En dépit de leur défiance presque génétique vis-à-vis d’un Etat prédateur et de certains de ses gouvernants incompétents, les Tunisiens ont été nombreux à faire preuve de solidarité et à l’aider à faire face au Covid-19 en faisant des donations et en apportant des contributions insolites, parfois ridicules. En voici quelques unes.

Point d’orgue de cet élan de solidarité, le geste de l’épouse du poête de la révolution, le défunt Ouled Ahmed. Cette dernière a mis à la disposition du ministère de la Santé et de ses services un local propriété de la famille.

Le deuxième élan de solidarité est venu de la prison des femmes de la Manouba. Dans un atelier aménagé au sein de la prison, des détenues vont confectionner, pour le compte du ministère de la Santé, des masques de protection du risque de contagion par le coronavirus.

Mieux, la Direction générale des prisons et de rééducation relevant du ministère de la Justice a assuré, aux médias, que les masques qui seront produits seront conformes aux normes d’hygiène requises.

Les lieux du culte au service de l’Etat civil

La troisième contribution est à l’initiative du ministère des Affaires religieuses. Dans un communiqué publié mardi 24 mars 2020, ce département a annoncé que les haut-parleurs, dans les mosquées, seront utilisées pour contribuer aux campagnes de sensibilisation, dans le cadre de la lutte contre la propagation du Covid-19.

Des messages à caractère religieux, mais aussi juridique et sanitaire ciblant les citoyens, seront adressés en parfaite coordination avec divers intervenants et en collaboration avec les directions régionales des affaires religieuses.

Il faut reconnaître que l’utilisation de la logistique des lieux de culte dont le nombre s’élève à plus de 6 000 dans le pays est une surprise heureuse en ce sens où, pour la première fois, les mosquées vont être mobilisées pour servir la civilité de l’Etat tunisien à laquelle des extrémistes religieux n’y croient pas jusqu’à ce jour.

Pour preuve, les manifestations nocturnes organisées ces jours-ci dans certains quartiers populaires par des « djihadistes » incultes pour protester contre le confinement sanitaire total, sous prétexte que le coronavirus a été envoyé par Allah pour punir, seulement, les mécréants.

Autre initiative de solidarité sympathique. Celle des agriculteurs qui ont décidé, selon le président de leur syndicat, l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), Abdelmajid Ezzar, de mettre une cinquantaine de tracteurs équipés de pulvérisateurs et fûts remplis des produits chimiques nécessaires afin d’aider les municipalités à désinfecter leurs villes et lutter efficacement contre le coronavirus (Covid-19).

Heureusement que le ridicule ne tue pas

Au rayon des contributions ridicules, il y a lieu de s’attarder sur « le cinéma » qu’ont fait le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, et la président de l’Assemblée des représentants du peuple, Rached Ghannouchi, pour afficher leur contribution au Fonds « 1818 », fonds géré par le ministère des Finances et dédié à la lutte contre le Covid-19.

Pour se faire voir, le premier a eu la désagréable idée de se déplacer, avec son cortège présidentiel bruyant, dans un bureau de poste de la capitale pour faire un don de la moitié de son salaire mensuel; tandis que le second s’est cru d’une intelligence supérieure en convoquant, avec indécence, dans son bureau au Bardo, le ministre des Finances pour lui remettre un chèque dont le montant n’a pas été révélé.

Toujours au chapitre du ridicule, à signaler le don «conditionné» d’un million de dinars fait par un grand groupe opérant dans l’agroalimentaire. Ce groupe, fruit du clientélisme qui a prévalu dans le pays, depuis des décennies, s’est permis le luxe, au lendemain de l’’annonce de sa contribution, d’augmenter les prix de ses produits sur les marchés. Mais il n’est pas le seul groupe à l’avoir fait.

Cela pour dire que nous sommes très loin du patriotisme du célèbre styliste italien Giorgio Armani et de la famille Agnelli, propriétaire du constructeur automobile FIAT. Ces derniers se sont engagés en public à dépenser, s’il le faut, toutes leurs colossales fortunes pour sauver l’Italie et les Italiens. Sans commentaire.