Avec dix opérations en près de six ans et demi, le bilan du programme de cession des entreprises confisquées est relativement maigre. Mais les choses sont en train de s’améliorer assez rapidement. La réussite de l’opération de cession de Banque Zitouna et de Zitouna Takaful au groupe qatari, Majda Tunisia, constitue un acquis important.

Toutefois, on est encore loin de l’objectif de 19 sociétés cédées en 2018, comme l’annonçait en janvier 2018 Adel Grar, président directeur général d’Al Karama Holding en poste depuis vingt mois.

Lorsque le processus reprend début 2016, ce sont d’autres secteurs d’activités qui fournissent aux entrepreneurs du pays de –toujours- belles et possibles entreprises à accrocher à leur tableau de chasse. Et la première n’est pas des moindres, non pas par la taille, mais par son histoire.

L’International School of Carthage (ISC), puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a pour particularité d’avoir été fondée par l’épouse de l’ancien président Ben Ali, Leïla Trabelsi, en association avec Souha Arafat, celle du défunt leader palestinien, Yasser Arafat. Pour près 66,6 millions de dinars, cet établissement est tombé en février 2016 dans l’escarcelle d’un consortium composé d’investisseurs tunisiens et étrangers (Meninx Holding, Holding Général d’Education, Swicorp SA, Rochambeau Sarl, SPE Capital Partners limited et Alfa Lux Sarl).

Il s’écoulera ensuite près d’un an et demi avant qu’Al Karama Holding conclue une nouvelle transaction : en août 2017, la Société de Développement Agricole Zitouna I –une autre société jadis propriété de Sakher El Materi- passe, et pour près de 29 millions de dinars, sous le contrôle du consortium IFFCO Tunisie Distribution – Compagnie générale des Industries Alimentaires (COGIA).

Enfin, en avril 2018, la Société Tunisienne de Production et d’Exploitation Agricole Zitouna II, également ancienne propriété de Sakher El Materi, est rachetée, ni par un consortium ni par un groupe, mais par une simple entreprise, YANABII EL KHEYR, pour près de 1,7 millions de dinars. Une société peu connue dans le pays, autant que son promoteur, Dr Mohamed Ali Chtiba.

Vétérinaire de son état, détenteur d’une maîtrise en biochimie, ce dernier est très actif dans le monde associatif, à l’étranger (président du Comité production animale à l’association vétérinaire africaine et membre à l’Association vétérinaire euro-arabe), expert sollicité dans plusieurs pays de la région (Libye, Algérie et Mali), et, surtout, secrétaire général de l’association Namaa (Développement, ndlr) Tunisie. Qui est une organisation patronale satellite du … mouvement Ennahdha.

Le bilan du programme de cession des entreprises confisquées -neuf opérations en près de six ans et demi-, est, bien sûr, maigre. Mais les choses sont peut être amenées à s’améliorer assez rapidement. Pour deux raisons.

D’abord, l’arrivée en février 2017 à la direction générale d’Al Karama Holding d’Adel Grar. Cet ancien président de l’Association des intermédiaires en Bourse est le premier responsable de ce holding à venir du secteur privé, après Ahmed Abdelkefi (fondateur de la première société de leasing, Tunisie Leasing, et du premier intermédiaire en Bourse, Tunisie Valeurs), qui en a été le président du conseil de 2012 à 2014.

M. Grar a une solide expérience du monde de l’entreprise en général et de la finance en particulier. Titulaire d’un PhD, spécialiste de la finance et de la Bourse, M. Grar a fait toute sa carrière au sein du groupe Amen qu’il a rejoint au milieu des années 90.

Il y a débuté comme directeur du département d’ingénierie financière (AMEN INVEST) et y a gravi les échelons jusqu’à prendre les commandes, en qualité de président directeur général, de deux sociétés du groupe (Amen Invest, intermédiaire en Bourse, et Amen Trésor Sicav).

Avant de rentrer en Tunisie, l’actuel DG d’Al Karama Holding a également enseigné en France (ESCEM de Tours, Institut d’Administration des Entreprises – Université de Lille I-, Université de Paris Dauphine, Université de Paris XII Val de Marne et Université de Paris X Nanterre) et été chercheur Senior en Finance des marchés, CREST-Finance, INSEE.

Ensuite, la décision du gouvernement Youssef Chahed, confronté au déficit abyssal du budget de l’Etat d’essayer, pour y faire face, de tirer le maximum de la cession des entreprises confisquées.

Un an après son arrivée aux commandes d’Al Karama Holding, Adel Grar a soumis au conseil des ministres -qui l’a validée le 23 janvier 2018- un ambitieux programme qui se résume en deux chiffres : 19 sociétés pour recueillir 500 millions de dinars.

Dix mois après, il semble très difficile que cet objectif puisse être atteint. Certes, neuf opérations sont en cours (la Méditerranéenne pour le Commerce, le Transport et la Consignation, Goulette Shipping Cruise, Alpha Hyundai Motor, Société Tunisienne de Presse, d’Impression, de Diffusion et de Publicité, «DAR ASSABAH», Société Tunisia Broadcasting «Shems FM», Plastics Technology S.A, Société l’Archevêché “ELYSPA” et Société Club Elyssa, et Carthage Ciment)- plus de cessions d’entreprises confisquées que lors des six années précédentes. Mais les trois mois restants de l’année en cours suffiront-ils pour les conclure toutes ?

Moncef Mahroug