Depuis le soulèvement du 14 janvier 2011, les tracés des projets de tronçons autoroutiers et de voies expresses sont devenus des sujets privilégies de discussion et de préoccupation pour les communautés des agglomérations et des villages concernés. Tout dépend des intérêts multiformes des uns et des autres. Certains s’en félicitent tandis que d’autres les rejettent parce qu’ils leur font courir des risques, soit d’appauvrissement, soit d’enclavement.

Deux projets de tronçons, qui ont fait beaucoup de polémique, ces temps-ci, méritent qu’on s’y attarde. Le premier, au nord-ouest, concerne le projet d’autoroute Bou Salem-frontière algérienne. Le second, au sud-est de Tunisie, porte sur le projet d’une voie expresse entre le port de Zarzis et la zone logistique de Ras Jedir Choucha relevant de la délégation de Ben Guerdane.

Compromis sur le tracé de l’autoroute Bou Salem/frontière algérienne

S’agissant du projet du tronçon autoroutier Bou Salem-frontière algérienne (80 km), projet très attendu par les communautés enclavées de Kroumirie, des agriculteurs de l’agglomération Balta-Bouaouane (nord de la ville de Bou Salem) le nouveau tracé de ce tronçon, voire de ce qu’ils appellent le «tracé nord».

Ils déplorent particulièrement leur exclusion des consultations par les ministères de l’Agriculture et de l’Equipement qui ont concocté ce nouveau tracé dans l’intérêt, selon eux, d’un agriculteur parent d’un ministre.

Concrètement, ils considèrent que le tracé initial porte préjudice aux intérêts de quelque 70 agriculteurs et citoyens : arrachage d’oliveraies, démolition d’habitations, condamnation de centaines d’hectares de terres fertiles…

Ils réclament le retour au «tracé sud» qui serait moins long (économie de 8 km), et donc moins coûteux pour le contribuable.

Aux dernières nouvelles, il semble qu’un compromis ait été trouvé. Pour preuve, lors d’une réunion tenue le 22 janvier 2020, Haykel Ghazouani, ingénieur à la Direction générale des ponts et chaussées, a annoncé que l’ancien tracé (qui traversait les zones irriguées, source de mécontentements des habitants au cours des années 2016-2017) a été abandonné au profit d’un tracé qui présente le minimum de dommages.

Signe que ce compromis a été un succès, Haykel Ghazouani a annoncé, par la même occasion, «le coup d’envoi du défrichement de terrain relatif au projet de l’autoroute Bou Salem-Frontière algérienne».

Lire aussi : Coup d’envoi des travaux de l’autoroute Bou Salem-Frontière algérienne 

Tracé de la voie expresse Zarzis-Ras Jedir, objet d’une vive polémique

Quant au projet de la voie expresse entre le port de Zarzis et la zone logistique de Ras-Jedir Choucha relevant de la délégation de Ben Guerdane, la polémique est à son comble. Elle risque, selon certains observateurs, de raviver les hostilités ancestrales entre les Akkaris (habitants de Zarzis) et les Taouzine (habitants de Ben Guerdane).

Pour les premiers, soutenus par leur député Salem Labiadh (Mouvement du peuple), cette voie va leur permettre de dynamiser le port de Zarzis à l’import comme à l’export avec comme marché cible la Libye, et ce en prévision de la concrétisation de l’investissement chinois dans le pôle économique de Zarzis.

Pour les seconds dont la cause est défendue par le député Mabrouk Korchid (parti Tahya Tounès), ce tracé va tout simplement les isoler. Ils estiment que la zone logistique de Ras Jedir Choucha est un espace à vocation essentiellement commerciale dédié à une clientèle en majorité tunisienne soucieuse d’acheter à bon marché des produits subventionnés et importés de Libye.

Ils voient mal comment des usines de transformation implantées dans ladite zone logistique peuvent importer par le biais du port de Zarzis des produits (matières premières, semi-produits…) qui peuvent être transformés et exportés vers la Libye alors que ce pays est capable de le faire, à des prix compétitifs et au moindre coût, à la faveur de sa puissante logistique portuaire.

De même, il est difficile d’imaginer des Libyens venir s’approvisionner dans la zone logistique dans la mesure où les produits qui y sont écoulés sont à 90% les leurs.

Ils trouvent également impensable que la zone puisse constituer un marché relais pour exporter des produits «made in Libya» alors qu’on sait que ce pays importe tout car il ne produit pas grand-chose.

Ils considèrent que la nouvelle route expresse, si elle est réalisée, va valoriser les sites des délégations de Zarzis et Médenine et marginaliser le village industrieux de Ben Guerdane (80 mille habitants). Ils craignent que cette route ne favorise à moyen terme leur isolement et enclavement, voire à son appauvrissement.

Espérons qu’avant le démarrage de la réalisation de ce projet, un compromis sera trouvé pour satisfaire les intérêts et des Akkaris et des Touazine.