Les parfums d’ambiance sont de plus en plus utilisés en Tunisie dans les espaces publics : centres commerciaux, salles d’attente et de sport, crèches, garderies scolaires et autres.

Mais ce produit, supposé être une source de détente et de bien-être, est souvent utilisé en l’absence de tout contrôle de conformité aux normes de sécurité, de santé et à l’insu des personnes présentes sur ces lieux.

Des fournisseurs et commerçants convertis en fabricants de parfums d’intérieur en Tunisie commercialisent depuis quelques années, des recharges de diffuseurs électriques à usage industriel contenant des substances chimiques nocives, selon la responsable des affaires juridiques d’une société qui a porté plainte pour concurrence déloyale.

Des analyses de chromatogramme effectuées par l’entreprise victime de cette concurrence déloyale au Centre technique de la chimie (CTC) ont montré que le parfum commercialisé contient 25 substances dont certaines sont dangereuses pour le système respiratoire, les yeux, le foie et les reins.

Ces substances représentent plus de dangers pour les femmes enceintes et pourraient même causer des malformations fœtales. 65 autres composants inconnus dites “impuretés” ont été détectées mais n’ont pas été identifiées par le chromatogramme, indique le rapport d’analyses établi dans le cadre de cette affaire.

Les fournisseurs de recharges pour parfum d’ambiance, dont le nombre ne cesse d’augmenter (plus que 10 actuellement) sont pour la plupart détenteurs de patentes qui n’ont rien à voir avec leurs activité réelles ou évoluent carrément dans l’informel.

Ils approvisionnent de grands magasins de prêt-à-porter, dont certains emploient plus que 1000 personnes, ainsi que des jardins d’enfants dans plusieurs régions du pays, par des parfums d’ambiance contenant des substances toxiques, affirme à l’Agence TAP, la responsable qui préfère taire son nom.

Ils ont procédé à la recharge de contenants à usage unique, réutilisés depuis 2014, jusqu’à usure, selon un procès-verbal d’inspection, datant du 2 septembre 2021, établi dans le cadre de la même affaire.

A titre d’exemple, environ une tonne de ces produits (recharge parfum) est en moyenne consommée par deux grandes célèbres marques de prêt-à-porter en une seule année, dans leurs différents points de vente répartis dans divers gouvernorats de la Tunisie, selon les estimations de la même source.

Ceci donne une idée sur le volume de parfums consommés ainsi que sur les éventuels risques encourus par les employés des magasins de prêt-à-porter et autres qui inhalent des substances chimiques émanant des diffuseurs électriques, à longueur de journée.

Des commerçants reconvertis en chimistes

Les parfums d’ambiance, des mélanges de différents composés, s’ils ne sont pas fabriqués par des spécialistes et dans le respect strict des normes, pourraient polluer l’air et menacer la santé humaine, particulièrement celle des personnes vulnérables, atteintes déjà de maladies respiratoires ou souffrant d’allergies.

Ainsi, des fragrances à composants nocifs diffusées par les machines des heures durant, pénètrent, dans les poumons et déclenchent, dans certains cas, des crises d’asthme, des migraines, des allergies et mêmes des infections pulmonaires et autres.

Les ministères du Commerce, de l’Industrie et de la Santé, l’Agence nationale de contrôle sanitaire et environnementale des produits (ANCSEP), ainsi que la Douane tunisienne ont été alertés dans le cadre de cette affaire de concurrence déloyale, rapport d’expertise judiciaire à l’appui.

Mais ces alertes sont restées apparemment, sans suite selon des correspondances, dont l’agence TAP détient des copies.

Par ailleurs, pour que les fragrances soient sans danger pour la santé humaine, leur conformité à des règles de sécurité très rigoureuses doit être testée. Leurs fournisseurs sont, à cet égard, appelés à présenter des fiches techniques permettant le contrôle et le suivi de la traçabilité du produit.

Un certificat de conformité au règlement cosmétique des 26 substances allergènes les plus connues doit apparaître sur l’étiquette du produit et un certificat d’IFRA (International fragrance association) qui atteste que la procédure de fabrication est conforme aux standards de l’industrie du parfum est également, exigé.

Pour réglementer l’industrie des fragrances, certains pays disposent d’agences et d’autorités spécifiques telles que la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis, Santé Canada, ministère qui réglemente la sécurité des produits cosmétiques et la Commission européenne qui surveille les fragrances utilisés en Europe à travers le règlement REACH, lequel est entré en vigueur en 2007, pour sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie.

Créée en 1973, l’International Fragrance Association (IFRA), veille depuis à l’utilisation sûre des ingrédients des fragrances en établissant un système d’autorégulation pour l’industrie de la parfumerie.

En Tunisie, l’industrie des fragrances bien qu’elle soit très liée à la qualité de l’air et à la santé humaine, n’est pas régie par une réglementation spécifique.

La question de la qualité de l’air est abordée par le projet de Code de l’environnement (version publiée sur le site du ministère de l’Environnement). Mais, peu d’importance est accordée à la qualité de l’air intérieur, qualifié, pourtant, par des organismes internationaux de “tueur invisible”.

En l’absence de contrôle et de lois régissant les filières de parfums d’ambiance, ces derniers constituent pour le moment un danger de santé publique d’autant plus que leurs sources et leurs composants demeurent inconnus et leurs fournisseurs exercent pour la plupart dans l’informel.