L’UE propose à la Tunisie jusqu’à plus d’un milliard d’euros à long terme. Le FMI, 1,9 milliard $, mais il faut réformer, et se conformer. La Tunisie à genoux tente de négocier, affaiblie et isolée de facto par ses élites au pouvoir. Elle subit l’alternance entre la carotte et bâton…

Moktar Lamari
Moktar Lamari

Pour faire passer leurs diktats, les Européens miroitent un peu plus d’un milliard d’euro en contrepartie d’un ensemble d’exigences menant la Tunisie à verrouiller ses frontières pour empêcher notamment les départs clandestins vers l’Italie, des Tunisiens et des Africains. Cette année en 5 mois, 26000 migrants clandestins ont rejoint l’Italie à partir des côtes de la Tunisie.

La promesse européenne est assortie à l’obtention d’un accord avec le FMI, qui de son côté exige des réformes jugées doubleuses, impopulaires…et donc dangereuses par la Tunisie.

Deux cartes maîtresses sont jouées par la Tunisie de Kais Saied. La première carte porte sur les flux migratoires en partance de la Tunisie. Du coté tunisien, on peut toujours laisser faire les départs, si on n’obtient pas gain de cause sur le front des aides, de l’allègement de la dette, ou d’autres revendications contextuelles.

La deuxième carte porte sur le basculement dans le clan des pays du BRICS, et un plus grand tropisme envers Algérie et la Libye, deux pays voisins, très riches, mais dont la stabilité politique est incertaine. Et cela n’arrange pas l’Europe de voir en Tunisie s’ouvrir plus sur la Chine et surtout vers la Russie qui dispose déjà de forces armées en Libye.

En Tunisie on accuse le choc et on compte les coups

Mais, en silence, sans transparence et sans débats publics sur les enjeux. Et comme toujours, le système informationnel maintient l’opacité sur la nature des ententes de principes convenues entre la Tunisie et l’Union européenne. Il faut chercher les nouvelles dans les conferences de presse et communiqués européennes.

Le tout dans un vacarme médiatique qui tourne en rond et incapable de dresser un agenda médiatique qui se respecte avec en point de mire les enjeux et les priorités qui doivent être abordés par l’entente contractuelle Tunisie-Europe. Celle-ci doit être finalisée d’ici une semaine.

Le timing est serré, très serré ! Le président Kais Saied se rendra à Paris le 22 juin, pour participer à un somment organisé par la Banque mondiale pour mobiliser l’argent nécessaire pour financer la transition verte, et la lutte contre les changements climatiques.

Le tout se passe de manière intense en une dizaine de jours. Avec la dégradation de la note souveraine de la Tunisie à CCC- par l’agence Fitch Rating, vendredi dernier. Et le vote à venir, dans deux jours, par la Banque mondiale, de la stratégie à tenir envers la Tunisie, l’Etat tunisien est sous pression extrême.

La diplomatie tunisienne a du pain sur la planche. Pour réussir à négocier de manière efficace ces différents enjeux, les économistes et les universitaires doivent chiffrer les enjeux pour éclairer les choix et identifier les meilleures options pour la Tunisie. Ils doivent s’exprimer afin d’éclairer l‘opinion publique tunisienne et internationale sur les véritables défis en jeu.

Moktar Lamari