Université d’automne tuniso-française des Femmes : «Je n’ai pas connu Bourguiba mais je monterais au front pour préserver son héritage»

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La premiere opération Université d’automne des Tunisiennes et Françaises organisée vendredi 30 septembre a été, plus que tout, une opération de relooking de l’image biaisée a cause du regard dépréciatif que nous portons sur nous-memes et sur notre Tunisie. Un regard nourri de la perception et des orientations idéologiques de nombre de médias aussi bien nationaux qu’internationaux. Médias qui préfereraient, loin des faits et de la réalité, communiquer leur propre vision de notre pays et qui obéissent tres souvent a des lignes éditoriales lesquelles, loin de toute objectivité journalistique, servent des agendas «hostiles» a une Tunisie stable, progressiste et performante.

Cette première manifestation a cassé un tabou: celui d’une Tunisie qui a perdu ses repères identitaires dans sa quête, voulue? Orchestrée? Ou récupérée d’une transition démocratique qui a balayé sur son chemin nombre de réussites économiques. La sécurité a fort heureusement repris du service. Ce fut relevé par les invitées françaises impressionnées: «Nous ne pensions pas la Tunisie si bien gardée» D’autres ont été jusqu’à dire, «nous ne la pensions pas si belle et si raffinée». C’est dire à quel point notre pays souffre d’un déficit d’image et même d’informations auprès de nos plus proches partenaires économiques.

Les panélistes, figurant parmi les meilleures dans leur secteur d’activité aussi bien en Tunisie qu’en France et y jouant des rôles éminents, ont discuté tout au long de la journée du vendredi de leurs droits, des actions citoyennes, des moyens à mettre en œuvre pour le renforcement de la place des femmes aux centres de décision politique, socioéconomique, culturelle et sportive. 

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Les débats qui ont marqué la journée du vendredi, tenue sous le thème «La réussite au féminin et les projets innovants», ont mis face à face les femmes leaders des deux rives de la Méditerranée lesquelles ont parlé de leurs expériences communes pour s’imposer dans un monde dominé généralement par les hommes. Elles sont engagées, passionnées et déterminées. Elles ont parlé de l’éducation qui «n’est pas uniquement l’affaire des écoles», de l’égalité professionnelle, des collaborateurs, des compétences et leur évaluation sans adopter la logique discriminatoire, de la nécessité de changer de mentalité et de culture. «Quand on recrute quelqu’un, on a l’impression que celui dont la voix est grave est plus qualifié que celle dont la voix est aiguë…».

L’égalité entre les femmes et les hommes n’est jamais gagnée mais il n’y a pas de fatalité, ont assuré les intervenantes, car des «femmes efficaces, performantes et modestes ont su s’imposer dans le monde économique… Elles sont des managers chevronnés et ont la capacité de faire monter les énergies par le bas»…

Le militantisme est un état d’esprit et un combat de longue haleine

Les femmes ont également beaucoup assuré en matière de militantisme dans la société civile. Un exemple édifiant, celui de la Tunisienne Olfa Rambourg, présidente de la Fondation Rambourg pour «l’Art et la Culture» et qui finance le premier centre culturel au Mont Semmama. Tant mieux pour les habitants de Kasserine qui auront une arme efficiente face au terrorisme: la culture.

«J’appartiens à la génération qui n’a pas connu Bourguiba, mais qui a bénéficié de son héritage et qui est prête à monter au front pour le préserver. Ma tunisianité est la force et l’élan qui m’ont permis de m’ouvrir aux vents du large, elle est le navire qui m’a permis de naviguer dans les eaux lointaines en gardant comme encrage les valeurs originelles: le courage, la fidélité, la tolérance et l’ouverture aux autres. Car oui la Tunisie, terre de toutes les civilisations, est celle des conquêtes tranquilles», a déclaré dans son allocution d’ouverture Donia Kaouech, présidente du think tank «Tunisiennes Fières» et partenaire dans l’organisation de cet événement de Catherine Dumas, président de «Femmes, débat et société» (FDS), et de Françoise Vilain, présidente d’honneur et fondatrice du think tank français.

«Je voudrais vous rappeler que la Tunisie est elle-même le fruit d’une réussite au féminin, celle d’Elyssa Didon, qui avait demandé à son arrivée en Afrique du Nord l’équivalent d’une terre pouvant tenir dans une peau de bœuf. Et dès qu’elle obtient la peau, elle la découpe en fines lanières pour délimiter l’emplacement de la ville de Carthage. N’est-ce pas d’un projet innovant qu’est née Carthage, en 814 avant Jésus-Christ? Et aujourd’hui, on peut aisément dire: dès que l’on devient Tunisien, nos ancêtres sont carthaginois», réplique à Donia Kaouech Mariam Belkadhi qui a modéré en compagnie de Mehdi Kattou cette première édition de l’Université d’automne Femmes tunisiennes et françaises.

«C’est avec le cœur que nous avons organisé cette Université pour rendre hommage aux femmes tunisiennes et à leur immense talent… et remercier toutes ces femmes qui sont aujourd’hui ici pour partager notre foi, nos espoirs, nos rêves, nos ambitions, nos désirs et l’amour inconditionnel que nous portons à ce pays. Je voudrais les remercier de nous permettre de croire que cela est encore possible et que si seules nous sommes invisibles, ensemble nous sommes invincibles», a affirmé la présidente de «Tunisiennes fières» qui a rappelé que les Tunisiens ont appris à plier pour ne pas rompre, à négocier au gré des évènements, à souhaiter la permanence tout en désirant la fulgurance de la nouveauté. «Ils ont acquis la subtilité des très vieux pays ouverts à tous les vents, la sagesse politique, le refus du fanatisme, l’intelligence des choix et par-dessus tout un puissant amour de la vie. Ensemble les femmes peuvent mieux faire, aller plus loin et changer le monde. Quand une femme en aide une autre, les deux en profitent et quand les Femmes célèbrent leurs pairs, tout le monde s’élève».

Le militantisme est un état d’esprit et un combat de longue haleine où la solidarité est de mise. Il est plus évident que les Tunisiennes ont changé aussi bien la donne politique que socioéconomique ces dernières années, surtout depuis 2011, car elles ont réalisé que les acquis peuvent aussi être menacés et que la vigilance restera toujours de mise.

Aujourd’hui, elles ne sont plus seules. Grâce aux liens tissés entre «Tunisiennes fières» et «Femmes, débats et société», elles pourront aller encore plus loin et surtout trouver des relais auprès d’autres femmes à l’international pour leurs luttes, combats, réalisations et œuvres.

Ce premier partenariat avec FDS n’est que le commencement, les «Tunisiennes fières» iront plus loin et plus fort dans le renforcement de leurs droits et la consolidation de leur positionnement en tant qu’actrices incontournables dans le développement de la Tunisie.