Le moment est peut-être venu pour regrouper certains départements ministériels. N’est-ce pas là un moyen de mieux cibler leurs actions, pour aller vers plus d’efficacité ?

Par Ali Adessalam

Le moratoire d’un mois annoncé par le président de la République, le 25 juillet 2021, quant au gel de l’action du Parlement et en vue de la relance de l’économie, a expiré le 24 août. Et le nouveau gouvernement qui devrait piloter cette nouvelle phase de la transition n’est toujours pas nommé. Le pays ne s’est pas mis en mode “Speed“. Cependant, les choses n’ont pas empiré.

Cette parenthèse de stand-by ne peut toutefois pas se prolonger indéfiniment. Les affaires courantes courent d’elles-mêmes, mais les réformes n’attendent pas. Outre que les créanciers n’arrêtent pas de se manifester. Comme le veut la bonne morale populaire, quand il faut y aller, eh bien il faut y aller.

à ce jeu du “mercato politique“, l’on focalise sur les profils de compétences.

Engager le coup

Dans cette atmosphère d’attentisme-immobilisme, le bon peuple se distrait. Face au suspense de la désignation d’un nouveau gouvernement, le bon peuple se laisse aller au jeu des devinettes quant à l’identité des nouveaux ministres. Et à ce jeu du “mercato politique“, l’on focalise sur les profils de compétences.

Il n’y a pas de doute, le pays regorge d’individualités fortes, dont certaines exercent à l’international à des postes de responsabilité et qui accepteraient d’endosser l’uniforme si on les sollicitait. Toutefois, à se laisser dériver vers ce jeu de devinettes on oublie deux éléments essentiels : la fraîcheur et les compétences des ministres sont nécessaires et même indispensables, mais pas suffisantes.

On a vu défiler des pointures de premier plan à La Kasbah, depuis onze ans. Etant en freelance, car sans feuille de route contraignante, et avec un organigramme gouvernemental qui n’est plus en ligne avec les impératifs de la période, on connaît le résultat.

Le champ de compétences des ministères est à redessiner, car trop flou, on l’a vu, et ne permet pas de cibler les actions de relance.

Notre rating souverain a subi une cascade de dégradations pour se retrouver au niveau quasi spéculatif. Le taux de chômage est à 18 % et l’inflation grimpe à 6,4 %. De surcroît, le pays s’interroge sur le sort de sa solvabilité. Ne convient-il pas à ce stade de convertir l’outil de travail ?

Le champ de compétences des ministères est à redessiner, car trop flou, on l’a vu, et ne permet pas de cibler les actions de relance. Et en cela nous avons réalisé une comparaison avec d’autres pays tel les Etats-Unis d’Amérique ou la France.

Nous ajouterons, par ailleurs, que la carence d’un programme présidentiel ne peut être surmontée. Il faut qu’il y ait une feuille de route sur la base de laquelle on exigera une redevabilité au nouveau gouvernement.

Prendre exemple sur les pays qui avancent

Dans sa composition actuelle, le gouvernement compte un ministère de l’Economie, des Finances et de l’Appui à l’investissement. Et il existe aussi un ministère du Commerce et du Développement des exportations, et un autre dédié à l’Industrie, aux mines et à l’Energie. Que signifie en l’occurrence le concept de “ministère de l’Economie“ si le commerce et l’industrie sont logés ailleurs dans des départements distincts ?

Aux Etats-Unis il n’existe pas de ministère de l’Economie mais de la PME. Les Américains parient sur la réactivité élevée de cette souche d’entreprises et l’entourent de toutes les faveurs. Et le Small Business Act, l’équivalent de notre Code d’investissement, regorge de dispositions accommodantes pour soutenir les PME.

En France il existe un ministère de l’Economie, des Finances, et, tenez-vous bien, de la Relance économique afin de se mettre en phase avec l’exigence de la période.

Aux Etats-Unis il n’existe pas de ministère de l’Economie mais de la PME. Les Américains parient sur la réactivité élevée de cette souche d’entreprises et l’entourent de toutes les faveurs

La Tunisie, confrontée à des difficultés de financement sur le marché international de la dette, a envisagé d’activer ses représentations diplomatiques pour bénéficier d’un éventuel soutien de pays amis. Alors on a parlé de “diplomatie économique et financière“.

Il faut souligner au passage qu’en France, le MAE français comprend un secrétariat d’Etat au Commerce et à l’Attractivité. Et toujours en France, davantage qu’aux Etats-Unis, le problème de l’équilibre régional mobilise l’opinion. Aussi, on trouve un ministère de la Cohésion des territoires.

Le constat d’inadaptation de l’organigramme du gouvernement est de vieille date.

Plus qu’à aucun autre moment, il nous paraît essentiel de faire appel aux experts en aménagement du territoire. Même si on ne leur réserve pas un ministère entier, ne doit-on pas exiger qu’ils parrainent le travail de planification future ?

Le constat d’inadaptation de l’organigramme du gouvernement est de vieille date. Tijani Chelly, ministre de l’Industrie dans le premier gouvernement Nouira, rapporte avoir convié le président du patronat allemand à accroître les IDE allemands en Tunisie. Et la réponse des hommes d’affaires allemands était qu’en Tunisie un investisseur devait s’adresser à quatre ministères en vue de finaliser un agrément d’investissement. L’API (devenue APII) et le Guichet unique ont partiellement amélioré la situation. Cependant, les rouages administratifs restent malgré tout, cinquante ans plus tard, trop prenants.

La carence d’un programme économique présidentiel

Si l’on focalise sur l’impératif de présentation d’un programme économique présidentiel, c’est bien pour s’aménager le droit d’actionner l’obligation de redevabilité des membres du gouvernement de demain. La bonne gouvernance en démocratie a ses lois. Et il faut s’y conformer, et le président Obama l’avait annoncé avec une touche narquoise à BCE.

En le recevant à la Maison Blanche, il lui glisse : « j’ai deux nouvelles à vous annoncer », et BCE de le prier de commencer par la bonne, alors il lui dit : « vous êtes une démocratie ». Quid de la seconde ? Et elle vient sans ambages, « vous êtes une démocratie ». Comme en chaque chose il y a l’envers et l’endroit de la réalité. La carence d’un programme économique présidentiel est une porte ouverte à tous les risques. Souvenons-nous que Philippe Aghion, principal économiste de l’équipe de François Hollande, a recommandé le regroupement des régions de France, et cela a prouvé son utilité… à certains égards.

Jacques Attali, économiste principal de l’équipe de François Mitterrand, tout en étant socialiste et après avoir nationalisé les banques, a tout de même piloté le chantier de la déréglementation.

La carence d’un programme économique présidentiel est une porte ouverte à tous les risques.

Pareil aux USA, Arthur Laffer, économiste principal de l’équipe de Ronald Reagan, a démontré avec sa fameuse courbe que la croissance s’inversait quand le taux d’imposition devient trop élevé. Il a lancé l’“économie de l’offre“ en taillant dans les impôts, et dans le même temps dans les postes de charges budgétaires faisant repartir l’économie américaine.

Il est impératif que le président présente au moins “une feuille de route“ et désigne un économiste principal. Il faut bien se dire que les grandes lignes du discours de politique générale du chef de gouvernement ne suffisent pas. Il nous faut un instrument avec lequel on peut contraindre le gouvernement. Nous serons dans notre rôle demain si le nouveau gouvernement ne répond pas aux interrogations pressantes, tel que le sort de la “Banque des régions“ ou la création du “Fonds des fonds“.

Nous serions les premiers à lancer l’alerte.