Tunisie – Emploi : Un code de travail contraignant favorise le chômage

Par : TAP

Les participants au 10ème colloque régional maghrébin de l’Association des responsables de formation et de gestion humaine des entreprises (ARFORGHE) ont appelé, jeudi 12 novembre à Tunis, à la réforme de la législation du travail pour faire face aux nouveaux enjeux socioéconomiques en Tunisie. “Depuis la révolution, le pays a connu beaucoup de changements et l’entreprise est de plus en plus confrontée à la concurrence alors que le droit de travail n’a pas connu de réformes depuis des années”, a déclaré Hatem Bacha, président de l’ARFORGHE.

“La législation du travail doit absolument évoluer en vue d’instaurer un environnement plus favorable au développement et à l’investissement, ce qui se traduira par la création de nouveaux postes d’emplois”, a-t-il ajouté, estimant que la conjoncture actuelle n’encourage pas à l’investissement.

De son côté, Habib Guiza, secrétaire général de la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT), a appelé, dans une déclaration à l’agence TAP, à la révision du code de travail pour lancer un dialogue social qui implique toutes les parties et qui reconnaît le pluralisme syndical. Il a ajouté que les négociations sociales sont, actuellement, axées sur les augmentations salariales aux dépens d’autres dossiers comme la formation des employés, la santé et sécurité au travail et l’emploi.

Il a, en outre, souligné la nécessité de mettre en place un nouveau modèle de développement qui ne marginalise pas les jeunes et les régions et favorise l’emploi qualitatif.

Guiza souligne également la nécessité de renforcer le partenariat entre l’Etat, le secteur privé et le secteur de l’économie sociale et solidaire (les coopératives, les associations…).

Intervenant à cette occasion, Ridha Boukraa, professeur émérite, a indiqué que la problématique de la mondialisation du marché du travail et du droit du travail associe deux variables qui sont tour à tour antinomiques et convergentes, à savoir la variable économique et la variable juridique. “Nous vivons, actuellement, grâce à la mondialisation, une période de mutation dominée par le logiciel néolibéral, dont le fonctionnement exige le renouvellement du rapport entre l’économique et le juridique qui désormais s’inscrivent dans une configuration globale formée par un dispositif qui intègre en plus de l’économique et du juridique, le politique, le financier, le commercial et le technologique”, a-t-il dit.

Le conférencier a signalé que ce sont les pays qui disposent d’un code de travail le plus complexe qui connaissent le plus fort taux de chômage, alors que ceux où le code de travail est le moins contraignant connaissent le taux de chômage le plus faible.

Boukraa a souligné la nécessité d’élaborer un nouveau droit du travail qui, tout en garantissant la protection du travailleur, tient compte des mutations que connaissent les économies dans le monde.

Selon l’intervenant, le rôle de l’Etat est de créer les conditions de la relance économique favorable à la création de l’emploi marchand. “L’Etat stimule l’économie mais ne peut créer des richesses économiques. L’économie échappe au contrôle de l’Etat qui ne peut pas empêcher les licenciements économiques et boursiers ou différer la fermeture des entreprises victimes de la conjoncture économique”, a-t-il ajouté.

Pour sa part, Monia Elafrit, professeur en droit public, appelle les autorités publiques en Tunisie à accorder une attention particulière au développement des mesures actives de l’emploi, des services publics de l’emploi et de l’observation du marché du travail. Il s’agit, selon l’oratrice de porter un intérêt plus soutenu à l’investissement dans le capital humain et à l’employabilité. “Les règles de droit et les procédures sont nécessaires, mais demeurent insuffisantes. Là où ne sont pas réunies les conditions politiques, économiques, sociales qui assurent le jeu effectif des instruments juridiques, ceux-ci ne peuvent, à eux seuls, faire vivre la liberté”, a-t-elle signalé.

Organisé sur le thème “les nouveaux enjeux socioéconomiques face à la législation du travail” en partenariat avec la fondation allemande Konrad Adenauer Stiftung, le 10ème colloque de l’ARFORGHE se poursuit pendant deux jours. Plusieurs thèmes sont à l’ordre du jour de cette rencontre dont, notamment, le défi de la rénovation du dialogue social, les relations sociales, la transition du droit de travail vers le droit de l’emploi et les causes et conséquences socioéconomiques de l’évolution des formes d’emploi.