L’espace El Teatro a abrité les 7, 8 et 9 janvier, trois représentations de la pièce “TranStyx” de Moncef Zahrouni qui porte un regard croisé sur la transidentité via des références mythologiques imprégnées de faits futuristes qui versent dans la science-fiction.

Après trois annulations dues aux mesures prises pour lutter contre la propagation de la Covid-19, l’avant-première de cette pièce avait eu lieu fin décembre dans ce même espace.

TranStyx est une œuvre de Moncef Zahrouni dans la conception, la dramaturgie et la mise en scène avec Sonia Hedhili qui joue le rôle principal dans un spectacle proche du One woman show.

Après leur collaboration en 2018 dans la pièce “Psychose 4.47” de la Britannique Sarah Kane, le duo Moncef Zahrouni et Sonia Hedhili est de retour avec “TranStyx”, un mélange savant sur les droits des transgenres dans un scénario futuriste à portée philosophique.

Le metteur en scène associe également Amina Ben Doua, animatrice de radio et actrice dont le rôle est majoritairement en voie off. Après leur collaboration dans une autre pièce de science fiction, Zahrouni renouvelle l’expérience avec Ben Doua qui est dramaturge et actrice dans “Nos Amis les Humains”.

“TranStyx” est produite par Zeyneb Farhat présidente de l’association Zanoobya pour l’art et la créativité au service du développement durable. Cette journaliste et activiste de la société civile est la cofondatrice d’El Teatro, un espace privé connu pour ses créations théâtrales controversées sous l’ancien régime, en contournant la censure qui existait à l’époque.

Le personnage principal porté par l’actrice Sonia Hedhili dans le rôle de Tina, raconte sur scène les tribulations d’un trans dans la Tunisie post-révolution. L’actrice se met dans la peau de ce personnage et transmet chaque émotion vécue par Tina et la crise existentielle relative à sa transidentité.

La pièce s’ouvre sur une scène où Tina expérimente ce que scientifiquement est connu sous l’appellation EMI (l’expérience de la mort imminente). Elle se voit “juste sortie du bout d’un tunnel lumineux, une fois rentrée dans ce tunnel, j’ai senti comme si je sortais de mon nombril”.

Elle raconte le moment où son corps s’est transformé en une lumière dans la lumière. Son âme planait au-dessus d’un tourbillon de milliers de victimes de maladies et d’accidents de tous genres jusqu’à ce qu’elle soit aspirée par un trou noir.

La jeune Trans Tina et Stella, un être mi-ange, mi-lumière, se confronte sur scène dans une sorte de monologue sans fin sur la dualité de la vie et de la mort, le bien et le mal, le péché et la vertu dans un monde entre réalité et fiction.

Née le 14 janvier 2011, Tina est l’enfant malheureux de la révolution Tunisienne qui allait survivre et susciter le débat. Une vie faite d’oppression et de mépris envers sa différence, son corps et son identité trans qu’elle estime n’avoir pas choisi.

Dans une société qui a ses codes et ses références, sa vie est un long parcours de combattant qui la mènerait à traverser la mer. Elle part à Londres subir une chirurgie pour retrouver son identité de femme et où elle mourra en 2038, à l’âge de 27 ans.

Le titre de la pièce, trans, est un diminutif qui signifie transgenre comme un préfixe latin qui veut dire au-delà ou de l’autre côté de. Il exprime l’idée de changement ou de traversée. Généralement, ce terme est attribué à toute personne qui s’identifie dans un genre différent de celui qui lui avait été assigné à la naissance.

Dans la mythologie grecque, Styx est le nom de la fille d’Erebes (Les ténèbres) et de Nyx (la Nuit). Elle incarne le nom d’un fleuve qui constitue l’un des points de passage des Enfers. Dans cette métaphore entre le fleuve et la vie de la personne trans, la pièce présente un traitement à portée philosophique et métaphysique, le tout dans un conte de Science-fiction. Le personnage se voit projeté dans l’avenir et prédit les grandes lignes de sa vie dans un contexte socio politique qui restera toujours hostile à l’égard des droits de sa communauté.

Le questionnement philosophique trouve toute sa signification dans les événements futurs de la vie de cette personne condamnée de ramer à contre-courant. Telle la traversée du Styx, sa vie est un long fleuve peu tranquille dont nul ne sait où ça déverse. Une Odyssée des temps modernes que le personnage va entamer dans la recherche de son identité réelle et la quiétude qui lui manque dans un entourage familial, social et politique qui n’admet pas sa différence.

La transidentité est une question d’actualité qui figurait dans les manuscrits littéraires et historiques. Depuis la révolution et la liberté d’expression qui prévaut dans le pays, la question des droits de cette communauté a pris sa place dans les débats publics.

Dans les médias ou dans la sphère politique, la question de la communauté a constitué, et continue de l’être, un sujet de discorde entre ceux qui approuvent et ceux qui dénoncent l’orientation vers l’adoption de lois qui approuvent et protègent leur statut et le droit à la différence.

Dans la nouvelle Classification internationale des maladies, CIM-11, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) admet un nouveau statut pour la Transidentité qui n’est plus considérée une maladie mentale. Désormais, elle figure dans le chapitre santé sexuelle après avoir été placée dans la catégorie des troubles mentaux.

Votée lors de l’assemblée mondiale de l’organisation onusienne, le 27 mai 2019, cette version de la CIM entrera en vigueur en 2022.