : la lutte contre la corruption. Un combat sale, bête et méchant qui achève le peu qui est resté d’une administration quoiqu’imparfaite mais qui était capable de planifier, de programmer et d’agir, ceci avant la débandade de 2011 et les armées d’incompétents qui ont gouverné le pays !

La question qui se pose aujourd’hui est : comment un pays qui ambitionne de porter les ENR à 35 % du bouquet énergétique en 2030 pour une capacité installée de plus de 4.700 MW pourrait réaliser ses objectifs avec un véto presque systématique de la STEG qui considère tout développement des énergies renouvelables comme une concurrence déloyale envers ses propres services avec des syndicats plus versés vers la logique de la terre brûlée que vers celle de l’affranchissement du pays de sa dépendance énergétique.

La Tunisie qui explore aujourd’hui le potentiel d’utilisation des énergies marines, de l’hydrogène vert, de la biomasse et de la valorisation des déchets pour plus d’efficacité énergétique pourrait continuer sur la voix des projets fictifs au train où vont les choses.

Le projet Elmed qui permettrait la production de 600 MW et qui est brandi à chaque fois comme le projet de l’année aurait dû être concrétisé en 2010, l’accord de principe ayant été signé en 2009 est un projet très modeste qui ne peut en aucun cas positionner la Tunisie en tant qu’acteur fort dans les énergies renouvelables.

C’est triste de voir que le seul pays dans la région qui a eu, le premier, la vision du potentiel des énergies renouvelables soit le dernier dans l’action !

Khaled Kaddour estime qu’une diplomatie active, le développement de la prospection des ressources gazières, la construction de stations de liquéfaction de gaz et la capacité de transporter et distribuer l’énergie sous ses différentes formes, sont nécessaires pour repositionner un pays tel que le nôtre dans la carte énergétique de la région.

Comment y parvenir lorsque le ministère de l’industrie, des mines et de l’énergie est dépourvu de ministre depuis des mois, sans que cela inquiète le Président Saied ou incommode le gouvernement Bouden.

Faut-il en rire ou en pleurer ?