L’absence d’une vision de réformes claire, qui devrait servir de base pour l’élaboration des budgets de l’Etat durant les 10 dernières années, est la raison principale de la crise économique que traverse le pays. C’est en tout cas ce que pensent les experts économiques qui étaient présents, lundi 9 novembre, à la conférence de la Commission des finances, de la planification et du développement du Parlement.

Cependant, empressons-nous de dire que la plupart de “ces économistes-experts” furent des ministres dans les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011. La question est de savoir pourquoi critiquent-ils ces gouvernements. Mais plus pertinent encore, est-ce qu’un d’une durée moyenne de 1 an peut avoir une vision claire à long terme?

Alors oui il faut critiquer, mais encore mieux de faire des critiques qui font avancer les choses.

Lors de cette conférence consacrée aux difficultés que soulève le “Projet de loi de finances 2021”, l’ancien ministre des Finances, Ridha Chalghoum, a épinglé cette absence de vision durant les 10 dernières années, invitant de ce fait à ce que le prochain plan quinquennal se base sur une vision à l’horizon 2030.

Il estime également impératif de mettre en œuvre une diplomatie économique à laquelle le Parlement doit contribuer. Selon lui, ” les lois de finances complémentaires ou initiales devraient instaurer des mesures pratiques, quitte à demander certains sacrifices au citoyen”.

De son côté, Hassine Dimassi, un autre ancien ministre des Finances, a souligné que “nous avons commis de grandes erreurs en matière de finances publiques durant les 10 dernières années. Les pertes économiques actuelles ne sont pas le résultat de la pandémie de COVID-19 même si elle les a aggravées”.

A ce titre, il a avancé une série de recommandations pour surmonter le manque de recettes propres, proposant entre autres la réduction de certaines dépenses, notamment celles relatives aux salaires (20 milliards de dinars) et à la compensation (4 milliards de dinars).

” Il faut se débarrasser des dépenses de compensation à travers un plan sur les trois années à venir et redonner la priorité aux dépenses d’investissement et de développement, notamment en ce qui concerne l’infrastructure (écoles, universités, hôpitaux…) “, a-t-il soutenu.

Pour sa part, l’ancien ministre auprès du chef du gouvernement chargé des Grandes réformes, Taoufik Rajhi, recommande de rationaliser les dépenses de l’Etat pour l’année 2021, de 2 milliards de dinars, de conclure un accord avec le FMI pour permettre à la Tunisie de sortir sur le marché financier international et de créer une “caisse d’amortissement de la dette sociale” et une “agence de trésorerie” chargée de la mobilisation de ressources pour le compte de l’Etat.

Intervenant à la conférence, l’ancien ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, Fadhel Abdelkefi, a fustigé, à son tour, “l’absence de vision de réformes durant les 10 dernières années, lesquelles n’ont enregistré aucune réforme”. Il a insisté sur l’importance de soutenir l’investissement, en révisant ou en annulant certaines lois.

Le PDG de CAP Bank (Capital African Partners Bank, ex-Banque d’affaires de Tunisie), Habib Karaouli, considère qu’”il faut profiter du prochain plan de développement pour concevoir un programme économique reposant sur les transitions énergétique, numérique et environnementale”.

Il a, par ailleurs, évoqué la nécessité de réduire d’au moins 3 milliards de dinars les dépenses de l’Etat pour l’année 2021, estimant que chaque ministère est appelé à réduire ses dépenses de 15%, à l’exception de ceux de la Santé, de l’Education, de la Justice et de la Culture.

Karaouli propose, en outre, de céder les participations de l’Etat dans certaines banques, à l’instar de Banque Al Baraka et de la Banque de Tunisie et des Emirats, et de consacrer les revenus de cession à la restructuration du secteur.

A son tour, l’ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Taoufik Baccar, a souligné que ” le budget devrait être un levier pour le développement et un catalyseur de Partenariat Public-Privé”. “Il faut aussi inspirer confiance et cesser de diaboliser les hommes d’affaires et l’administration car l’économie repose essentiellement sur la confiance”.

Baccar plaide pour la réforme de l’administration et des entreprises publiques, l’optimisation du contrôle fiscal et la résolution des problèmes logistiques, notamment ceux liés au port de Radès.

Quant au président de la Commission parlementaire des finances, de la planification et du développement, Haikel Makki, il estime que ” la version actuelle du PLF 2021 est inacceptable car elle est fondée sur des hypothèses optimistes, voire illusoires, alors que les budgets devraient normalement être conçus sur la base des pires hypothèses possibles”.

Makki a également assuré que “les discussions sur le PLF complémentaire 2020 prendront fin vers la fin de la semaine en cours, pour se pencher par la suite sur la discussion du PLF 2021 “.

Il a souligné que cette conférence est un premier pas sur la voie de l’instauration d’un dialogue socio-économique futuriste.