Les déclarations du président de la République à propos du FMI ont soulevé un tollé chez les personnes édifiées sur la chose économique en Tunisie ! Quelques mots et voilà que notre pays tombe de nouveau en disgrâce !

Devons-nous, à chaque fois que le président s’exprime publiquement nous confondre en excuses pour dire que ses propos ont été mal interprétés ?

Kais Saied, président de la République mesure-t-il la portée de ses mots devenus des maux pour le pays ?

Le président, réalise-t-il qu’à chaque fois qu’il s’exprime publiquement, ce n’est pas seulement « Le peuple qui veut » qui l’écoute mais le monde entier et que par ses mots il engage tout le pays, y compris « le peuple qui veut » et pas nécessairement sur le bon chemin ?

Le président qui a cité Bourguiba, ne sait-il pas que c’est le Bourguiba visionnaire, lucide, diplomate qui a construit la Tunisie moderne ? Le patriotisme ne suffit pas ! Le souverainisme non plus ! Le pays a besoin d’un Kais Saied qui ne répond pas uniquement aux attentes du « peuple qui veut » mais qui trace le chemin des générations futures afin qu’elles puissent réaliser leurs rêves et se projeter dans leur pays au lieu de se jeter dans la mer !

Choqué !

Fethi Nouri, économiste, s’est dit choqué par les déclarations du président de la République jeudi 6 avril ! Le projet sociétal du président ne présente aucune alternative ou programme économique, dit-il.

Il commente : « C’est une réponse politique à un dossier économique et à ce propos, le FMI pourrait demander des éclaircissements au gouvernement tunisien. Au cas où le dossier Tunisie est retiré du Fonds monétaire, le pays pourrait entrer dans une crise financière dont nous ne pouvons pas prédire les conséquences. Le gouvernement pourrait prendre des mesures qui seront plus douloureuses que les réformes proposées auparavant et approuvées dans le cadre d’un accord avec le FMI ». Il termine en disant : « Nous soutenons tous la volonté du peuple mais dans un monde qui évolue avec une vitesse affolante, il faut que nous sachions où nous positionner et comment » !

Mais si le président de la République, lequel, rappelons-le, est le premier décideur du pays, est autant hostile à un accord avec le FMI, pourquoi, dans ce cas, investir dans les déplacements des hautes délégations gouvernementales à l’International ? A quoi bon se rendre à Washington, en Suisse ou encore à Paris ? A quoi pourraient servir tous les plaidoyers des ministres tunisiens auprès des partenaires étrangers si après cela, quelques mots du président remettent en question tous leurs discours, annulent leurs engagements et sèment le doute quant à leurs promesses ?

De quelle alternative dispose aujourd’hui une Tunisie qui a commencé à renégocier les délais de remboursement de quelques-unes de ses dettes ? Renflouer les caisses par la réconciliation pénale ? Appauvrir encore plus les créateurs de richesses formels alors que les contrebandiers et les acteurs de l’économie informelle s’enrichissent au vu et au su de tout le monde sans aucun engagement envers l’Etat ?

Ou peut-être…se tourner du côté de l’Est, par de nouvelles alliances avec la Russie et la Chine ? Quelles en seraient les conditions et surtout quelles sont les garanties pour que la Tunisie soutenue par ces deux pays puisse s’en sortir ? Quelles conséquences sur nos échanges avec l’union européenne, sachant que la balance commerciale, avec celle-ci est positive en faveur de la Tunisie ?

La Tunisie doit-elle espérer un « Club de Paris » arabe orchestré par l’Algérie avec tous les risques de perte de souveraineté qui doivent s’en suivre ? La grande sœur n’étant pas aussi désintéressée ou philanthrope que ça ?

Quant verrons-nous l’Etat s’engager véritablement dans la guerre de la reconstruction de l’économie ?

Certains partisans du « Peuple qui veut » ont déjà commencé à mal interpréter les propos du président ! Ainsi, l’un d’eux, écrivait hier sur sa page FB : « La vision du président pour trouver les fonds nécessaires à la compensation est d’imposer de nouveaux impôts aux nantis qui n’ont pas besoin de subventions » !  Quelle est la définition des nantis pour les porteurs de pareilles idées ? Nous n’en savons rien !

Le fait est que de tels propos font tâche d’huile dans les réseaux sociaux, pénalisent la réussite sociale, et sanctionnent le succès sans pour autant résoudre un problème structurel appelé compensation !

Cette mouvance idéologique populiste s’étend à souhait jusqu’à “contaminer” les rédactions des organes de la presse écrite, électronique et audiovisuelle !

Fethi Zouhair Nouri commente ce climat en comparant le discours ambiant avec celui en Libye : « Dans les bulletins d’information en Tunisie les mots qui reviennent sont : traîtres – agents – souveraineté nationale – la Tunisie n’est pas à vendre – Fonds monétaire international – monopole – corruption – spéculateurs-déficit budgétaire – retenues à la source – projets au point mort – prix élevés – perte de biens – placement en prison de l’ancien gouverneur de Gabès – de nouvelles conséquences judiciaires. En Libye on parle de réconciliation nationale – d’unifier les forces de sécurité – d’organiser les élections dans les meilleurs délais – soutenir la décentralisation et transférer les pouvoirs aux municipalités – gardes municipaux – police judiciaire – développer les services de passeport – reconstruire les capacités des entreprises nationales – nouveaux projets à travers le pays ».

Triste réalité pour une Tunisie, on l’on n’a pas encore compris que les s’en va-t’en guerre systématiques ne servent pas forcément les intérêts du pays et n’expriment l’amour que l’on exprime pour lui !

C’est toute la différence entre deux pays où le premier semé par les graines de la haine et de la vindicte est incapable telle l’Afrique du Sud sous Nelson Mandela de différer les petites guerres pour s’engager dans la bataille de la reconstruction et un autre qui a tiré les enseignements d’un conflit dévastateur qui a décidé d’aller vers l’essentiel !

Et dans ce cas précis : l’essentiel est le relèvement de la Libye et sa relance économique !

Serait-ce un rêve impossible que de voir l’Etat tunisien s’élever au-dessus des fausses guerres pour s’attaquer à la véritable guerre : la réédification de l’Etat et la réanimation de son économie ?