Depuis l’indépendance, la Tunisie s’est forgée une crédibilité solide; une crédibilité d’un Etat respecté et qui se respecte; une crédibilité d’un Etat qui a toujours respecté et honoré ses engagements, à l’intérieur comme à l’extérieur. Un des plus importants acquis de la Tunisie indépendante tient au fait que la Tunisie n’a jamais accusé, ne serait-ce qu’un seul jour de retard en matière de remboursement de sa dette extérieure. La Tunisie a donc toujours été perçue, considérée comme un excellent payeur. Ceci a toujours eu, bien sûr, des conséquences importantes au niveau du coût de l’endettement extérieur de la Tunisie.

Pendant les dix dernières années, et notamment depuis 2011, la crédibilité de la Tunisie a commencé à se diluer considérablement. Pendant une bonne vingtaine d’années (1993-2013), la Tunisie n’avait emprunté un seul dollar auprès du FMI. Elle n’en avait pas besoin. La Tunisie accédait au marché financier international dans d’excellentes conditions et à des taux très favorables.

En 2013, bonjour les dégâts. La Tunisie se présente de nouveau aux guichets du FMI pour emprunter et financer son budget. La demande d’emprunt se fait sur présentation d’un programme de réformes, donc des engagements pris par l’État tunisien pour engager les réformes nécessaires au redressement de son économie et de ses finances publiques.

Le FMI s’est contenté d’une lettre d’engagement signée par le ministre des Finances et par le gouverneur de la Banque centrale (BCT). Mais il se trouve que la Tunisie n’a pas respecté ses engagements. Après plusieurs rappels à l’ordre et plusieurs reports, la Tunisie est sanctionnée: la dernière tranche du prêt est annulée.

En 2016, la Tunisie se présente de nouveau aux guichets du FMI pour un nouveau programme de 2,9 milliards de dollars et un nouveau programme de réformes. Le FMI se contente de nouveau d’une lettre d’engagement signée par le ministre des Finances et le gouverneur de la BCT.

Après le déblocage de certaines tranches, le FMI considère que la Tunisie, encore une fois, n’a pas respecté ses engagements. Pour continuer à exécuter le programme, le FMI exige une nouvelle lettre d’engagement signée, cette fois-ci, par le chef du gouvernement (Monsieur Youssef Chahed) et par le gouverneur indépendant de la BCT (Monsieur Marouane Abassi). Un nouveau coup sévère à la crédibilité de l’État tunisien.

Malgré cela, la Tunisie (ou plutôt les responsables tunisiens aux commandes) ne respecte (ent) pas ses (leurs) engagements en matières de réformes. Un nouveau coup très sévère à la crédibilité de la Tunisie. Le FMI sanctionne sévèrement la Tunisie en annulant près de la moitié du crédit: 1,2 milliard de dollars (soit environ 3 milliards de dinars).

La gestion catastrophique des affaires publiques depuis 2011 (et même avant) a fini par mettre la Tunisie à genoux économiquement, financièrement et socialement. La Tunisie est surendettée, et elle a besoin de s’endetter davantage à l’extérieur et à l’intérieur. Il est évident qu’elle ne peut pas le faire sans négocier et signer un nouveau programme de financement et de réformes avec le FMI.

Mais cette fois-ci, c’est différent, très différent même. Avant d’engager toute forme de discussion et suite à la revue que vient d’achever (à distance) l’équipe du FMI dans le cadre de l’article 4, le FMI annonce la nouvelle couleur: si la Tunisie se présente de nouveau pour emprunter auprès du FMI, il faudrait qu’elle présente un programme de réformes qui soit approuvé par:

– le gouvernement tunisien (et non plus seulement le chef du gouvernement);
– le gouverneur de la BCT (indépendante);
– la société civile tunisienne (UGTT, UTICA, UNAT, etc.);
– le peuple tunisien;
– les principaux partenaires économiques et financiers étrangers de la Tunisie.

Soit une mission quasiment impossible suite à une crédibilité beaucoup écornée.

QUEL GÂCHIS !!! DOMMAGE POUR LA TUNISIE.

Une question: comment allons-nous financer le budget de l’État de 2021? Cette question devrait être mise sur la table maintenant.