Une étude réalisée par l’association Solidar Tunisie et la Fondation Heinrich Boll recommande de repenser les stratégies et les orientations des politiques de développement socioéconomique en Tunisie.

Présentée jeudi 16 décembre 2021 et intitulée “Les nouvelles orientations des politiques de développement post-Covid-19” et visant à contribuer à l’effort national d’élaboration des politiques économiques et sociales de l’après-crise, cette étude s’est basée sur trois approches.

Selon les auteurs, l’approche économique des orientations des politiques de développement a été consolidée par une approche sociologique et une approche environnementale.

L’étude rappelle que les difficultés économiques ont été amplifiées par la crise sanitaire qui a mis à rude épreuve la résilience des modèles de développement et a révélé les limites et les faiblesses du modèle néo-libéral occidental.

L’impact de la crise sanitaire…

En Tunisie, la crise sanitaire a eu une grande incidence sur l’économie et a largement affecté les emplois, ce qui a conduit à l’augmentation du rythme des revendications sociales, appelant à répondre aux aspirations de la Tunisie post-révolution en faveur d’un développement inclusif et durable et la restauration de la confiance des citoyens en l’Etat, indique encore l’étude.

Nécessité de la reprise de l’appareil de production

Le document met l’accent sur la nécessité de la reprise de l’appareil de production, de garantir l’inclusion sociale et de lutter contre la pauvreté, outre l’amélioration de la productivité et recommande entre autres de réformer la réglementation de change, d’accélérer la mise en place de projets structurants dans le cadre de Partenariat public/privé (PPP).

Il s’agit, également, d’intégrer le secteur informel, de mettre en place des programmes spécifiques pour l’emploi des chômeurs et d’accélérer la digitalisation de l’économie.

Les intervenants ont rappelé que la Tunisie fait face, actuellement, à des défis socioéconomiques de taille, entre autres la baisse de la croissance économique, la hausse du taux de chômage des jeunes, notamment des diplômés de l’enseignement supérieur et des femmes, outre les disparités régionales et sociales.

Incapacité des gouvernements de trouver des compromis…

Pour l’économiste Zouhair El Kadhi, malgré l’existence d’un plan de développement (2016/2020), l’instabilité politique (absence de leadership) a empêché l’avancement des réformes et la transition économique.

Au cours de son intervention intitulée “quels modèles de développement économique pour la Tunisie”, il a rappelé que les réformes se sont pour l’essentiel faites dans le cadre de l’appui technique et financier des partenaires extérieurs, estimant que le blocage des réformes des entreprises publiques, du régime de subventions et du système de sécurité sociale, témoigne de l’incapacité des gouvernements successifs de trouver des compromis sur ces points.

Il a fait savoir que l’instabilité du dispositif législatif et le non achèvement ou même le retard dans la promulgation des textes d’application d’un nombre de réformes, n’a pas favorisé la levée des incertitudes et le regain de confiance, outre l’absence d’engouement des investisseurs.

Il a souligné, dans ce cadre, qu’un nouveau cadre de développement s’impose pour garantir une action publique plus efficace.

Ce cadre devra être axé sur le renforcement du cadre de programmation et de planification à travers la proposition d’une vision stratégique “Tunisie 2050”, la création d’un Conseil national des finances publiques, le développement de la planification opérationnelle du budget économique et le renforcement de la qualité des prévisions macro-budgétaires.

Il s’agit, aussi, selon l’intervenant, de la mise en place de l’Instance du développement durable et des droits des générations futures, de réhabiliter le rôle du Conseil National pour le Dialogue Social et de mieux coordonner les politiques publiques.

Absence du volet environnement dans les politiques de développement socioéconomique

Evoquant la place de l’environnement dans les politiques de développement, Amel Jrad, environnementaliste a souligné que les stratégies, les programmes et les plans d’actions n’ont pas peu relever les nombreux défis et assurer un cadre pertinent pour un développement socio-économique pérenne en faveur du bien-être du citoyen et ancré dans les territoires.

Elle a fait remarquer que la raréfaction des ressources en eau, l’intrusion marine et la surexploitation des nappes phréatiques pèsent sur l’équilibre hydrique de la Tunisie et la mettent sur une trajectoire non soutenable.

Les sols tunisiens subissent sur plus de 75% de la surface nationale différentes formes de dégradations et de désertification, engendrant annuellement la perte de l’équivalent de 27 000 hectares (ha) de terres arables, dont 13 000 ha de manière irréversible. Elle a fait savoir dans ce cadre que le taux de dégradation de l’environnement représente 1,7% du PIB.

Concernant le secteur de l’énergie, Jrad a évoqué les vulnérabilités majeures qui impactent la sécurité du pays, à savoir la dépendance vis-à-vis de l’étranger (57% importations) et un mix électrique dépendant presque uniquement du gaz naturel à hauteur de 97%, ajoutant que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique reste très faible et en deçà des objectifs (2,8% du mix en 2020).

Pour la responsable, les évolutions économiques de la Tunisie se sont faites au détriment des ressources naturelles, d’autant plus que les ministères chargés de secteurs économiques comme l’agriculture, l’industrie et du tourisme ne perçoivent aucun budget pour lutter contre les pollutions induites par leurs activités économiques.

Elle ajoutera que les autres structures financières (publiques ou privées) ne se sont pas préoccupées par les actions environnementales et n’ont pas prévu d’investir dans ce créneau.

Jrad a souligné que la nature du tissu économique tunisien, dominé par les PME/TPE, réduit aussi considérablement les investissements en efficacité énergétique ou en technologies de production propre.

Selon Solidar, l’évaluation établie et les recommandations de l’Etude ont été enrichies par les différents acteurs à savoir les représentants de l’administration (ministère de l’Economie, des Finances et de l’Appui à l’Investissement), les représentants de organisations nationales (UGTT et UTICA)…, et ce dans le cadre d’une “plateforme de dialogue socioéconomique”.