Le tandem banques-assurances est à la recherche d’un deuxième départ en affaires. Le code des assurances, actuellement en refonte, prévoit d’enrichir cet attelage par de nouveaux opérateurs. L’objectif étant de réunir le plus de leviers pour mobiliser l’épargne longue si nécessaire au financement du développement.

Le partenariat entre les banques et les assurances, initié par la loi 37 du 1er avril 2002, favorise une finalité qui justifie l’alliance entre les deux opérateurs. Il sécurise les affaires. Il apporte une couverture aux crédits bancaires, outre qu’il développe le business pour les assureurs. Et à l’observation, on découvre que cela a surtout profité à l’assurance-vie.

Cependant, au bout de ces 16 ans de proximité commerciale, le marché marque le pas. Dès lors, les deux opérateurs envisagent de trouver de nouveaux produits qui puissent donner un souffle nouveau à cet attelage. On dit que l’organe crée la fonction.

Face à l’urgence du moment, qu’est la rareté de l’épargne, mettant à mal le financement de l’économie, quelle configuration d’alliance pourrait sinon créer du moins stimuler l’épargne longue dans le pays ? Le but étant de se rapprocher des performances des marchés matures où la banque-assurance se révèle un gros pourvoyeur de cette manne bienfaisante pour le financement du développement.

La question, chez nous, prend un caractère d’urgence au vu de la baisse inquiétante de l’épargne qui avoisine 10% du PIB. C’est l’esprit qui a prévalu lors du séminaire organisé mardi 23 octobre par la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI) avec le concours de l’Association professionnelle tunisienne des banques et établissements financiers (APTBEF) ainsi que la Fédération tunisienne des sociétés d’assurances (FTUSA).

Le thème était “La bancassurance en Tunisie : les opportunités et les défis”.

La convergence d’intérêts

Tout contribue à les pousser dans les bras l’un de l’autre. Les clients voient leurs assureurs de manière ponctuelle. C’est à l’occasion de la signature des contrats ou des déclarations de sinistres.

Par contre, ils sont fréquemment chez le banquier et pour certains c’est même une fréquence quotidienne. La banque étant une zone de chalandise élevée, elle sert à drainer la clientèle en front office.

Par ailleurs, l’essoufflement de notre système de retraite par répartition y contribue. Il est à la recherche d’une alternative, et la bancassurance pourrait apporter une réponse effective.

L’irruption des canaux alternatifs y participe aussi. Par conséquent, de commune conviction, banquiers et assureurs souhaitent souder les coudes pour résister à la concurrence et pour développer les affaires. Affrontant les mêmes risques, ils souhaitent rapprocher leurs stratégies de croissance, ce qui est de bonne guerre.

L’évaluation de l’expérience passée n’est pas très enthousiasmante. Ce partenariat a fait la part belle à l’assurance-vie. La bancassurance a réalisé un chiffre d’affaires, en 2017, de 445 millions de dinars dont 95% a été fait sur l’assurance-vie. Et le total de la bancassurance représente uniquement 11% du total des primes, dans le pays. C’est modeste, en soi, dans l’absolu et c’est en dessous de tous les espoirs, soutiennent les experts, en comparaison à ce qui se fait sur les marchés matures.

Ces mêmes experts ajoutent que ce résultat faible s’explique parce que le marché est captif et non concurrentiel. Les gens souscrivent parce qu’ils se retrouvent dans l’obligation de souscrire. Ils n’y vont pas d’eux-mêmes.

Les assurances conclues dans le cadre de la bancassurance sont destinées à couvrir les crédits bancaires. Etant un passage obligé, ils ont assuré une rente aux deux opérateurs sans déboucher sur un marché organisé et surtout concurrentiel et attractif.

Ailleurs en France, à titre d’exemple, qui est le berceau de la bancassurance depuis le début de la décennie 70 du siècle dernier, celle-ci réalise 75% du total national des primes. Naturellement cela nous laisse de la marge pour progresser.

