Tunisie – Notation Moody’s : Avis contradictoires de deux experts!

Par : TAP

moodys-tunisie-2013.jpgLa confirmation de la notation de la Tunisie à Ba3, assortie de perspectives stables, par l’agence de notation Moody’s, semble ambiguë, pour l’expert en risques financiers, Mourad Hattab.

Selon lui, ce rating se base sur l’évolution de la situation sécuritaire en Tunisie et des changements accrus au niveau régional. “Malgré la vague quotidienne de mouvements sociaux, la situation sécuritaire délicate et l’instabilité du pays, Moody’s considère que la Tunisie a la possibilité de recourir à l’emprunt extérieur et d’améliorer les indicateurs relatifs au déficit courant et au déficit budgétaire”, s’étonne-t-il.

Pourtant, “la plupart des analystes financiers et bailleurs de fonds conviennent de la faible capacité de la Tunisie en matière de remboursement des dettes extérieures, en raison du déclin de secteurs vitaux, notamment du tourisme et de la faiblesse des exportations”.

Il juge le rapport de Moody’s “clément” par rapport à la situation réelle de la Tunisie, surtout qu’il coïncide avec le démarrage des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) pour l’obtention d’un crédit “considérable” évalué à 3,5 milliards de dinars” d’ici le mois prochain.

Mourad Hattab considère que cette notation vient appuyer les efforts du gouvernement tunisien pour sortir, très prochainement, sur le marché financier international dans le but de mobiliser 1,1 milliard d’euros à un taux d’intérêt d’environ 5,75% et à la seule garantie de l’Etat tunisien.

Il fait remarquer que le rapport de Moody’s va aider la Tunisie à réussir ses démarches pour l’obtention de ce crédit, malgré son coût “onéreux” et la polémique créée à son sujet, évoquant “l’appréhension de voir la Tunisie encouragée à se surendetter”. Moody’s a conditionné la révision de sa notation au niveau de l’investissement, par la stabilisation de la situation sécuritaire et la réalisation d’un ensemble de réformes structurelles économiques et sociales, conditions approuvées par la Tunisie, souligne-t-il.

Sacré Mourad… toujours pessimiste!

L’universitaire Fethi Nouri est d’un avis complétement contraire puisqu’il estime que “la confirmation de la note de la Tunisie par Moody’s est une décision raisonnable et adaptée à la situation économique, sociale et politique de la Tunisie”.

“La notation de la Tunisie par Moody’s avec des perspectives stables permet de relancer l’activité des opérateurs économiques et de booster l’investissement étranger”.

Il précise que l’orientation vers la maîtrise des indicateurs et des grands équilibres financiers a permis leur stabilisation, à l’instar de l’inflation qui constitue un frein de la croissance et qui s’est établi à 3,5% en 2016 (5,7% en 2013).

L’expert met l’accent sur la maîtrise du déficit budgétaire qui a régressé pour atteindre 3,9% en 2016 (4,4% en 2015), soulignant que le défit de la balance commerciale reste stable en dépit de son niveau élevé (8,9%).

Il ajoute que le taux de chômage (15,4% en 2015) est important mais n’est pas encore catastrophique, vu qu’il a gardé le même niveau. Les réformes structurelles du secteur bancaire, l’élaboration du code d’investissement et du plan quinquennal de développement ont permis de stabiliser la situation et donné des signes positifs de sortie de crise.

Il rappelle que les réserves en devises ont atteint 123 jours, dépassant ainsi le seuil minimum (90 jours), ce qui constitue un facteur de stabilité, relevant que le taux de l’endettement reste acceptable (53,3% en 2016) par rapport à d’autres pays.

Et d’ajouter que la stabilité politique et du gouvernement élu qui est depuis plus d’une année au pouvoir et l’amélioration de la situation sécuritaire ont contribué à cette notation.

Nouri estime cependant que la situation sociale du pays constitue un point faible vu la persistance de la pression sociale sur le gouvernement et les sit-in en dépit de la régression de leur nombre.

L’économie tunisienne a dépassé la phase du danger et est passée à la phase de stabilité et des réformes pour entamer ensuite l’étape de la réalisation, avance-t-il.