René Trabelsi, 7ème ministre du Tourisme et de l’Artisanat depuis la révolution de 2011, souhaite un “plan Marshall” pour résoudre la problématique de l’endettement des hôtels, ainsi que l’application des recommandation du Livre blanc sur le financement du secteur touristique.

Dans une interview accordée à l’agence TAP, il a aussi livré les principaux axes de la stratégie de son département pour l’année 2019, à savoir la réouverture des unités hôtelières fermées, le renforcement de la reprise des marchés traditionnels -notamment français-, l’attraction davantage de touristes chinois en Tunisie, et la promotion du tourisme alternatif et écologique.

Le ministère compte aussi profiter des grandes manifestations qui se tiendront en Tunisie, à l’instar du 30ème Sommet de la Ligue arabe (mars 2019) et du 18ème sommet de la Francophonie (2020), pour promouvoir davantage la destination Tunisie, les circuits touristiques archéologiques et l’artisanat tunisien.

Quels sont les principaux axes de la stratégie du ministère du tourisme, à court et long termes pour booster le secteur?

René Trabelsi: La réouverture des unités hôtelières qui ont été fermées après la révolution et dont le nombre avoisine les 184 hôtels (45 fermetures saisonnières, 27 pour réhabilitation, 38 pour sanctions administratives et 74 pour des raisons diverses), constitue l’une des priorités actuelles du ministère.

Pour ce faire, le ministère a fixé un calendrier pour l’achèvement des réformes structurelles engagées au niveau de ces unités, pour assurer leur conformité aux conditions et aux normes sanitaires et sécuritaires en vigueur.

L’adaptation des qualifications de la main d’œuvre aux besoins et attentes des professionnels à travers le recours aux centres de formation figure également parmi nos priorités, dans l’objectif d’améliorer la qualité des services fournis aux touristes. Le ministère s’emploie aussi, à améliorer l’écosystème environnemental des circuits touristiques.

Quelles sont les solutions proposées concernant l’endettement des unités hôtelières ?

La résolution de la problématique de l’endettement des hôtels nécessite, à mon avis, la mise en place d’une sorte de “plan Marshall” qui consisterait à donner la possibilité aux unités endettées de payer seulement le principal de la dette, ainsi qu’à appliquer les recommandations du Livre blanc sur le financement du secteur touristique, élaboré par la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH) et l’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers (PTBEF).

Je pense qu’il faut parvenir à un accord entre les banques et les unités hôtelières endettées pour rééchelonner leurs dettes et voir la possibilité d’exonérer ces unités d’une partie des intérêts des crédits contractés. Le ministère jouera le rôle d’intermédiaire entre les deux parties pour surmonter ce problème ayant fortement lésé le secteur.

La dynamique enregistrée en termes de réservations a également, contribué à améliorer les ressources financières des unités hôtelières, leur permettant ainsi, d’engager des opérations de rénovation et de se préparer à la saison estivale.

Votre stratégie favorisera-t-elle les marchés traditionnels ? Et ces derniers ont-ils été impactés par la donne post-révolutionnaire ?

Notre stratégie vise à soutenir progressivement, les marchés traditionnels (marchés européens, russe ….) dont le potentiel reste de loin supérieur aux progrès réalisés en 2018, tout en s’ouvrant à de nouveaux marchés (marché asiatique …).

Le nombre de touristes français ayant visité la Tunisie a atteint 800.000 en 2018 (+37% par rapport à 2017), mais le potentiel de ce marché est encore plus grand. Et c’est la raison pour laquelle nous visons 1 million de touristes français en 2019, pour s’approcher du record enregistré en 2010 (1,4 million de touristes).

Et quelle approche avez-vous retenue pour les nouveaux marchés ?

Nous avons intensifié nos efforts pour mieux cibler les marchés arabes, à l’instar des marchés qatari, saoudien, émirati, jordanien et irakien …, surtout à l’approche du 30ème sommet de la Ligue arabe, qui se tiendra en Tunisie, fin mars 2019.

Un programme spécifique sera mis en place au profit des délégations arabes participantes à ce sommet. Il comporte des visites à des sites touristiques à l’instar du site archéologique de Dougga (gouvernorat de Béja) et de la capitale aghlabide, Kairouan. Des expositions des produits de l’artisanat sont aussi, envisagées.

Viser le marché arabe nécessite en effet, une amélioration des circuits touristiques archéologiques et culturels, et nous y sommes engagés.

Nous nous employant en outre, à attirer plus de touristes chinois dont le nombre a atteint 28 mille touristes, en 2018 (+37% par rapport à 2017). Ce marché, qui a affiché une préférence pour la saison hivernale, permettra de dynamiser le secteur, pendant cette période qui connait généralement, une baisse de l’activité touristique.

Il ne faut pas oublier que ce marché se caractérise par un pouvoir d’achat plus élevé que celui de nos marchés habituels.

