Le gouvernement ayant démontré ses limites et travers, il est urge que le vainqueur des prochaines élections gouverne seul –s’il en a les moyens- ou, à défaut, forme une coalition idéologiquement et politiquement homogène. Afin que l’électeur puisse, dans cinq ans, imputer les responsabilités de l’échec ou de la réussite de l’action du gouvernement, et de ce fait punir ou, au contraire, de récompenser celui ou ceux qui doivent l’être par le vote.

Lorsqu’il a décidé de faire son come-back politique en créant Nidaa Tounes en avril 2012 et en réussissant ensuite à mobiliser une partie du pays pour obliger le mouvement Ennahdha à mettre fin au gouvernement de la Troïka en janvier 2014, Béji Caïd Essebsi a vendu aux Tunisiens l’image –et le discours- de quelqu’un décidé à corriger le rapport des forces dans le pays qui a penché après 2011 en faveur du parti islamiste.

Mais une fois La Kasbah arraché aux islamistes et à leurs alliés, BCE a petit-à-petit changé de stratégie et de projet. Un changement qu’illustre bien sa célèbre phrase –«Ennahdha et Nidaa sont deux lignes parallèles qui ne se rencontrent jamais, sauf… »- annonciatrice de ce qui allait se produire au lendemain des élections : l’alliance avec Ennahdha.

La Tunisie vit donc depuis un peu plus de quatre ans à l’ombre d’un concept concocté par le président Béji Caïd Essebsi et son «meilleur» ennemi, le leader du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi : le consensus. Lorsque ce pacte des contraires a été imaginé au lendemain des élections de 2014, il paraissait séduisant et prometteur.

Trois ans après la chute du régime Ben Ali, la Tunisie allait pouvoir enfin, dans une ambiance apaisée, s’attaquer à ses nombreux et énormes problèmes économiques, financiers, sociaux, etc. Quatre ans et demi plus tard, le bilan est là qui ne souffre aucune contestation : non seulement rien, ou presque, n’a été fait, mais dans bien des domaines, notamment économiques, financiers et sociaux, le tableau est bien plus noir qu’en 2014.

Bien sûr les causes et les responsabilités de l’actuelle situation peu reluisante du pays sont nombreuses et diverses, mais le consensus y est pour beaucoup.

Le consensus c’est comme l’auberge espagnole, on y trouve ce qu’on y a apporté. Donc, pour qu’il produise les effets escomptés –c’est-à-dire une amélioration de la situation de la Tunisie et des Tunisiens dans tous les domaines-, il aurait fallu que les «inventeurs» du consensus placent les actions requises par cet énorme chantier au cœur de leurs préoccupations et priorités.

Fût-ce le cas ? Loin s’en faut et l’état du pays au bout de près de cinq ans de règne du tandem BCE/Nidaa Tounes-Ennahdha/Ghannouchi est là pour le prouver si besoin est.

A l’exception de la situation sécuritaire, tous les clignotants, ou presque, sont au rouge ; au mieux à l’orange. Bien sûr, personne parmi les acteurs politiques et sociaux ne se reconnaît une part de responsabilité, si minime soit-elle, dans ce piètre bilan de la législature qui touche à sa fin. Pour chacun d’entre eux, le coupable c’est l’autre.

Pour le président de la République et son parti, Nidaa Tounes –pourtant encore représenté par plusieurs ministres qui, il est vrai, ne reconnaissent plus son autorité- l’échec est imputable au gouvernement.

Pour ce dernier, et en particulier son chef, Youssef Chahed, ses accusateurs sont les vrais responsables de la situation actuelle du pays pour l’avoir empêché d’agir.

Bien qu’il soit membre de l’actuelle coalition gouvernementale, le mouvement Ennahdha entretient le flou à ce sujet –comme sur la plupart des questions, d’ailleurs. Il ne partage pas –du moins pas totalement- la thèse du chef du gouvernement, ne lave pas le parti présidentiel de tout soupçon, tout en n’osant pas pointer du doigt la responsabilité du chef de l’Etat lui-même.

Moncef Mahroug

A suivre…