“Le déficit commercial est le résultat direct de la désindustrialisation de la Tunisie. Nous avons marginalisé l’industrie, puisque nous nous sommes orientés vers d’autres secteurs, notamment le commerce”, dénonce Tarek Cherif, président de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT).

“Vu que notre industrie ne cesse de s’affaiblir, notre économie s’est retrouvée dans l’obligation de s’orienter vers l’importation pour satisfaire ses besoins. Pourtant, notre pays est en mesure de produire et de fabriquer n’importe quelle marchandise. Pour preuve, l’industrie aéronautique tunisienne est, aujourd’hui, un maillon essentiel dans la fabrication des avions Airbus”, dit-il.

Selon l’INS, le déficit commercial s’est aggravé, à fin novembre 2018, pour dépasser les 17 milliards de dinars.

“Outre le déficit commercial, l’importation excessive engendre la dépréciation du dinar, étant donné que la demande sur les devises étrangères devient plus importante, ce qui a des répercussions négatives sur l’économie du pays. Personnellement, je suis pour l’importation des matières premières et des équipements indispensables pour apporter de la valeur ajoutée à notre industrie, mais pas des produits pouvant être fabriqués en Tunisie”, analyse-t-il.

Doper l’industrie nationale

Pour le président de la CONECT, “ce qui nous manque, c’est d’encourager notre industrie et mobiliser les moyens nécessaires pour qu’elle devienne compétitive et à même de concurrencer des économies similaires, telles que celles du Maroc, de l’Egypte et de la Turquie”.

“Nous évoluons, aujourd’hui, dans un contexte de mondialisation. Tout produit mis sur le marché doit être compétitif. Cela dépend de plusieurs facteurs liés à la production, mais aussi, à d’autres non maîtrisables par l’industriel, dont la hausse inattendue des prix énergétiques, le coût du transport, la qualité de la logistique…, et c’est à ce niveau que les professionnels tunisiens perdent de leur compétitivité. Ces coûts s’ajoutent au coût réel du produit, au moment où nous devront être en ligne avec les prix proposés par nos compétiteurs”, a-t-il souligné.

Dans ce contexte, l’homme d’affaires met l’accent sur le problème du monopole exercé en Tunisie dans plusieurs activités, dont le celui de l’électricité pour la STEG et celui pratiqué par la Société tunisienne d’aconage et de manutention (STAM), au niveau des différents ports du pays.

D’après lui, la multiplication des sociétés exerçant dans ces activités permettra de diversifier les offres et, par conséquent, de réduire les prix et d’améliorer les prestations, ce qui permettra d’améliorer la compétitivité des industriels.

Selon lui, “l’Union européenne a lancé, depuis plusieurs années, une directive interdisant le monopole dans le domaine de l’électricité, ce qui favorise la concurrence, qui est un dispositif essentiel pour la prospérité économique”.

Outre le coût élevé de la production, l’industrie tunisienne est aussi “une victime de tout un système en dégradation, à cause de la détérioration de la qualité de l’éducation et de la formation en Tunisie, ce qui impacte la compétence des ressources humaines”.

La Tunisie n’est pas la décharge des autres pays

Afin de remédier à ces défaillances, le président de la CONECT a appelé à instaurer un climat incitatif à l’industrie tunisienne, en facilitant l’activité des hommes d’affaires, allégeant les mesures et procédures administratives, et impliquant davantage le système bancaire dans l’effort d’appui financier.

“Nous observons que des facilitations financières sont consenties aux importateurs, alors que les exportateurs des matières premières n’ont pas les mêmes facilités.

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Nous ne revendiquons pas des privilèges, ni des primes financières, mais plutôt de simples appuis. Il s’agit de mettre à la disposition des industriels l’électricité, l’eau et le transport à des prix abordables”, explique Cherif.

Concernant les relations du patronat avec les syndicats, il s’interroge: “pourquoi ne pouvons-nous pas aborder, dans nos négociations avec les syndicats, les moyens d’améliorer la qualité et d’impulser la productivité au même titre que les augmentations salariales?”.

Il appelle par ailleurs à faire face à l’importation irrationnelle. “Les départements ministériels concernés doivent intensifier le contrôle technique des produits importés au niveau des ports et de la douane, afin de vérifier la qualité de ces produits”.

“J’en suis sûr que la moitié de la marchandise importée ne répond pas aux critères minimums de qualité”, a affirmé le président de la CONECT, affirmant que “la Tunisie n’est pas la décharge des autres pays”.

En outre, il préconise de réduire au maximum les facilités de financement de l’importation. “Avec ces deux mesures, le volume global de l’importation diminuera au moins de 25%”.

Il recommande également de réviser la taxation imposée aux industriels. “Ce n’est pas normal que les importateurs de produits finis et les industriels paient la même taxation, ce qui pousse ces derniers à abandonner l’industrie pour s’orienter vers l’importation, d’autant plus que cette activité est beaucoup plus facile”.

“Il faut aussi éviter l’importation des produits dont les prix sont beaucoup moins chers par rapport aux prix de référence à l’échelle internationale et à ceux proposés sur le marché local. L’importation de ces produits porte atteinte à la production locale”.

“Personnellement, je pense que l’industrie, l’agriculture et le tourisme sont les trois secteurs pionniers qui sont en mesure de sauver notre économie. Il faut les soutenir, car l’enjeu est l’avenir de notre pays et de nos générations futures”, a souligné le président de la CONECT.