La ville de Ghar El Melh à Bizerte (nord de Tunis), première ville dans le monde arabe et en Afrique, à être classée “Ville des Zones Humides de la convention Ramsar”, risque de perdre ce label international, obtenu en octobre 2018, en raison des atteintes répétées au domaine public maritime, restées (atteintes) dans l’impunité totale.

Cette ville tunisienne figure parmi 18 autres villes mondiales labellisées par la Convention Ramsar qui stipule la conservation et le développement durable des zones humides à haute valeur écologique dans le monde.

La ville renferme, en effet, une grande diversité d’habitats naturels et de paysages et est répertoriée, par conséquent, comme paysage classé à protéger en priorité. La zone de Sidi Ali El Mekki, particulièrement, a été retenue par l’APAL (Agence de protection du littoral) parmi les 22 zones sensibles d’intérêt majeur pour le littoral tunisien.

Lors d’une visite organisée par le Bureau Afrique du Nord, du Fonds mondial pour la nature (WWF), le 5 mars dernier à cette ville, des journalistes ont pu constater les atteintes à cette zone sensible et les constructions anarchiques sur le domaine maritime public.

Une Sebkha transformée en parking!

Entre autres sites victimes de pratiques irresponsables, la sebkha de Sidi Ali El Mekki, qui s’étend sur une superficie de 2.75 km², est la plus ciblée. Cette zone, pourtant classée sensible et protégée par la loi et par le Code d’aménagement du territoire fait, aujourd’hui, l’objet d’occupation illégale. Une grande partie de la sebkha a été transformée en parking pour les voitures des estivants. Des restaurants et des maisons à louer pour la saison estivale ont été également construits anarchiquement sur ce domaine public.

Cette occupation du domaine public maritime à Ghar El Melh continue d’avoir lieu dans l’impunité, puisque la loi est rarement appliquée contre les contrevenants.

Ces pratiques vont accélérer la dégradation de cette zone, déjà menacée par les effets du changement climatique (érosion marine…) et pourrait mener au retrait du label “Ramsar” accordé à la ville de Gahr El Melh avec le soutien du WWF Afrique du Nord, de la Direction Générale des Forêts et d’autres acteurs locaux (Gouvernorat de Bizerte, Délégation et la Municipalité de Ghar el Melh, toutes les associations à Ghar el Melh et autres).

Le président de la municipalité de Ghar El Melh Mustapha Boubaker a reconnu les grandes attaques contre la lagune et certaines zones, ajoutant que même des citoyens bien placés ont spolié le domaine maritime en remblayant certaines de ses parties pour ériger des constructions.

La municipalité ne peut pas appliquer la loi contre les contrevenants et démolir les constructions anarchiques, vu le manque enregistré au niveau des engins et l’absence de ressources humaines pour exécuter ces décisions, a-t-il dit, à l’agence TAP.

La municipalité intervient au niveau des dépassements légers mais ne peut pas démolir les constructions à étages, a-t-il avancé. Et d’ajouter que l’APAL a été mise en garde depuis 2011, contre ces attaques mais sans parvenir à de véritables décisions, à cause notamment de l’interaction des fonctions de l’APAL et de la municipalité.

Il a mis l’accent, par ailleurs, sur la nécessité de mettre un cadre réglementaire de coercition contre les contrevenants.

Généralement, les décisions de démolition ne sont pas concrétisées en raison des conditions précaires du contrevenant ou d’une intervention de décideurs, les pénalités consistant parfois juste en la démolition d’une partie de l’enceinte.

A noter qu’une enquête d’investigation publiée, en mars 2018, a révélé l’existence de 110 contrevenants qui ont envahi avec leurs constructions la plage de Ghar El Melh, enfreignant la loi du domaine maritime public.

L’article 18 de cette loi interdit les constructions ou les installations près du domaine maritime public, sans autorisations.