Quand la crise sévit, qu’elle s’éternise et que le marché fléchit, c’est la trésorerie qui encaisse le plus. Comment dès lors renflouer la liquidité des entreprises, en urgence ? Attention, les recettes font défaut ! Ne pas hésiter à recourir aux pistes audacieuses. En finance, particulièrement, la fin justifie les moyens…

Même par temps de bourrasque planétaire, les chefs d’entreprise gardent cette faculté de regarder loin pour surfer sur le stress ambiant. Ce n’est hélas pas le cas des trésoriers. Etant à la manœuvre, ces derniers la subissent au quotidien et à chaque instant.

Et, les conclusions de l’enquête conjointe de l’INS (Institut national de la statistique) et la Société financière internationale – groupe Banque Mondiale- dédiée au secteur privé, comme on le verra, sont formelles. Les retombées de la crise sanitaire se traduisent, immanquablement, par une gêne de soudure des flux de trésorerie. Les recettes usuelles de soutien aux entreprises ont été déployées, tels les reports d’échéance de crédits et de charges sociales. Certes elles ont une portée. En décalant les paiements, elles baissent la pression sur le cash flow. Mais également une limite, car, ne générant pas de rentrées nouvelles, elles ne renflouent pas les caisses.

De surcroît, le virus de la récession frappe sans distinction. Tout y passe, la grande entreprise comme la TPE. Celle  produisant pour le marché intérieur comme celle totalement exportatrice.

Multiplier les antidotes de toutes natures est utile afin de conforter la résilience du tissu économique dans son ensemble, de sorte à dresser un coupe-feu général, qui protège tous les opérateurs.

Une analyse à large spectre    

L’INS et la SFI ont enquêté auprès de 2.500 entreprises de toutes tailles et de tous secteurs. Il s’agit d’identifier l’impact socio-économique de la crise de la Covid-19 sur le tissu économique national.

Cette étude a été réalisée en une série de trois enquêtes qui ont eu lieu successivement aux mois d’avril, juillet et novembre 2020. Celle-ci révèle que 78 % des entreprises étaient restées en activité. Signe des temps, 86 % des entreprises ont connu une baisse de leur chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente. Et la crise a frappé sans distinction car ce groupe comprend 85 % de microentreprises, 81 % de PME et 78 % d’entreprises exportatrices.

Quant au fléchissement du marché, il a pour cause la baisse des commandes. L’enquête révèle que c’est la première des raisons de cette chute du chiffre. Les entreprises ont tenté un mouvement de redéploiement pour faire face à la crise. Ainsi, 13 % ont augmenté leur présence en ligne sur des plateformes électroniques. Malgré cela, 86 % des entreprises non exportatrices et 74 % des entreprises exportatrices ont subi une baisse de leur cash flow. C’est là un élément de fragilité. Et là où le bât blesse, c’est que 55 % des entreprises déclarent qu’elles ont une difficulté d’accès aux services financiers dont principalement les crédits bancaires. C’est là un élément contrariant car il accélère la récession.

Activer des recettes d’appoint

L’Etat et le système bancaire ont mis en place la grosse médication avec report d’échéances et subventions. Cela a endigué la casse. Cependant, face à la tendance lourde de ralentissement du marché, des solutions de financement d’appoint peuvent soulager les entreprises. On comprend que les entreprises se retrouvent en situation financière dégradée face aux banquiers. Le financement de l’activité courante peut être décalé dans le temps en recourant à une forme appropriée qui est le crédit à moyen terme à la production. Cela fera remonter les concours de gestion dans le poste de ressources longues confortant la situation financière de l’entreprise.

Il ne s’agit pas de faire illusion mais bien de structurer convenablement le bilan de l’entreprise confortant son cash flow. Cela lui donne la possibilité de reporter des charges actuelles sur les exercices futurs.

Par ailleurs, la baisse du carnet de commandes peut être relayée par du warrantage. La marchandise produite, surtout quand il s’agit de biens de consommation durable (équipements ou semi-produits industriels ou ménagers), peut être financée par la banque qui la garde dans des magasins lui appartenant dans l’attente de son écoulement. La charge de financement sera évacuée du bilan de la banque et grèvera moins son équilibre financier. C’est une pratique largement rodée et techniquement bien ficelée.

En outre, l’extension du recours aux engagements par signature et principalement l’aval reste un atout maître. L’aval permet de conclure des achats et d’en différer, en toute sécurité, le règlement avec des délais avantageux.

Toutes ces solutions sont de nature à contrebalancer la baisse du cash flow, très handicapante pour les entreprises, pénalisantes pour la marche des affaires et l’économie. On peut toujours objecter que ce sont là des solutions de fortune. Elles n’en sont pas moins techniquement rigoureuses. A temps difficiles, solutions de circonstance.

Par Ali Abdessalem