En stand bye depuis 16 ans, le controversé dossier du mégaprojet touristico-immobilier, «la Porte de la Méditerranée », projet de smart city d’au moins 250.000 habitants que le groupe émirati Sama Dubaï s’était engagé à édifier, depuis 2007, au lac sud de Tunis, sur 1000 hectares cédés au dinar symbolique, vient d’être dépoussiéré, encore une fois.

Il a fait l’objet, le 19 mai 2023, d’un entretien entre le ministre de l’Économie et de la planification, Samir Saied et l’ambassadeur des Emirats arabes unis en Tunisie, Imen Ahmed Sallami.

Le ministre tunisien a invité les EAU « à reprendre les discussions à propos du méga projet, et ce, pour son intérêt économique et sa rentabilité pour les deux parties ».

Est-il besoin de rappeler que selon les estimations initiales, ce mégaprojet prévoyait un investissement de 25 milliards de dollars et la création de 150.000 emplois directs et indirects. C’est pourquoi avec les moult difficultés que connaît actuellement la Tunisie, la relance du projet serait une bouffée d’oxygène à même de contribuer à l’impulsion de l’investissement étranger dans le pays.

Pour mémoire, l’investisseur émirati, touché de plein fouet par la crise financière de 2008, ne s’est pas manifesté, depuis, pour dire clairement s’il veut reprendre le projet ou s’il veut l’abandonner.

Confronté à un problème similaire, le Maroc a tranché, depuis 2012, et décidé d’exproprier le mégaprojet. Il s’agit du méga chantier d’aménagement de la vallée du Bouregreg à Rabat, dont la concrétisation avait été freinée par le désistement du groupe émirati Sama Dubaï.

Des propositions pour débloquer la situation

A l’opposé, dans l’affaire de Sama Dubaï en Tunisie, l’Etat tunisien a opté pour des solutions diplomatiques voire pour des solutions à l’amiable.

Durant le mandat du gouvernement Elyes Fakhfakh, le ministre de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire de l’époque, Moncef Sliti avait, constamment, plaidé pour plusieurs solutions pragmatiques.  Concrètement, il avait proposé quatre scénarios pour décadenasser le dossier.

Le premier consiste à demander à Sama Dubaï à redémarrer les travaux s’il est encore intéressé par le projet et à accepter la renégociation de la convention dans le but de l’équilibrer davantage en matière de droits et obligations. L’ultime but de cette renégociation est de prendre en considération, dans cette perspective, l’intérêt national.

Le deuxième scénario prévoit un règlement à l’amiable et la résolution de tous les problèmes en suspens.

Le troisième propose la résiliation de la convention unilatéralement par la Tunisie. Cette solution n’a jamais été défendu par les différents gouvernements qui se sont succédé, jusqu’ici, depuis la conclusion de la convention en 2007.

Morale de l’histoire :  l’accord conclu en 2007 avec Sama Dubaï est toujours valable et n’a pas été annulé.

Pour commencer, des projets pour donner un avant-goût

Parallèlement à ces scénarios, le gouvernement d’Elyes Fakhfakh avait proposé d’entamer la réalisation de deux composantes du mégaprojet.

La première consistait à valoriser une superficie « de 127 hectares appartenant en totalité à l’Etat, répartis en 9 titres fonciers et cernant le terrain devant abriter la Porte de la Méditerranée. Sur ce total, au moins 70 hectares sont aménageables et peuvent servir à abriter de quartiers résidentiels de standing, d’industries propres et d’équipements collectifs à forte rentabilité ».

Il s’agit d’une smart city voire d’une petite ville périphérique de la Porte de la Méditerranée de 15 000 habitants à même de créer environ 10 000 emplois. D’après Moncef Sliti « Ce projet, au regard de sa haute rentabilité, peut constituer un avant-goût de ce que sera, demain, la Porte de la Méditerranée et permettra d’assurer le passage entre le tissu urbain existant et celui projeté sur les berges du lac sud ».

La deuxième composante porte sur la reconversion du port de Tunis en port de plaisance. Ce projet date en fait de 2001, date à laquelle cet ouvrage a été intégré dans l’aménagement des berges du lac sud dans sa globalité, et particulièrement au mégaprojet La Porte de la Méditerranée de Sama Dubaï.

Avec la suspension de la convention de Sama Dubaï, la reconversion du port, devenue une composante du master plan, est totalement bloquée.

L’idée lancée au temps du gouvernement Fakhfakh était d’étudier la possibilité de l’exploiter temporairement dans le secteur de la plaisance, en attendant la mise en œuvre du projet de Sama Dubaï qui va prendre beaucoup de temps.

L’idéal serait de renégocier le contrat

Abstraction faite de ces propositions, il faut reconnaître que La porte de la méditerranée, un joyau foncier de 1000 hectares d’excellente qualité cédée au dinar symbolique et négocié au temps de Ben Ali, dans des circonstances entachées de présomptions de corruption, doit bénéficier d’un intérêt particulier de la part du gouvernement.

Objectif : déminer le contrat qui aurait été élaboré pour desservir, délibérément, les intérêts de la Tunisie et le renégocier d’autant plus que dans sa mouture actuelle, ce projet sera conçu sans les Tunisiens (architectes, bureaux d’études étrangers…) et dans une perspective élitiste qui ne permettrait pas aux Tunisiens d’y accéder, et ce compte tenu de leur faible pouvoir d’achat. Nous parlons ici d’un problème de souveraineté nationale par excellence. A bon entendeur.