L’activité des 260 pêcheurs de la lagune de Ghar El Melh, à Bizerte, est sérieusement menacée, par la pollution grandissante, les changements climatiques et les activités humaines irresponsables.

La lagune de Ghar El Melh (10 168 hectares) est l’une des rares zones humides, à être reliée à la mer méditerranéenne. Elle représente un écosystème abritant plusieurs espèces d’oiseaux d’eau et de poissons.

Les pêcheurs se plaignent de plusieurs difficultés qu’ils rencontrent dans leur activité, dont la régression des ressources halieutiques, les coûts élevés des équipements de pêche, la dégradation importante de la qualité des eaux, l’élargissement d'”El Boughaz”, chenal situé entre la lagune et la mer.

Le président du comité de protection de l’environnement de la ville de Ghar El Melh, Othman Ben Gara, a indiqué dans une déclaration à l’agence TAP, que l’élargissement du chenal du côté Est de la ville, va faire perdre à la lagune ses spécificités, puisque l’eau de mer qui s’y engouffrera, la transformera en golfe. Cette transformation sera une grande catastrophe pour Ghar El Melh, Utique et même Kalâat el-Andalous qui étant des zones basses, risquent d’être submergées par la mer.

“La transformation de la lagune en golfe, risque également, de compromettre la reproduction et la survie des poissons, ce qui provoquera la perte de sources de revenus, pour 600 familles (pêche et agriculture)”.

Il a, par ailleurs, affirmé que presque le tiers des eaux de la lagune (partie ouest) est pollué à cause des sédiments des eaux usées évacuées par la station d’assainissement de Aousja (regroupant les délégations de Ghar El Melh, Ras Jebel et El Alia), avertissant qu’à l’avenir les eaux polluées risquent de couvrir toute la lagune.

Il a appelé le gouvernement à accélérer la réalisation du projet d’amélioration de la qualité des eaux de la station d’assainissement, afin de les réutiliser dans les périmètres irrigués ainsi qu’à aménager la zone industrielle d’Utique, afin de réduire le déversement des eaux des unités industrielles, dans la lagune de Ghar El Melh, lors de la chute de pluies.

De son côté, Mounir Béji, pêcheur âgé de 47 ans, a indiqué, à l’agence TAP, que le non achèvement de la réhabilitation du chenal, a induit une baisse des quantités de poissons entrant dans la lagune (bassin naturel pour l’aquaculture), alors que les barques des pêcheurs trouvent plus de difficultés pour passer de et vers la mer, à cause de la pollution de l’eau et de l’entassement des sédiments au fonds de la lagune.

Béji, qui travaille sur un petit bateau avec son frère, depuis 37 ans, a affirmé n’avoir plus “l’opportunité de manger du poisson, puisque je suis quotidiennement obligé de vendre toute la quantité pêchée pour subvenir aux besoins de ma famille “.

Son frère, Mehdi Béji s’est plaint de la hausse du coût des équipements de pêche, précisant qu’un seul filet de pêche lui coûte environ 170 dinars, alors qu’il n’est exploité que pendant une courte période, à cause de la multiplication des crabes bleus.

Il a fait état, aussi, de la disparition de variétés de poissons, en l’occurrence, la serre, la liche… et de la réduction d’autres variétés, telles que la daurade et le loup.

Les activités illégales, à proximité de la lagune, ont aggravé davantage, les problématiques environnementales, dans la région, dont la multiplication des constructions anarchiques, bien que l’article 18 de la Loi de la propriété domaniale publique interdit “la construction ou l’édification d’ouvrages nouveaux en bordure du domaine public maritime, qu’après obtention d’un arrêté d’alignement délivré par les services relevant du Ministère de l’Equipement”.

Pour rappel, en vertu de la loi du 24 juillet 1995, le domaine public maritime comprend les lacs, les étangs et les sebkhas en communication naturelle et en surface avec la mer, et le littoral alternativement couvert et découvert par les plus hautes et les plus basses eaux de la mer.