“L’accès au travail des migrants dans les sociétés d’accueil”, c’est le thème de l’atelier-débat organisée jeudi 11 avril 2019 à Tunis par l’Organisation internationale pour la migration (OIM Tunisie) en collaboration avec TABC.

Placée sous l’égide du ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi, cette rencontre a visé à faciliter l’intégration des étudiants africains ainsi que leur insertion professionnelle en Tunisie.

Pour ce faire, il a réuni, autour d’une table-ronde, des experts en migration dans le domaine de l’économie, du droit, des sciences humaines et sociales et autres partenaires gouvernementaux de la société civile.

Bassem Loukil, président de TABC, rappellera dans son intervention que l’un des objectifs de cette rencontre est de «faire de la migration une force en Tunisie». Cela passe naturellement par la formation des jeunes migrants et leur intégration. Mais qui dit intégration dit amélioration des conditions d’obtention de la carte de séjour, la suppression des pénalités…, lesquelles conditions ne sont pas toujours réunies pour les Subsahariens.

Un Subsaharien peut-il avoir une carrière dans une firme internationale en Tunisie?

Si on est d’accord par le président de TABC que certains étudiants africains considèrent “la Tunisie est un tremplin“, on est sceptique quand il affirme qu’un tiers d’entre eux pensent que notre pays «est un endroit où l’on peut avoir une carrière dans les sociétés multinationales“.

Bas les maques…

Cependant, M. Loukil dit juste en appelant à “traiter un tabou qui consiste à penser que les étrangers arrachent le travail des locaux”.

Pour étayer ses dires, il cite des travaux de recherche en économie qui montrent que les migrants ne représentent pas une charge pour les économies d’accueil, ne contribuent pas à augmenter le chômage et ne représentent pas non plus une charge pour les finances publiques du pays d’accueil“.

Mais M. Loukil s’adresse-t-il au Tunisien lambada ou au pouvoir ? La question mérite évidemment d’être posée tant le permis de travail pour de travail –et même de résidence- reste une question délicate en Tunisie.

Flou juridique

Le président de l’AESAT abonde dans le même sens mais va plus loin en évoquant “un flou juridique” quand il s’agit de trouver du travail pour les étudiants étrangers.

D’où son espoir de voir cet atelier aboutir sur des solutions concrètes à même mettre en place un dispositif réel permettant un accès facile au permis de travail pour les étudiants et autres “migrants”.

Etranger ou migrant?

Aïe ! L’ambassadeur du Cameroun en Tunisie n’aime pas le terme “migrants” –ayant une connotation négative ou péjorative- et lui préfère plutôt “étrangers“.

Lorena Lando, la cheffe de mission OIM Tunisie, considère que cette rencontre est une “grande opportunité de débattre sur un sujet central que constitue l’accès au travail des migrants“.

Elle rappellera que le nombre de migrants internationaux s’élevait à 258 millions en 2017, soit une hausse de 41% par rapport à 2000. Autrement dit, 3,4% de la population mondiale est un migrant. Et “cette tendance à l’augmentation de la migration est visible en Tunisie où, en 2017, les migrants étaient au nombre de 57.700, soit une augmentation de 58,5% par rapport à l’année 2000“.

Un facteur de développement pour la Tunisie?

En tant que pays d’émigration, la Tunisie devient de nos jours un pays attractif de destination. Cet atelier a été une occasion de débattre sur les effets de l’immigration sur les performances économiques et les finances publiques de la Tunisie, le cadre législatif relatif à la main-d’œuvre étrangère en Tunisie, les perspectives de la mobilité des personnes entre la Tunisie et l’Afrique au sud du Sahara…

En soutenant l’argument que la migration est un facteur de développement durable, le Dr Ekrame Boubtane, experte en migrations internationales, a présenté une vue d’ensemble des effets de l’immigration sur les performances économiques en offrant à la Tunisie une perspective pour l’emploi et la croissance.

Quid de la société tunisienne?

Une vision exhaustive du droit du travail et de la réglementation pour les travailleurs étrangers en Tunisie a également été présentée par un expert juridique.

Tandis qu’un expert en sociologie a évoqué une vue d’ensemble de la société tunisienne actuelle, des facteurs liés aux caractéristiques sociales dans l’acceptation vers l’intégration des migrants et la cohésion sociale en Tunisie.

Bref, l’un des objectifs pertinents de cet atelier a été de donner aux migrants et aux sociétés des moyens pour une pleine intégration. Mais aussi et surtout d’éliminer toutes les formes de discrimination et encourager un débat public fondé sur l’analyse des faits. Et ce en faisant évoluer les mentalités et en essayant de changer la perception négative que l’on a des migrants. Il s’agit là d’une condition sine qua non pour une meilleure intégration professionnelle des migrants, étudiants et autres travailleurs dans nos murs.