Sous l’impulsion de la digitalisation se profile un horizon nouveau de développement. Dans son sillage, un pacte d’émancipation des régions prend forme. Une ébauche d’un Business model structurant qui favoriserait l’intégration régionale et l’inclusion sociale.

La digitalisation reconfigure l’architecture d’un contrat social nouveau. Prometteur !

Explication avec Borhene Dhaouadi, qui chapeaute l’Association “Tunisian Smart Cities“ 

WMC : Vous êtes à la tête de l’Association “Tunisian Smart Cities“ et directeur du Programme “Smart City“ à l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES). Quelle vision défendez-vous ?

Borhene Dhaouadi : Pour faire court, je dirais que la finalité de notre initiative est de créer un environnement intelligent pour les citoyens dans nos villes ainsi que nos territoires d’une manière générale, et surtout ceux de l’intérieur. Pour ce faire, on associe la composante technologie et le cadre de vie. Convenez que pour avoir des périphériques intelligents, tels les capteurs de pollution de passage ou de stationnement, à titre d’exemple, il faut au préalable apprêter l’infrastructure de base en conséquence.

A cette fin, notre programme focalise sur le couplage de la composante technologie à celle de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire en vue d’aller vers une digitalisation au service des citoyens.

N’êtes-vous pas en train d’évoluer vers un plan de développement ?     

Affirmatif, car l’initiative véhiculée par Tunisian Smart Cities, au départ, se trouve actuellement parrainée par l’ITES. De ce fait, le déploiement du projet possède désormais une dimension stratégique pour notre pays.

Il existe, aujourd’hui, la base d’un cluster Smart City de large spectre et tourné vers le développement de l’ensemble de nos territoires de l’intérieur. Nous souhaitons réunir les visions de développement de nos 24 gouvernorats.

Qui peut adhérer et comment procéder ?

Nous avons décliné notre programme en un pacte d’éligibilité en quatorze points. Et l’adhésion se fait par un appel à projets. Notre programme est ouvert aux municipalités, aux associations ainsi qu’aux entreprises, de même que les diverses collectivités régionales.

Vous avez conduit une “caravane“ Tunisian Smart Cities pour faire un tour de Tunisie. Quel effet en retour ?

En réalité, la caravane a effectué deux fois le tour de Tunisie et cela nous a pris deux ans. Nous avons fait un marathon à travers nos 24 gouvernorats. Je puis vous affirmer qu’il y a un réel répondant autour du projet. Nous avons enregistré, lors de la première cohorte de l’appel à projet «Tunisia Smart Cities», plus de 250 inscriptions pour plus de 80 municipalités, 60 entreprises et 75 associations de l’ensemble de nos gouvernorats.

Au concret, comment se décline votre offre ?

Nous prêtons notre concours à toutes les collectivités qui ont candidaté pour les aider à mettre en place des visions de projets structurants pour leur environnement. Et cela aboutit à l’élaboration de catalogues de projets communaux et régionaux, en leur indiquant comment le faire.

En accompagnant les candidats, nous recherchons la finalité de les aider à aller vers la digitalisation et dans le même temps à les conduire à un horizon d’émancipation économique.

Il s’agit bien de projets porteurs avec une perspective d’avenir. Il y a une approche de rupture par rapport à ce qui se faisait auparavant parce que l’on vise à l’intégration économique et l’inclusion sociale.

Vous les aiguillez sur la voie d’un business model nouveau ?

Nous leur indiquons la voie vers la génération d’un PIB local ou régional pour desserrer la contrainte des subventions de l’Etat, lesquelles plafonnent. Et l’essentiel est de faire en sorte qu’il y ait une dynamique d’ensemble émanant de tous nos territoires.

Quel rôle pour l’Etat dans ce programme ?

Il aura un rôle essentiel. Celui de supervision, d’abord. Nous attendons que le gouvernement agrée les catalogues de projets. Et bien sûr, un rôle de facilitation car on espère qu’il octroie les espaces fonciers nécessaires à la réalisation de ces projets. Naturellement il a toujours ce rôle régalien car il reste le maître de l’ouvrage. L’Etat fera converger les effets des leviers de la régionalisation, de la décentralisation et de la déconcentration vers une dynamique de cohésion nationale.