Nous avons été, également, agréablement surpris, par l’affluence de touristes marocains durant les fêtes de fin d’année et c’est aussi, un marché à cibler davantage.

La destination Tunisie a souvent été associée au tourisme balnéaire. Est-il aujourd’hui possible de rompre avec cette image réductrice et de développer d’autres types de tourisme ?

Absolument. Le ministère travaille en effet, à promouvoir le tourisme alternatif et écologique, notamment le tourisme saharien, le tourisme golfique, le tourisme médical et de bien-être…

Nos efforts seront, dans ce sens, axés sur la promotion de ces nouveaux produits durant les grandes foires et manifestations internationales et aussi à travers les campagnes de promotion à l’instar du reportage sur les spécificités du tourisme saharien, à Tozeur, diffusé par la chaîne française, TF1.

Que pensez-vous de l’approche qui consiste à développer un tourisme de luxe?

La Tunisie est un pays touristique par excellence et nous devons viser les meilleurs taux d’occupation dans les hôtels qui totalisent près de 240 mille lits. Je dirais que tourisme de masse et tourisme de luxe se complètent.

Parallèlement au tourisme de masse, il y a eu ces dernières années, l’émergence d’unités hôtelières de luxe appartenant à des chaînes internationales renommées notamment à Djerba, Gammarth (Banlieue nord de la capitale) et Tabarka.

En juillet 2019, il y aura aussi l’ouverture d’Anantara Tozeur Resort & Spa, relevant d’une chaîne internationale de luxe appartenant au groupe “La Cigale”.

Cette unité abritera des villas, dont la superficies de certaines pourrait atteindre les 900 m2. Elles seront dotées de piscines privées.

Deux hôtels de la chaîne “The Residence” ouvriront, prochainement, à Djerba et Douz, et la chaîne hôtelière “Accor” étudie aussi la possibilité d’ouvrir des unités en Tunisie. Ces investissements témoignant de la confiance qu’accordent les grands groupes hôteliers à la Tunisie et nous sommes déterminés à capitaliser sur cette confiance.

Avez-vous mis en place des plans régionaux de promotion qui misent sur les spécificités et les atouts touristiques de chaque région ?

Nous avons accueilli au ministère, plusieurs gouverneurs et députés de l’ARP, pour prendre connaissance des spécificités des régions et examiner les plans d’actions qui devraient servir à cette fin.

Nous avons également ,effectué des visites à plusieurs sites touristiques dont Haïdra, Sbeïtla, Le Kef, Siliana, Tataouine, Gabès et Ghomrassen. D’autres visites sont programmées pour le reste des régions.

Le désert de Tataouine abritera en juin et septembre 2019, les compétitions d’un Rallye de très renommée, après une coupure de plusieurs années, en raison des restrictions de voyage qui étaient imposées pour la région de Tozeur et le Sahara tunisien, à cause de raisons sécuritaires.

Cette manifestation sportive et touristique contribuera à insuffler une dynamique, au sud tunisien d’autant plus qu’elle attire un grand nombre de touristes et près de 70 médias étrangers.

Qu’avez-vous envisagé pour le secteur de l’artisanat qui connait des difficultés dont le manque des matières premières, la montée des coûts de production et la concurrence déloyale des produits chinois et contrefaits ?

La contrefaçon des produits de l’artisanat tunisiens est généralement pratiquée par des tunisiens qui imitent les produits typiquement tunisiens tels que la ” Chéchia “, la Cage de Sidi Bousaid, ” la Jebba “, le ” Mérioul Fadhila “, le ” Sefsari “, les tapis…en les faisant fabriquer dans d’autres pays comme la Chine ou la Turquie.

C’est là, un phénomène inacceptable qui relève de la concurrence déloyale visant à diminuer les coûts de production mais qui pénalise fortement, les artisans tunisiens.

Je pense qu’il serait opportun d’augmenter les tarifs douaniers imposés à l’importation de ces produits contrefaits, afin que leurs prix dépassent ceux des produits de l’artisanat tunisien. Et ce à condition qu’ils soient importés par les circuits organisés.

Nous sommes également, déterminés à renforcer la sensibilisation des professionnels et artisans afin de lutter contre le phénomène de la contrefaçon et favoriser l’artisanat de haute qualité. Nous travaillons à valoriser l’artisanat, en lui consacrant une place de choix dans les grandes manifestations afin de mieux le promouvoir.

Pour conclure, quels sont les grands rendez-vous touristiques attendus en Tunisie?

L’année 2019 sera l’année de décollage du secteur touristique. Des changements positifs et réels se feront également, sentir en 2020 à l’occasion du 18ème sommet de la francophonie qui aura lieu à Tunis.

Le ministère du tourisme est déterminé à optimiser l’organisation de cet événement qui associera tourisme et culture et qui exige un grand travail pour améliorer la propreté des circuits touristiques, des grandes villes et des zones proches des aéroports.