A observer Abdelfattah Mourou, candidat malheureux à la présidentielle anticipée de 2019, accepter avec sérénité son échec, féliciter les deux candidats qui sont passés au deuxième tour et appeler, tout de suite, après l’annonce des résultats provisoires, ses troupes à voter pour celui qui est arrivé en tête du scrutin, l’«énigmatique» Kaïs Saïed, nous sommes tentés de penser, quelque part, que sa candidature n’aurait été qu’une ruse, voire une diversion d’Ennahdha qui a toujours avancé caché.

Le véritable candidat de ce parti, l’“oiseau rare“ dont parlait le gourou Ghannouchi qui s’est empressé de le féliciter au téléphone, ne serait que Kaïs Saïed qui refuse, jusqu’à ce jour, et en dépit de sa victoire «bizarre» de se montrer dans les télévisions.

Il faut reconnaître que beaucoup d’observateurs politiques l’avaient signalé, depuis des mois. Et pour cause, les grandes lignes du programme de Kaïs Saïed sont très proches des thèses de la Troïka qui avait gouverné et terrorisé le pays entre 2011 et 2013.

Pour les rappeler brièvement, Kaïs Saïed a promis, à ceux qui l’éliront, la démocratie directe à la Kadhafi (comité populaires locaux), le retrait du projet de réforme sur l’héritage qui rendrait égaux en la matière hommes et femmes, la pénalisation de l’homosexualité, l’institution de la peine de mort et l’élaboration des futures lois en harmonie avec la Chariaa (loi islamique).

L’appartenance idéologique des souteneurs de Kaïs Saïed

D’ailleurs, ce n’est guère fortuit que les premiers qui ont annoncé leur soutien à Kaïs Saïed pour le deuxième tour de la présidentielle appartiennent tous aux familles conservatrices pan-islamistes et pan-arabes qui avaient soit exercé au sein de la Troïka ou collaboré avec.

Parmi ceux-ci, figurent Moncef Marzouki, ancien président provisoire suppôt des islamistes ; Hamadi Jebali, ancien chef du gouvernement ; Abdellatif Mekki, ancien ministre nahdhaoui de la Santé ; Mohamed Ben Salem, ancien ministre de l’Agriculture ; outre des dirigeants influent nahdhaouis comme Ameur Laarayedh (constituant et député), Ajmi Lourimi (leader nahdhaoui…).

Au rayon des nationalistes arabes, on trouve Salem Labiadh, ancien ministre de l’Education, Lotfi Maraihi, traditionaliste et président de l’Union populaire républicaine (UPR), Ahmed Safi Saïd, écrivain, et Lassad Yacoubi, syndicaliste, tous deux nationalistes arabes.

Au nombre des islamistes radicaux qui soutiennent également Kaïs Saïed, nous citons Seifeddine Makhlouf, avocat préféré des terroristes, Hachemi Hamdi, président du parti ElMhabba et farouche opposant à la loi successorale, Ridha Belhaj, idéologue du parti salafiste radical « Hizb Ettahrir » et Imed Dghij, un des sinistres symboles des “milices de la ligue de protection de la révolution“ (LPR), une milice créée en mai 2012 avec l’objectif de préserver «les acquis de la révolution» et de «renforcer l’identité arabo-musulmane» de la Tunisie.

Lire aussi : Tunisie : «Les ligues de protection de la révolution sont des milices au service de certains partis»

Le risque, une nouvelle dictature à l’horizon

Cela pour dire encore une fois qu’abstraction faite de certains opportunistes laïcs qui ont apporté leur soutien à Kaïs Saïed comme ses collègues constitutionnalistes, l’homogénéité idéologique panislamique et panarabe de la majorité des personnalités qui le soutiennent est très préoccupante.

Au regard de la forte pression qu’exercent actuellement les médias en vue de pousser Kaïs Saïed à dévoiler ses cartes et à s’expliquer en public et de sa tendance à refuser cet exercice démocratique, il y a de fortes chances que l’universitaire constitutionnaliste tombe dans les bras de ses souteneurs islamistes et panarabes et nous conduise, malgré lui, à une nouvelle dictature d’une Troïka new look.

Alors est-ce qu’Ennahdha trouvera un autre “tartour“ en la personne de Kaïs Saïed pour achever sa sape de la société tunisienne ?

La raison est simple : parler du pouvoir est une chose, l’exercer est une autre affaire.

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