La Tunisie est sur la conclusion imminente d’un accord final avec le FMI qui débloquera le 1,9 milliard de $ sur 4 ans et ouvrira, pour le pays, la porte aux autres financements internationaux dont il a urgemment besoin.

Jihad Azour, directeur MENA et Asie centrale au FMI, repris par Bloomberg, vient de déclarer : « Nous devions être sûrs qu’il y avait suffisamment de fonds pour le plan de sauvetage … Nous avons travaillé avec le gouvernement et les alliés de la Tunisie pour mobiliser des garanties de financement supplémentaires, et les autorités ont fait quelques progrès dans ce que nous appelons les mesures de réformes ».

Il ne faut, toutefois, pas crier victoire trop tôt. Le FMI reste pessimiste quant à des progrès économiques rapides salvateurs dans un pays à court de liquidités et une inflation qui risque de s’aggraver.

Le Fonds a tapé en plein dans le mille s’agissant des liquidités. Rappelons que le volume global de refinancement à fin avril 2023 est de 15,868 milliards de dinars contre 10,138 milliards de dinars, ce qui veut dire que la BCT a injecté sur le marché plus de 5 milliards de dinars.

D’un autre côté, le volume des bons de trésor à court terme (BTCT) a atteint les 8,058 milliards de dinars en 2023 alors que, en 2022, il était de 4,221 milliards de dinars. Les 3,873 milliards de dinars sont des montants injectés par la Banque centrale sur le marché bancaire au TMM que les banques prêtent à l’Etat au TMM + taux d’intérêt.

C’est révoltant, estiment des experts financiers ! Pourquoi la BCT ne prêterait pas à l’Etat directement lui épargnant des taux d’intérêts faramineux répliquant à ceux qui opposent l’argument de la loi que la BCT a précédemment conclu avec l’Etat un accord de prêt de 2,8 milliards de dinars remboursable sur 5 ans et garanti par l’ARP. Pourquoi ne pas faire pareil en passant par le nouveau Parlement ou par un décret présidentiel ? Le but, assurent-ils, étant des plus nobles puisqu’épargnant à l’Etat des taux d’intérêt faramineux, préservant les finances publiques et respectant l’autonomie de la BCT.

Les BMC (Billets et monnaies en circulation) sont aujourd’hui de 19,407 milliards de dinars. Ils étaient de17,500 milliards dinars, soit une augmentation de plus de 1,9 milliard dinars alors qu’il n’y a pas de croissance économique. La planche à billets aurait-elle été la solution ultime pour sauver la donne sur terrain et les finances publiques en souffrance ?

Le pays ne pourrait être sauvé que par le travail et la relance de la machine productive !

La Tunisie a besoin du FMI, de financements internationaux mais surtout de croissance. La meilleure solution est tout simplement de prendre les mesures nécessaires pour faire redémarrer la machine productive du pays mais aussi les investissements de l’Etat. Il est important d’encourager les exportations, de rétablir la confiance avec les investisseurs, de faire le grand ménage dans une administration publique, au meilleur des cas, inerte, et dans le pire des cas, infestée par la corruption.

La déclaration du président de la République à propos du phosphate tunisien comme étant la meilleure alternative à l’endettement aurait pu servir à quelque chose dans l’immédiat.

Ceci, si seulement, la production du phosphate n’avait pas été bloquée depuis plus de 10 ans, sauf petites reprises consenties par des pseudo-révolutionnaires qui n’ont pas épargné d’efforts pour casser sa chaîne de valeurs occupant les centres de production, bloquant l’extraction du phosphate, sous différents prétextes, vandalisant les lignes ferroviaires et empêchant son transport vers les centres de transformation et son exportation vers les marchés demandeurs.

Ces pratiques portent un nom, “terrorisme économique”, et c’est ce qui explique que le secteur des phosphates fût au cœur des discussions du Conseil de sécurité nationale présidée par le président de la République. Mais il faut du temps pour que le phosphate reprenne sa place en tant que pourvoyeur de l’Etat en devises.

Le phosphate tunisien vaut à l’échelle mondiale par sa chaîne de valeurs et la qualité de son traitement qui en ont fait une denrée exceptionnelle, et c’est ce qui a été visé par la machine de destruction massive dont il fut victime sur plus de 12 années, faisant perdre à la Tunisie des ressources en devises et réduisant sa capacité à importer les produits de première nécessité dont les médicaments.

« Aujourd’hui, nous reprenons, affirme Ridha Chalgoum, PDG de la CPG. Nous sommes en train de rétablir les lignes ferroviaires pour le transport du phosphate aux différents centres de traitement. Notre programme de relance est fixé sur les quatre prochaines années et il inclut de nouveaux produits demandés et attendus à l’international ».

Aujourd’hui, avec un deuxième trimestre 2023 largement entamé, il va falloir que le gouvernement consente une petite mise au point économique. Qu’est-ce qui a été réalisé à ce jour et à quoi nous devons nous attendre dans les tous prochains mois ?

Pour rappel, nous ne savons pas encore si les 9 milliards de dinars pour boucler le trou du budget 2022 ont été pourvus. Nous ne savons pas aussi si les montants prévus pour le cash transfert, soit dans l’ensemble près de 1,4 milliard de dinars répartis en 2 lots, une divers (bizarre) et l’autre pour couvrir la compensation, ont été attribués.

Le gouvernement a-t-il mis en place la plateforme pour gérer les subventions ? A-t-il fixé le nombre des bénéficiaires ? A-t-il établi un programme pour l’augmentation progressive des prix ? Sommes-nous dans l’établissement de la réalité des prix ?

Nombreux sont ceux qui s’insurgent contre le « diktat du FMI » alors que le plan des réformes a été proposé par l’Etat tunisien dont le ministre de l’Economie, Samir Saïed, a, à plusieurs reprises, nié disposer d’un plan B pour remplacer le recours au FMI.

Ce n’est pas la fuite en avant ou les demi-mesures qui sauveront le pays ou le libéreront de l’endettement extérieur. Aujourd’hui, plus que jamais dans un climat politique délétère, la Tunisie, attaquée de toutes parts au national -par les loosers politiques- et à l’international -par leurs alliés floués ou intéressés-, a besoin d’un langage de vérité et d’un discours rassembleur et courageux, positif loin des clichés et du diatribe populiste et axé sur l’engagement des réformes, le retour de la confiance et l’incitation au travail.

Le président pourra-t-il, saura-t-il le faire ?