Quelle est votre offre en matière de financement ?

Nous n’envisageons pas de solliciter le Titre II du budget de l’Etat en ces temps de tension des finances publiques. Et c’est là, notre ligne de démarcation par rapport aux initiatives classiques de développement régional. Nous optons pour le mécanisme de Partenariat public/privé. Nous mettrons à contribution les épargnants et investisseurs locaux, outre que nous avons prospecté d’innombrables fonds étrangers avec des conditions concessionnelles. Ces deux gisements sont abondants et disponibles.

Et je soutiens que le financement des projets se fera à des conditions réellement soutenables compte tenu du profil, particulier, de rentabilité des projets à caractère de développement.

Nous espérons de la sorte booster le retour de la confiance des opérateurs et investisseurs régionaux dans les visions d’avenir de leur région.

En privilégiant des projets structurants, nous donnerons aux régions l’occasion de profiler une identité propre en matière économique avec des profils de rentabilité bien prononcés. Elles pourront acquérir, de ce fait, un “rating“ individualisé. Et nous pensons que cela leur procurera un effet d’appel personnalisé auprès des investisseurs et des organismes de financement.

Les rendements des projets de développement sont souvent hypothétiques et le PPP est encore à un stade expérimental. Etes-vous sûr d’avoir pris la bonne option ?

Le PPP est l’instrument idéal pour notre démarche d’investissement. D’abord, nous soulageons l’Etat de cette charge de financement. L’Etat n’aura pas besoin de s’endetter et pourtant il enregistrera un élan de croissance économique. Par ailleurs, les projets doivent présenter une certaine robustesse dans leur business model et des perspectives de rentabilité apaisante, dans leur business plan. Les projets doivent être “PPPéables“ pour intéresser les “PPPéistes“.

Il ne vous échappe pas qu’en matière de développement régional les expériences tunisiennes ont tourné court. Comment ferez-vous ?

Il est vrai que feu Slim Chaker, du temps où il était ministre des Finances, avec son plan de relance pour Gafsa, n’avait pas séduit les gens de la région. Pas plus que le gouvernement actuel, avec beaucoup de générosité, n’a pas enthousiasmé les gens de Kamour.

Il s’agit de donner du champ et de la profondeur aux projets pour qu’ils deviennent structurants et s’inscrivent dans une démarche de rupture.

Que proposeriez-vous pour cette région ?

Prenez le triangle Gafsa, Chott Jerid, précisément la ville de Tozeur et Gabès. Nos plans projettent de les intégrer dans un mix économique d’ensemble. Avec des investissements significatifs. Nous activons le projet des deux pipelines qui doivent relier la région au littoral. Le premier transportera le phosphate liquide de Gafsa à Gabès ou Skhira sur un nouveau site chimique. Le deuxième amènera l’eau de mer dessalée du littoral vers les diverses stations de lavage du phosphate. Et cela pourrait se faire en parallèle d’un axe autoroutier qui reliera la ville algérienne de Oued Souf à Gabès en moins de 2h00.

Je vous laisse imaginer les effets en retour d’un tel programme qui incorpore la région dans une perspective élargie avec une ouverture à l’international.

D’une certaine façon, vous cherchez à imprimer une dimension globale à votre initiative ?

C’est ce qu’il fallait démontrer. Pour un pays de 12 millions d’habitants qui habitent sur un bout de terre aussi, le développement ne pourrait se faire qu’à travers l’axe Transmaghrébin… Nos autoroutes et lignes ferroviaires doivent être pensées pour capter le centre et l’est algérien au même titre que le centre et l’ouest libyen.

Nos ports doivent se positionner sur la Route de la soie pour capter une part respectable du busines maritime international et se positionner en GIGA FACTORY aux portes de l’Europe.

Notre pays doit capitaliser également sur sa position géo-numérique (passage de câbles sous-marins) en créant un Hub international d’interconnections et de connectivité de l’Afrique du futur, l’Afrique souveraine !

Propos recueillis par Ali Abdessalem

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