L’argent est le nerf des affaires, dit un proverbe latin dans sa première version citée par Cicéron avant d’évoluer vers l’expression «l’argent est le nerf de toute guerre». Les deux versions sont, ces derniers jours, d’une brûlante actualité en Tunisie lorsqu’on constate qu’en cette période de démobilisation générale (période estivale, festivals …) de hauts cadres des bailleurs de fonds partenaires de la Tunisie sont dépêchés à Tunis pour venir apporter aide financière et soutien politique au gouvernement de Youssef Chahed.

Il faut admettre, ce gouvernement, depuis quelques temps, fait face à de multiples difficultés, notamment financières, et a forcément besoin d’argent frais pour enrayer une crise socioéconomique multiforme, qui s’ajoute à une campagne acharnée pour sa destitution.

Ainsi, réunis à Tunis jeudi 12 juillet 2018, les représentants de huit prestigieuses institutions financières, en l’occurrence le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM), la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD), la Banque africaine de développement (BAD), l’Agence française de développement (AFD), la KFW et la Société financière internationale (SFI), ont décidé d’accorder à la Tunisie des prêts et des dons pour un montant global de 5,5 milliards d’euros (environ près de 17 milliards de dinars), dont 2,5 milliards d’euros (7,7 milliards de dinars) pour les exercices 2018-2019.

La nouvelle a été annoncée par le chef de la délégation des bailleurs de fonds, le commissaire européen à la Politique européenne de voisinage et aux Négociations d’élargissement, Johannes Hahn, lors d’une conférence de presse tenue à l’issue d’une rencontre avec les acteurs de la société civile représentant le patronat, les syndicats agricoles (SYNAGRI…) et le monde de la finance (Association tunisienne professionnelle des banques et établissements financiers…).

Les bailleurs de fonds ont voté pour Youssef Chahed

Nul doute que cet engagement financier des bailleurs de fonds est un appui clair et sans ambages au gouvernement Chahed, à son maintien en tant que chef de gouvernement et à la poursuite des réformes structurelles, le tout dans le cadre de la continuité de l’Etat et de sa stabilité.

Par ce geste, les bailleurs de fonds semblent avoir voté pour Yousef Chahed et donc boudé ses détracteurs politiques.

Par ailleurs, cet engagement politico-financier est un cas unique et exceptionnel pour trois principales raisons.

La première est que c’est la première fois que les bailleurs de fonds décident d’agir en commun et de faire un geste à l’endroit de la Tunisie.

La deuxième a trait à la responsabilisation, lors des entretiens que la délégation a eus avec les autorités tunisiennes –le président de la République, Béji Caïd Essebsi, et le chef du gouvernement, Youssef Chahed- d’être personnellement des garants de la poursuite à un rythme plus accéléré des réformes convenues. Au nombre de ces réformes, Férid Belhaj, vice-président du Groupe de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, a tenu à citer celles concernant les Caisses sociales, les entreprises publiques et la transition énergétique.

La troisième consiste en l’élargissement des entretiens de la délégation des bailleurs de fonds à la société civile, particulièrement aux principales centrales syndicales (UGTT, UTICA, UTAP-Synagri, Association tunisienne professionnelle des banques et des établissements financiers…).

Férid Belhaj a déclaré avoir été impressionné par le sens de responsabilité du secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi lequel, a-t-il relevé, n’exige qu’une seule condition: «faire en sorte que les sacrifices à consentir pour la réalisation des réformes douloureuses soient partagés sur un pied d’égalité par toutes les composantes de la société, ce qui est honnête».

Les bailleurs de fonds se veulent inclusifs

L’objectif, comme l’avait déclaré Johannes Hahn, est de venir en aide à la Tunisie, aux diverses composantes de la société tunisienne et particulièrement aux communautés vulnérables, s’agissant des démunis, des femmes et des jeunes. «Les réformes nécessaires qui sont à réaliser ne doivent pas avoir pour but de nous plaire mais surtout de satisfaire l’aspiration des Tunisiens à une vie décente et à avoir de bonnes conditions de vie», a-t-il martelé lors de la conférence de presse.

C’est dans cet esprit, nous semble-t-il, que le gouvernement tunisien a reçu le feu vert pour satisfaire les organisations nationales qui réclamaient à gorge déployée son départ. Ainsi, il vient de conclure un important accord avec l’UGTT sur les augmentations salariales et de s’engager avec l’UTICA de ne pas la harceler -dans le cadre de la loi de finances 2019- de nouvelles taxes exceptionnelles.

Par ailleurs, le patronat a mis à profit ses entretiens directs avec la délégation des bailleurs de fonds pour négocier des lignes de crédit en faveur des PME-PMI tunisiennes.

Cela pour dire au final qu’au stade de ce premier niveau de lecture, tous les indices sont là pour augurer une accalmie sociale et réunir les conditions d’une relance économique.

La question est toutefois de savoir en contrepartie de quoi les bailleurs de fonds ont été aussi généreux.

Affaire à suivre…