Qu’attend le Fonds monétaire international de la Tunisie ? Ce sont tous simplement les réformes dont on ne cesse de parler depuis au moins 7 ans. Des réformes à trois niveaux :les rémunérations publiques, les subventions et les entreprises publiques.

Les déclarations récentes de la directrice générale du FMI ont quelques peu rassuré les Tunisiens et on y a vu les efforts déployés par Najla Bouden, Cheffe du Gouvernement pour convaincre ses partenaires internationaux, mais la déception a rapidement remplacé la satisfaction de voir un accord définitivement signé avec le FMI dans les prochaines semaines.

Et pour cause, on a l’impression que le dossier Tunisie est renvoyé aux calendes grecques et que l’accord définitif tardera à être signé puisque pas prévu de sitôt.

« Cent ‘’non’’ font moins de mal qu’un ‘’oui’’ jamais tenu », dit un proverbe chinois et en la matière, la Tunisie passe championne dans les promesses non tenues. Depuis le gouvernement tristement célèbre par ses subterfuges et son jeu des chiffres et à ce jour, avec un gouvernement qui essaye tant bien que mal de respecter les engagements tenus sauf qu’il n’est pas maître de toutes les décisions et qu’il subit lui-même les affres des lignes rouges.

Tout le monde a crié victoire lorsque le gouvernement a eu, enfin, le courage d’approuver le décret-loi amendant la loi n°89-9 du 1er février 1989 relative aux participations et entreprises publiques. Entreprises publiques pour la plupart déficitaires et dont l’encours de
la dette garanti par l’Etat, selon un rapport sur la dette publique, publié par le ministère des Finances, a atteint à fin juin 2022  19,4 milliards de dinars, contre 18,7 milliards de dinars à fin décembre 2021, représentant 13,4% du PIB de la Tunisie.

Ce décret-loi n’a pas été apposé par le Président de la République, lui-même, considérant les entreprises publiques comme une ligne rouge à ne pas franchir ce qui met l’Etat tunisien en porte à faux et n’est pas pour rassurer les bailleurs de fonds internationaux.

L’effectivité n’y est pas !

Voyons maintenant les dépenses publiques et la masse salariale. Dans la loi des Finances 2023, on limite le nombre additionnel des fonctionnaires de l’Etat à 4000 passant de 654 000 à 658 000 soit aujourd’hui 14,2 % du PIB alors qu’en 2021, elle accaparait 16% du produit intérieur brut.

Reste la question délicate des subventions. Dans la dernière loi des Finances, on a réduit la
subvention des produits de base à 2,5 milliards de dinars en 2023, soit 1,2 milliard de dinars de moins qu’en 2022 durant laquelle on lui a consacré 3,7 milliards de dinars.

Cette décision vient en application du plan d’actions visant l’instauration de la vérité des prix levée progressive et la levée de la compensation sur les produits de base d’ici 2026. En
contrepartie, Il a été prévu deux rubriques cash transfert soit des indemnités qui seront
servies aux populations démunies de 697 MD et 585 MD.

A voir ce qui est stipulé dans la loi des Finances et ce qui est déclaré par le gouvernement on a l’impression que la Tunisie est dans le respect de ses promesses partant de la conformité des mesures prises aux engagements pris. Il se trouve que mis à part les augmentations régulières de l’essence à la pompe, on ne voit pas d’autres réalisations en ce qui concerne les réformes.

Le Fonds monétaire international, attend, pour sa part l’application sur terrain des mesures
prises par l’Etat tunisien et ce n’est malheureusement pas visible. L’effectivité n’y est pas.

Sous d’autres cieux, FMI, GAFI et OCDE ont, d’un commun accord, changé d’approches.

Plus que la conformité, ils exigent, aujourd’hui, des réalisations. Ce fût d’ailleurs le cas avec le GAFI. La Tunisie ne fût retirée de la liste de l’Union européenne des pays présentant des carences stratégiques dans les dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme qu’après mise en application des lois et réglementations sur terrain contrôlée par le GAFI et menée avec brio par la BCT.

Qu’en est-il de l’effectivité s’agissant des engagements pris avec le FMI ?

La loi 89-9 sur la gouvernance des entreprises publiques n’a pas encore été publiée sur le
journal officiel et attend la signature du Président de la République ce qui fait peser des
doutes quant à son effectivité.

On ne voit pas les compensations financières à servir aux classes démunies, pour remplacer les subventions de l’Etat. A fin février, nous ne savons pas si les listes des familles qui vont en profiter a été établie et comment elles vont en profiter. A notre connaissance, à ce jour, aucun smigard n’a reçu un mandat avec mention stipulant que c’est une indemnité en remplacement des subventions de l’Etat sur les produits de base.

En conclusion, reconnaissons que tant que le chef d’orchestre peu convaincu des réformes,
tardera à impulser la musique interprétée par les « instrumentistes » du gouvernement et à l’adopter, les relations avec les bailleurs de fonds internationaux seront difficiles.

Il faut maîtriser la clé pour pouvoir déchiffrer les notes d’une pièce musicale et il n’est pas dit que la complexité de l’économie et de ses notes peuvent-être saisies par le commun des
mortels.

Jusqu’à ce que les clés du chiffrement et du déchiffrement soient maîtrisés par l’ensemble
des acteurs, le FMI et la Tunisie suivront la formule : « Je t’aime, moi non plus ».