Le Collectif civil pour les libertés individuelles souligne la nécessité, pour l’Etat, de respecter ses engagements nationaux et internationaux relatifs aux droits humains, qualifiant de ” douloureuses et portant atteinte à l’image de la Tunisie et à son processus démocratique ” les violations enregistrées entre mars 2020 et mars 2021.

Au cours d’une conférence de presse pour la présentation de son rapport annuel sur l’état des libertés individuelles en Tunisie, le Collectif appelle à l’application des recommandations des instances constitutionnelles.

Son président, Wahid Ferchichi, estime que l’Etat doit tenir compte des recommandations de l’Instance Vérité et Dignité, de l’Instance nationale pour la prévention de la torture et de l’Instance nationale de protection des données personnelles, concernant la suppression de l’article 230 du Code pénal et des dispositions discriminatoires et liberticides contenues dans ce texte de loi.

Il a ajouté que la plupart des violations recensées sont qualifiées d’actes de torture contraires à la Constitution.

Il s’est interrogé sur le sort du projet de Code des libertés individuelles présenté le 18 octobre 2018 par un groupe de députés et retiré par l’Assemblée actuelle, ainsi que sur le projet de loi sur l’égalité successorale.

Ferchichi, qui dénonce l’existence d’une guerre aveugle contre les libertés individuelles en Tunisie comme le confirment les précédents rapports du Collectif, assure que la campagne électorale de 2019 a montré que plusieurs candidats ne croient pas en les libertés individuelles.

Il forme de vœu de voir la présidence de la République assumer pleinement son rôle, en tant que garant de la Constitution, et défendre les libertés individuelles et l’égalité entre tous.

De son côté, Hedia Belhaj du groupe Tawhida Ben Cheikh a évoqué la violation des droits sexuels et reproductif des femmes. Elle a fait observer que la femme est la catégorie la plus exposée aux violations en période de crise et que cette question s’est aggravée depuis 2011.

Seif Ayadi, membre de l’Association tunisienne pour la justice et l’égalité ” DAMJ “, est revenu sur la vague d’arrestations “arbitraires” ciblant des homosexuels et des transsexuels qui se trouvaient dans la rue en raison de la situation sociales, en les privant de leur droit à la santé.

Les discours de haine visant la femme, les minorités sexuelles, les migrants et des demandeurs d’asile se sont accentués avec la monté du populisme en Tunisie (2019-2020).

La représentante de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme a soulevé la question de la violation du droit de se rassembler et de manifester. Elle est revenue sur la répression des manifestations pacifiques des supporters du Club africain le 9 janvier 2021 et l’arrestation de 293 jeunes, mineurs pour la plupart, sans ordre du parquet ni présence d’avocats.

La vague d’arrestations s’est étalée du mois de janvier à début avril, a-t-elle fait observer, soulignant que la Ligue avait reçu près de 2000 plaintes concernant des arrestations menées dans les régions et les quartiers populaires.

Oussama Bouajila de l’Organisation mondiale contre la torture a relevé que la création, en 2016, de la Coalition est venue répondre à la dégradation de l’état des libertés en Tunisie. De nouvelles menaces ont été enregistrées durant 2020/ 2021 en rapport avec les abus policiers, la violation du droits d’accès à l’information et l’état général d’impunité, a-t-il regretté.

Il a qualifié de sombre le bilan de mars 2020/mars2021 où des cas de mort suspecte ont été enregistrés et des personnes ont subi des actes de torture dans les centres de détention. Selon Bouajila, 2020/2021 est l’année de la violence policière en toute impunité.

Pour lui, il n’est plus possible de parler de cas isolés dans la mesure où pareilles pratiques se sont poursuivies et aggravées au cours des dernières années. Il a critiqué la justice de deux poids deux mesures qui a ébranlé la confiance du citoyen en l’Etat et ses institutions.

Créé le 19 janvier 2016, le Collectif civil pour les libertés individuelles publie chaque année un rapport sur l’état des libertés en Tunisie. Il regroupe plus de 40 associations.