La mue du paysage médiatique par suite de la révolution numérique a totalement changé la donne sur terrain. Les réseaux sociaux, les sites et les journaux électroniques ont détrôné la presse écrite. Une lutte inégale dans laquelle, la noblesse de l’histoire de la presse papier n’a pas permis de défendre sa place sur le marché de la presse ou encore de préserver nombre de titres de la disparition.

En Tunisie, un des journaux les plus prisés de la place, en l’occurrence Achourouk n’a pas pu échapper aux toutes puissantes nouvelles technologies imposant de nouveaux modes et outils communicationnels. Pour résister, des grands efforts sont fournis au niveau des contenus rédactionnels et du journalisme de proximité pour que le journal puisse atteindre ses objectifs de vente et garder sa notoriété.

Entretien avec Abdelhamid Riahi, rédacteur en chef du journal Achourouk.

Abdelhamid RIAHIQuel est l’impact de l’évolution des réseaux sociaux et de la presse électronique sur la presse écrite ?

L’effet du développement du numérique a été dévastateur sur la presse écrite. Aujourd’hui, le portable, la tablette ont remplacé le journal et sont devenus les premières sources d’information. Je peux même dire qu’ils sont les seuls moyens pour suivre l’actualité et même devenir un vecteur pensant s’il a le savoir-faire nécessaire pour créer du contenu et pour le diffuser. Nous vivons aujourd’hui dans un monde où on a tout fait pour imposer l’idée des citoyens journalistes qui ignorent tout des techniques et de l’éthique journalistiques mais qui estiment être en mesure de transmettre de l’information.

Comment votre journal Achourouk a vécu la transformation du paysage médiatique ?

Le journal Achourouk a été fortement affecté par l’évolution du numérique et de la presse électronique. Bien qu’il soit relativement moins touché que d’autres, nous ne pouvons que constater la baisse significative des ventes du journal. L’avènement de la pandémie Covid19 a, je pense, marqué un tournant pour nous puisque les lecteurs fidèles ont cru que le fait de feuilleter un journal pouvait les contaminer par le virus.

Néanmoins, Achourouk résiste aujourd’hui en valorisant ses contenus et en permettant au citoyen de participer à leur élaboration et en adoptant la proximité et l’approche participative pour répondre aux attentes des lecteurs et meubler les rubriques du journal. En plus de cela, Achourouk a été mis en ligne et est sur YouTube.

Aujourd’hui, le portable, la tablette ont remplacé le journal et sont devenus les premières sources d’information

Quelles répercussions des nouvelles donnes dans la presse sur l’impression et la distribution des journaux papier ?

Certes, le nombre de journaux imprimés a enregistré une baisse significative en titres et une diminution du nombre de pages et des quantités imprimées. De nombreux journaux relativement anciens – Al-Sarih, Al-Osboui Al-Mousawwar, Al-Anwar – en tant que modèles, ont disparu, laissant place à l’émergence d’une nouvelle vague de nouveaux titres dont les sources de financement et les éditeurs sont d’illustres inconnus.

Quels avantages de faire le choix de distribuer soi-même son journal ?

Le choix était, j’en suis plus que convaincu, judicieux car il a permis au journal d’établir un réseau de distribution qui occupe le premier rang à l’échelle du pays. Notre réseau permet la livraison du journal dans la plupart des villes, villages et cités résidentielles, y compris celles nouvellement construites. En plus de cela, notre indépendance au niveau de la distribution permet un suivi rapproché des opérations de vente pour ajuster les quantités distribuées et les adapter à la demande. Cette approche nous permet aussi d’être plus proches de nos lecteurs et plus édifiés sur leurs centres d’intérêt principalement dans les régions ce qui nous permets d’adapter nos contenus rédactionnels.

Le nombre de journaux imprimés a enregistré une baisse significative en titres et une diminution du nombre de pages et des quantités imprimées.

Au journal Achourouk, le service de distribution, suivi de près par l’administration générale, investit considérablement dans le réseau de distribution et fait en sorte de combler toutes les lacunes qui existent ou qui peuvent apparaître. Lorsque les citoyens lecteurs se trouvent devant un journal diversifié avec un contenu qui les défend et expose leurs problèmes et leurs préoccupations, lorsqu’il est soutenu par un réseau de distribution bien réfléchi, il réussit à maintenir sa place et sa popularité.

La nouvelle presse électronique et les réseaux sont-ils les seules raisons du recul de la presse écrite papier ?

Il y a tout d’abord comme je vous l’ai déjà expliqué l’impact direct des médias sociaux. Il y a aussi le problème de la flambée des prix des coûts de production de la presse écrite, tels que le papier, l’encre, et autres, en raison de la détérioration du taux de change du dinar par rapport à l’euro.

La baisse de la publicité privée et publique en termes de quantité et de revenus, a fini par porter un sérieux coup à tous les organes de presse. Le budget communication et information est sacrifié plus facilement. Bien communiquer peut beaucoup apporter à une entreprise ou une institution publique en revanche le coût de la non-communication peut être élevé.

Notre réseau permet la livraison du journal dans la plupart des villes, villages et cités résidentielles, y compris celles nouvellement construites

Comment faites-vous à Achourouk pour équilibrer vos comptes ?

Les revenus d’Achourouk ne couvrent pas actuellement ses dépenses, surtout avec le retard de paiement des publicités publiques. Par conséquent, la direction du journal, en coordination avec le ministère des affaires sociales et avec les syndicats professionnels, a procédé une réduction des effectifs, journalistes, techniciens et ouvriers et les orienter vers une retraite anticipée tout en leur permettant de jouir de leurs droits.

Toutes ces actions devraient, nous espérons, nous permettre de résister, jusqu’à la fin de la crise économique étouffante que traverse notre pays.

Entretien conduit par Amel Belhadj Ali