Mais force est de constater que le partenariat plafonne et sature chez nous. Il faut trouver un mécanisme pour le réactiver et lui insuffler un nouvel élan. Il faut reconnaître que le contexte tunisien, à l’heure actuelle, appelle à un plus grand rapprochement entre les deux opérateurs.

L’emballement des taux d’intérêts expose les banques à un ralentissement d’octroi des crédits. Dans le même temps cela va renchérir le coût de leurs ressources. Cet effet de ciseaux pourrait rétrécir leurs marges d’intermédiation. Fatalement elles chercheront à compenser ce repli par une course aux commissions, et les produits d’assurance sont de ce point de vue des éléments dédiés.

Elles voudront aussi barrer la route aux comparateurs d’assurances, ces courtiers virtuels qui prolifèrent à vue d’œil. Ces derniers s’adossent au Big Data et disposent d’un puissant effet d’appel commercial via le net. Le Big Data, rappelons-le, est un puissant vecteur de profilage de risque et aboutit à des offres commerciales pointues et à des coûts compétitifs.

Les entraves opérationnelles

Rappelons au préalable que les contrats autorisés par le code et la loi de 2002 dans le cadre de la bancassurance concernent quatre catégories, à savoir : les risques agricoles, les crédits et cautions, l’assistance et enfin la vie et capitalisation. Et le mandat donné par les assureurs était un mandat de distribution, mais très vite il a muté vers la filialisation. C’est notamment le cas de la BH, avec les assurances SALIM ou La Banque Zitouna avec assurances Takaful.

Ailleurs en Europe, on a vu une autre forme de collaboration se matérialiser par des joint-ventures. Malgré cette évolution, le chiffre d’affaires est resté en dessous de tous les espoirs. La routine y a sa part. Le personnel bancaire n’est pas motivé à démarcher, il se contente de boucler les procédures.

Par ailleurs, les produits d’assurance peuvent avoir des aspects complexes et cela nécessite un supplément de formation qui n’est pas systématiquement dispensé au personnel de front office.

Ajouter qu’en cas de sinistre, les procédures sont assez délicates et nécessitent un accès aux centres de données des assureurs qui ne sont pas connectés avec leurs partenaires. Et parfois, quand il y a arbitrage sur les produits de capitalisation, le personnel des banques a tendance à orienter la clientèle vers le livret d’épargne que la complémentaire retraite.

Ouvrir l’horizon professionnel

La FTUSA est à l’heure actuelle occupée à la refonte du code des assurances, et parmi ses priorités, elle entend dynamiser les mécanismes de la bancassurance, en poussant vers le cross selling, c’est-à-dire la vente additionnelle, à titre d’exemple.

Les pistes d’exploration s’inspirent largement de ce qui existe sur les marchés matures. Le nœud du problème est dans la manière d’allumer le client pour aller spontanément vers les produits d’assurance. C’est un grand changement de mentalité pour des clients habitués à souscrire, uniquement par obligation légale.

Les incitations fiscales doivent s’aligner. Si l’abattement pour le livret CEA est de cinquante mille dinars, il n’est que de six mille dinars pour l’assurance. Ce décalage lèse quelque peu les produits d’assurances.

En outre, la philosophie du métier est un élément précieux et il faut admettre que les intermédiaires en Bourse, expérimentés à la distribution des livrets d’épargne actions, sont, d’un point de vue professionnel, plus aguerris que les banquiers pour placer la complémentaire retraite. C’est là un affluent précieux pour canaliser l’épargne.

Nous suggérons de ne pas le cantonner aux seules compagnies d’assurances. Les caisses de retraite peuvent très bien le développer, et en la matière leur capacité d’innovation égalerait, pour le moins, celle des assureurs. Ce serait une façon de les aider à faire face à leur déficit.

On aimerait ajouter que cette solution soit plus apaisante pour les souscripteurs compte tenu de la garantie de l’Etat dont bénéficient systématiquement les caisses.

A l’heure actuelle, le débat est ouvert sur la place. Espérons que l’on s’acheminera vers l’horizon le plus varié.