Politique : Après I3tissam Arrahil, le départ d’Essid sauvera-t-il la Tunisie?

 

tunisie-essid-ARP-2016.jpgDevant un parterre de journalistes, Abdelfattah Mourou, vice-président de l’ARP, qui se disait partant depuis belle lurette, mais qui n’a pas osé franchir le pas à ce jour, a déclaré sur le ton de la plaisanterie: «Le dernier lion partira ce samedi», allusion fait au départ probable de l’actuel chef du gouvernement, Habib Essid, lors de la séance prévue à l’Assemblée des représentants du peuple pour lui réitérer ou lui retirer le vote de confiance, prévue pour samedi 30 juillet 2016.

C’était lundi 25 juillet lors de la célébration de la fête de la République à l’entrée du bâtiment du Parlement que deux lions surplombent. Ce qui aurait inspiré M. Mourou, pour lancer sa tirade, très cynique, admettons-le. Le lion, pour rappel, orne les armoiries de la République tunisienne.

Comment se fier aux dirigeants d’un parti qui changent de postures politiques comme de chaussettes et encore! Il n’y a pas longtemps, Rached Ghannouchi et différents leaders d’Ennahdha clamaient haut et fort le maintien de Habib Essid à son poste. Depuis, ils ont mis de l’eau dans leur vin… Le président du parti islamiste a estimé que Habib Essid doit désormais se considérer comme “gestionnaire des affaires courantes du pays”.

Changement total de cap?Manipulation? Diversion? Qui ne sait pas que lorsque Ennahdha veut évincer un haut responsable, elle déclare haut et fort le soutenir et y tenir?  

Qu’est-ce qui a fait changer le parti islamiste de posture ou du moins de position? Si ce n’est ses intérêts supérieurs. Soit des questions vitales se rapportant à son maintien en tant qu’allié indissociable du Nidaa, la négociation de nouveaux portefeuilles ministériels ou encore la refonte d’une image ternie par trop de violence, une mauvaise gestion des affaires de l’Etat et un laxisme délibéré face à la montée du terrorisme et l’instrumentalisation des mosquées à des fins de propagande politique et d’endoctrinement. 

Le pays retient son souffle

En Tunisie, c’est le suspense, tout le monde retient son souffle. Le pays est au bord de l’asphyxie. Les semaines prochaines risquent de nous réserver de grandes surprises, le suspense n’a que trop duré. Qui sera le prochain chef de gouvernement? Dirigerait-il un gouvernement de compétences? Quel parti “arrachera” le plus grand nombre de portefeuilles ministériels? Les ministres de souveraineté seront-ils maintenus à leurs postes ou remplacés? Le prochain chef de la Kasbah réussira-t-il là où l’actuel aurait échoué? 

Un échec, reconnaissons-le, relatif, conséquence de trop d’hésitations de la part de Habib Essid et d’un nouveau diktat appelé “consensus“; consensus qui autorise tout le monde à gouverner et dilue la responsabilité décisionnelle dans le trop plein de partis coalisés, société civile, instances constitutionnelles et organisations nationales. 

Reconnaissons aussi et tout de même une réalisation importante: les conditions sécuritaires se sont considérablement améliorées en 2016. 

Il y a 3 ans, la Tunisie a dû endurer le deuxième attentat terroriste politique de son histoire (après celui du martyr Chokri Belaïd) celui de Haj Brahmi, tombé en martyr suite à son assassinat par des terroristes islamistes. A l’époque il y a eu “I3tissam Arrahil” (le sit-in du départ). Un gouvernement qui ne peut pas protéger ses citoyens devait démissionner!

Aujourd’hui, on demande à Habib Essid de partir après l’avoir prié d’assurer la présidence du gouvernement post-élections. Appel au changement du gouvernement mais pas pour les mêmes raisons et pas dans les mêmes circonstances.

Par contre, les questions qui nous taraudent restent les mêmes que celles de 2013: 

Pourquoi ne pas opter pour un gouvernement de redressement national composé de compétences et technocrates expérimentés et rodés aux mécanismes de l’Etat pour assurer la sécurité et sauver l’économie?

– Pourquoi ne pas assainir l’administration des cadres dont l’agenda est orienté et exclure et dénoncer certains acteurs politiques compromis dans l’opposition ou dans la coalition?

– Pourquoi perdre du temps précieux dans des débats inutiles et infructueux?

– Pourquoi ne pas s’engager dans une trêve politique et économique pour apaiser le climat social?

– Pourquoi ne pas dénombrer les associations caritatives qui enrôlent les jeunes, font commerce de la religion, les dissoudre et intégrer la jeunesse dans un processus réel de passage à la démocratie?

Peut-être que si nous avions à l’époque osé, notre pays aurait été dans une position plus confortable aujourd’hui. 

Délais de sauvetage périmés?

Les délais de redressement ou de sauvetage du pays sont-ils “périmés”? Pour la neurologue Néziha Gouider Khouja, instigatrice du groupe “On a été embêtés pour vous”, l’un des groupes citoyens les plus actifs du pays, le constat est amer, mais la détermination des Tunisiens pour sauver leur pays reste très forte: “3 ans plus tard (que 2013), plusieurs batailles plus tard, ce sont les mêmes constats et mêmes messages que nous faisons et que nous adressons, plus déterminés que jamais. Entre-temps, les instigateurs du chaos se sont bien installés… Entre-temps, aussi, nous avons appris l’économie d’énergie et appris à mieux viser nos objectifs et à mieux y travailler. Mais la hargne à ne pas mettre un genou à terre est la même”. 

En 2013, elle dénonçait la stratégie du chaos, laquelle stratégie, selon elle, se traduit par des “petits coups de butoir permanents (mettre le moral des citoyens à zéro, désorienter le peuple, l’affamer, l’appauvrir, l’occuper avec des discours creux ou violents) et de temps en temps adopter la politique des coups de massue (un attentat ou un assassinat pour frapper les esprits).  

On connaît la tactique, explique-t-elle: “Nous avons la culture qu’il faut pour comprendre. Dites toujours que vous n’y êtes pour rien, continuez à nous prendre pour des imbéciles, vous les gouvernants, vous les politicards, vous les grands argentiers, vous les minables corrompus qui se nourrissent du chaos…”.

La Tunisie qui a initié les printemps ”tsunami” arabes serait-elle le pays où agonisera la théorie du chaos?

Les patriotes, les vrais, sont plus déterminés que jamais à y mettre fin, assure Pr Gouider. N’en déplaise aux traîtres, aux mercenaires des ONG internationales et aux politiciens véreux. Quelle que soit l’issue de la crise politique actuelle, la Tunisie restera debout et ne cédera pas au chantage des extrémistes, terroristes et corrompus, parce que les patriotes sont de loin plus nombreux que les traîtres.

Grands temps de laisser place sur la scène politique aux ambitieux dont les ambitions servent le pays mais qui ne se servent pas de notre patrie pour réaliser leurs ambitions!