L’irruption des FinTech peut forcer la main aux banques pour aller vers plus de célérité et d’efficacité dans les paiements internationaux. De nouveaux instruments de la gestion du risque de change ont pris forme. Un nouvel aspect de concurrence est né.

En ligne avec les soucis de ses adhérents, la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI) a récemment organisé un webinaire sur «Les moyens de paiements internationaux et le risque de change».

Il faut savoir que les exportateurs, ce qui est le profil courant des membres de la Chambre, sont exposés en permanence au risque de change. Au final ils sont toujours à la recherche, auprès de leurs vis-à-vis traditionnels les banquiers, d’instruments de paiements internationaux qui soient fiables, peu coûteux et sécurisants. L’irruption de nouveaux opérateurs, communément appelés FinTech, modifie la donne.

Aux origines de la problématique du risque de change

Habib Gaida, directeur exécutif de la Chambre, a confié la modération du webinaire à Ahmed El Karm, V/P de Amen Bank ; il a été également, dans une vie antérieure, DG du service du bancaire étranger à la BCT. Il est donc versé à la problématique du marché du change et sensible à la stratégie de couverture par les opérateurs.

Ce dernier était entouré pour l’occasion de cambistes banquiers, opérateurs traditionnels. Mais aussi de représentants de plateformes numériques de FinTech, qui s’imposent comme cambistes dans les circuits banquiers avec une offre alléchante.

Déjà que par le passé le marché international du change était sujet à la volatilité, avec la crise de la Covid-19, il est en pleines turbulences. Et par conséquent, le thème du webinaire devient d’une actualité brûlante.

Ainsi, la question fondamentale pour les panélistes sera de voir comment combiner les talents des banquiers et des nouvelles offres numérisées des FinTech pour améliorer le quotidien des opérateurs et leur permettre de gérer leur trésorerie, au plus près en combinant l’expertise technique des banquiers et désormais les solutions numériques des FinTech.

Le nouveau panorama du marché

Augustin Doitteau d’EBury, plateforme de FinTech, rappelle que sa plateforme opère sur des véhicules bien identifiés avec une expertise pointue. Cela va du contrat à terme, le produit basique de couverture, en passant par les options et jusqu’aux produits structurés.

Il faut garder à l’esprit qu’EBury n’est qu’un prestataire de services et pas une banque. Elle exécute des opérations avec des frais minimalistes qui sont facturés en toute transparence et réalisées en des délais courts.

A titre d’exemple, une opération dite “Spot“, c’est-à-dire à vue, est exécutée au jour le jour. En revanche, dans le circuit bancaire elle met 48 heures pour la livraison des devises.

Laurent Rousselle, trésorier chez Crédit mutuel CIC, parle d’un autre modèle, rappelant que son réseau possède sa propre FinTech en intra. Et sa banque peut de ce fait offrir des prestations innovantes, telle que la trésorerie consolidée de l’ensemble des filiales d’un groupe dans la devise de son choix. Cela se fait grâce à une solution numérique qui permet de faire remonter les positions des filiales dans tous les pays. Le pilotage de la liquidité devient un centre de profit pour un groupe qui opère sur plusieurs sites, avec un relevé de compte unique sur un compte pivot.

L’état de l’art sur la place de Tunis

Abdessamad Abouti, trésorier de la BERD pour la région MENA, gère des risques de change pour les crédits décaissés par la BERD. Il déplore le retard technique du marché de change sur la place de Tunis. Il trouve que les options sont peu liquides car leur marché est peu profond étant donné qu’ils sont traités uniquement entre banquiers et clients et non entre banquiers. De ce fait, leurs prix restent prohibitifs.

Quant aux produits de Swap de Taux, leur utilisation est très réduite étant donné que la Tunisie n’a pas encore adhéré au standard ISDA qui les encadre juridiquement.

Ajouter à cela l’absence d’un indice monétaire effectif. Pour l’instant, Tunibor paraît dépassé, ce qui rend difficile la tarification de ces produits de taux.

Imen Saïbi, trésorière à l’UIB-Groupe Société Générale, abonde dans le même sens. Elle appelle à la mise à niveau du marché des Swaps. Il est vrai qu’il y a le recours à la formule de couverture d’assurance présentée par Tunis-Ré mais celle-ci, relève-t-elle, est limitée à des montants faibles qui écartent les opérations importantes.

Emanciper le marché du change

Le message de ce webinaire est clair. Le marché du change appelle une mise à niveau. On doit pouvoir le hisser au standard des places avancées. Le pays réunit les compétences professionnelles et technologiques, adéquates. La BCT a toujours fait valoir le principe de son indépendance. Il lui appartient de faire le nécessaire pour réformer un code du change devenu obsolète. Et qu’elle peut transformer en levier de compétitivité pour la place de Tunis, avec effet d’appel sur les IDE.

Ali Abdessalam