La date du 25 Juillet 2021 est considérée par les observateurs de la scène politique nationale et internationale comme un tremblement, un tournant dans la transition démocratique. C’est une date qui annonce une rupture des dysfonctionnements des institutions mises en place par la Constitution de la deuxième République et les déséquilibres des pouvoirs du système politique choisi.

Ce tournant historique pourrait servir comme un point d’inflexion pour corriger la trajectoire de la transition démocratique et une opportunité pour s’attaquer sérieusement aux crises sanitaire, économique et sociale qui secouent le pays.

La Tunisie part certes vers un inconnu, mais elle s’enfonçait (ou était déjà largement) dans une crise importante. L’inconnu vers lequel va la Tunisie peut être largement meilleur que là où elle était si des préalables sont mis en œuvre :

Une feuille de route claire
● Une communication précise et régulière

L’échéance à 30 jours est critique et des avancées majeures doivent être montrées à cette échéance car les décisions qui y seront prises détermineront la direction que prendra le pays. L’opinion publique nationale, mais surtout internationale, va observer soigneusement l’avancée des évènements en Tunisie durant cette période, et va juger en fonction la position à prendre vis-à-vis l’initiative du président et le soutien qu’ils pourraient (ou pas) apporter à la Tunisie dans sa nouvelle trajectoire.

Toutes les instances et organisations nationales et internationales s’accordent sur le fait que la période d’exception déclarée par le Président de la République ainsi que toutes les mesures et décisions «exceptionnelles» qui y seront décrétées devraient converger vers un seul objectif : Rétablir un fonctionnement sain des institutions démocratiques dans le respect des valeurs de la république.

Néanmoins, toutes les lectures de ce qui s’est passé la semaine dernière s’alignent sur une conclusion simple : L’ARP dans sa version actuelle ne pourra plus reprendre son activité.

La feuille de route que nous proposons s’étendra sur 90 jours (délai constitutionnel de tenue d’élections législatives anticipées en cas de non retour de l’ARP sous sa forme actuelle (l’article 79 de la Constitution) ; elle s’articulera autour de 5 volets qui doivent démarrer en parallèle :

1. Remettre le gouvernement en marche à travers la mise en place d’un Gouvernement de Salut National : ce gouvernement a déjà tardé et devrait être mis en place dans les plus brefs délais. Il aura un mandat s’articulant autour de 4 priorités :

a. Gestion de la crise COVID-19 et gestion de la campagne de vaccination avec un objectif de vacciner 70% de la population à fin 2021.
b. Élaboration d’une LFC 2021 complémentaire avant le 15 septembre 2021 ainsi que de la LF 2022, et mener les négociations avec les bailleurs de fonds.
c. Organisation d’un référendum populaire et des élections législatives anticipées
d. Piloter la relance de l’activité économique et le sauvetage des entreprises des effets de la crise Covid-19.

2. Rassurer quant à la préservation des droits civils et libertés individuelles et l’attachement aux valeurs de la démocratie durant la période d’exception : mise en place d’un Comité commun entre la présidence de la République et les représentants des Organisations nationales et la société civile.

Ce Comité assurera le monitoring du respect des libertés et droits fondamentaux durant cette période de transition (ou exception). Il pourra appuyer et donner plus de légitimité aux mesures et décisions prises durant la période d’exception. (Mise en place dans les plus brefs délais)

3. Démarrer les réformes politiques : à travers la mise en place d’une commission d’experts qui sera désigné d’un commun accord entre la présidence et les représentants des organisations nationales et la société civile.

(Mise en place dès la formation du comité mixte entre la présidence, les organisations nationales et société civile)

Cette commission aura pour mission d’introduire les réformes nécessaires :

a. Les amendements de la constitution en ce qui concerne les attributions du pouvoir exécutif et la répartition des pouvoirs au sein de l’exécutif (à soumettre à un référendum populaire dans un délai de 3 mois).
b. Le code électoral
c. La loi régissant les partis et les associations (création et financement) qui devraient respecter la sécularité de l’Etat.
d. Les textes juridiques régissant le travail de la cour des comptes : Une proposition d’amendement a déjà été soumise par la cour des comptes, et pourrait être appuyée.

4. Opération d’assainissement de la scène politique : ne pas réussir à immuniser le pouvoir judiciaire contre tous types d’influences, qu’elles soient politiques ou autres, était une (sinon la) défaillance majeure de la 2ème république qui a entravé la transition démocratique en Tunisie. Asseoir une confiance totale dans l’indépendance et l’efficience de la justice est une condition sine qua non pour réussir le post-25 juillet 2021.

Dès lors, nous recommandons de mettre toutes les ressources humaines et financières à disposition de l’appareil judiciaire, afin de garantir à tous les justiciables des procès équitables dans le respect de la loi tout en accélérant les dossiers en suspens :

a. Les crimes électoraux et financement des partis politique : tous les moyens doivent être mis à la disposition de la cour des comptes pour trancher sur les instructions en cours selon l’article 163 de la constitution.
b. Les affaires de corruption et de blanchiment d’argent liées à des politiciens et des députés.
c. Les assassinats politiques
d. Les affaires de terrorisme impliquant des politiciens, des associations de la société civile ou des partis politique.

Cela purifiera le système des opportunistes criminels qui ont brouillé la scène politique, donnera un nouveau ton basé sur la bonne gouvernance et le respect de la loi, et enverra un message de confiance aux citoyens, aux partenaires et aux investisseurs potentiels.

5. Rétablissement progressif des institutions de la République :

a. Organiser un référendum populaire : le peuple est appelé à statuer sur les amendements à apporter à la Constitution
b. Organiser les élections législatives selon : (i) le nouveau code électoral, (ii) la nouvelle loi régissant les partis et les associations.