La “révolution“ de janvier 2011 a réveillé en nous une hydre appelée “instabilité politique et sociale“.  Dix ans de soubresauts politico-financiers. Dix ans de galère. Dix ans d’affrontements stériles. Depuis mercredi 15 juillet 2020, la Tunisie se retrouve sans chef de gouvernement. Avec la démission –forcée- d’Elyès Fakhfakh.

Nous titrons notre article par «Qu’avons-nous fait au Bon Dieu ?» parce qu’on pense –croyants que nous sommes- qu’il y a une malédiction qui nous frappe depuis ce fameux 14 janvier 2011 lorsqu’on a “dégagé“ ZABA. Depuis cette date, que des querelles qui n’ont jamais servi la Tunisie et les Tunisiens parce qu’on a davantage focalisé sur des questions identitaires que sur des vraies questions de développement, de justice sociale.

Alors qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez nous ? Nous pensons qu’une bonne partie de la réponde à cette question se trouve dans notre Constitution de janvier 2014, rédigée justement par une Assemblée nationale constituante (ANC) plus “idéologique“ que “politique“. Car, avec l’idéologie, tout est faisable, réalisable, et tout est possible ; par contre, en politique on sait que certaines choses ne sont pas réalisables pour de multiples raisons.

Il faut rappeler que cette Constitution porte le sceau du parti islamo-conservateur, Ennahdha, lequel parti, depuis 2011, détient directement ou indirectement l’essentiel des pouvoirs dans notre pays. Du coup, même après les élections de 2014, n’ayant pas pu avoir la majorité à l’ARP, il a exercé des pressions sur tous les chefs de gouvernement (Essid, Chahed 1 et 2…). Et aujourd’hui, c’est Elyès Fakhfakh qui paie les frais de la guéguerre entre Ennahdha et le nouveau président de la République, et ce même s’il n’est pas exempt de reproche.

Mercredi 15 juillet 2020, alors qu’Ennahdha tentait de le limoger, pour cause déclarée de “soupçons de conflit d’intérêt et de corruption“, Elyès Fakhfakh, aidé par un président de la République –spécialiste du droit constitutionnel-, rend le tablier mais sans opérer un coup de maître: renvoyer les ministres d’Ennahdha ou déclarés comme tels.

Par cette démission du Chef du Gouvernement, Kaïs Saïed a pris de court Ennahdha, rappelons-le membre de la coalition gouvernementale mais dont l’instance politique avait initié une motion de censure contre Elyès Fakhfakh. Si cette motion de censure avait été menée à son terme, sans doute Fakhfakh aurait perdu, et c’est le président du Parlement, qui n’est autre que Rached Ghannouchi, qui allait avoir le droit (constitutionnel) de nommer quelqu’un à sa convenance pour le remplacer. Mais c’est raté, Kaïs Saïed conserve cette prérogative.

Que dit la Constitution ?

Voici un rappel des articles de la Loi fondamentale qui définissent la formation et les pouvoirs du gouvernement.

En effet, dans la Section II de la Constitution qui traite “Du Gouvernement“, il est stipulé entre autres que «… Le chef du gouvernement et les membres du gouvernement prêtent, devant le président de la République, le serment suivant: “Je jure par Dieu Tout-Puissant d’œuvrer avec dévouement pour le bien de la Tunisie, de respecter sa Constitution et ses lois, de veiller à ses intérêts et de lui être loyal“» (Article 89).

Maintenant focalisons-nous sur l’article 97 qui est justement d’actualité, qui traite de “motion de censure contre le gouvernement“.

Cet article proclame qu’une motion de censure peut être «… présentée au président de l’Assemblée des représentants du peuple par au moins le tiers de ses membres. La motion de censure ne peut être votée qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de son
dépôt auprès de la présidence de l’Assemblée…».

Bien entendu, par les temps qui courent, le retrait de confiance au gouvernement Fakhfakh allait requérir “l’approbation de la majorité absolue des membres de l’Assemblée“, ce qui aurait conduit à son remplacement…

L’article 98 stipule que : « La démission du chef du gouvernement vaut démission de l’ensemble du gouvernement. La démission est présentée par écrit au président de la République qui en informe le président de l’Assemblée des représentants du peuple… ».

Aujourd’hui on est à ce stade. Elyès Fakhfakh a remis sa démission au président de la République pour éviter d’être “destitué par Ennahdha et ses alliés“. Ce qui aurait permis à Ghannouchi de choisir un Premier ministre à ses bottes. Au chef de l’Etat de désigner un nouveau CDG, qui peut être Fakhfakh lui-même, et ce conformément aux dispositions de l’article 89.

L’autre option qui s’offre au président de la République est de demander à l’Assemblée de lui proposer un autre candidat pour le poste de Premier ministre (article 99), mais pour des raisons évidentes, il faut écarter cette hypothèse.

Que fera le président de la République ? Difficile d’y répondre, car il est lui-même responsable, quelque part, de ce qui arrive aujourd’hui. Puisque, lorsque le CDG d’Ennahdha (Habib Jemli) n’a pas obtenu la confiance des députés, Kaïs Saïed avait une occasion en or de désigner une “personnalité“ indépendante comme chef de gouvernement. Mais au lieu de cela, il a choisi un Premier ministre “idéologique“ à l’instar d’Ennahdha du reste.

Résultat des courses : le blocage politique du pays qui s’ajoute aux impacts de la pandémie économiques et sociaux du coronavirus.

Dommage !

TB