La BCE, clé de voute malgré elle des négociations sur la Grèce

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ège de la BCE à Francfort, le 22 juin 2015 (Photo : DANIEL ROLAND)

[24/06/2015 08:04:16] Francfort (AFP) Officiellement, la Banque centrale européenne ne fait pas de politique. L’institution, bouée de secours des banques grecques, n’en joue pas moins un rôle clé dans les négociations autour de la Grèce, au risque de frôler les limites de son mandat.

Pour la quatrième fois en l’espace d’une semaine, la BCE a relevé mardi le plafond d’une ligne de financements d’urgence en faveur des banques grecques, les crédits ELA, pour faire face aux retraits massifs de leur épargne par les Grecs inquiets de l’avenir de leur pays.

Ces prêts, dont le montant avoisine maintenant 90 milliards d’euros, constituent l’unique source de financement du système bancaire grec en souffrance, et pratiquement de l’économie toute entière. Tant que les banques sont ainsi maintenues à flot, les salaires peuvent être versés, les factures payées, les épargnants protégés et les négociations avec les créanciers se poursuivent.

“Sans l’action de la BCE, les politiques seraient à court de temps pour négocier”, estime pour l’AFP Martin Hellmich, professeur à la Frankfurt School of Finance and Management.

La BCE veut à tout prix éviter d’endosser la responsabilité politique d’un séisme bancaire. Mais elle ne pourra pas maintenir indéfiniment ces aides, allouées à la seule condition que les banques hellènes soient solvables et qu’elles disposent de suffisamment de titres financiers à apporter en garantie.

– “Inconfortable” –

Certains banquiers centraux estiment déjà que l’institution outrepasse son mandat en finançant des banques et un pays ne pouvant pas emprunter sur les marchés, car ayant perdu la confiance des investisseurs. Les critiques craignent qu’en l’absence d’accord politique, la BCE ne se retrouve en position de de décider seule du sort de la Grèce.

Les 25 membres du conseil des gouverneurs renouvellent périodiquement les crédits ELA et en fixent le plafond. Selon la presse, le président de la Bundesbank allemande, Jens Weidmann, a voté les dernières fois contre l’élargissement des prêts.

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ésident de la Bundesbank, devant le siège de la banque centrale à Francfort, en Allemagne, le 12 mars 2015 (Photo : Arne Dedert)

Le fait que la BCE, institution non élue, puisse à tout moment “débrancher” l’économie grecque la place dans une “situation inconfortable”, assure à l’AFP Matthias Kullas, du Centre de politique européenne (CEP).

Un arrêt des prêts ELA – pour lequel il faut une majorité des deux tiers au conseil – provoquerait l?asphyxie de la Grèce et, sans doute, une sortie du pays du bloc monétaire. Une perspective qui fait figure de repoussoir à la BCE.

Athènes doit rembourser quelque 1,5 milliard d’euros au FMI dans six jours, un paiement que le pays ne peut honorer sans le versement par ses créanciers de 7,2 milliards d’euros d’aide. Le versement est conditionné à un accord entre le gouvernement et les trois institutions avec lesquelles il négocie d’arrache-pied: la Commission européenne, le FMI et… la BCE.

En cas de défaut de paiement au FMI, la BCE “ne pourrait pas ne pas réagir”, prévient une source bancaire. Elle se verrait contrainte a minima de durcir les conditions d’octroi des prêts ELA. Et fin juillet c’est à elle que la Grèce doit plusieurs milliards d’euros de remboursements d’obligations.

– “Pas une institution politique” –

Jusqu’à présent, la BCE a pris soin de ne pas apparaître en première ligne du dossier grec. Son président, Mario Draghi, répète à l’envi que la banque centrale “n’est pas une institution politique”, renvoyant la balle dans le camp du personnel politique.

“Si le 30 juin il y a une certitude politique”, c’est-à-dire le feu vert du Parlement grec à un accord avec les créanciers, “on peut trouver des solutions via la BCE qui peut faire énormément de choses si on lui donne un cadre politique, si on lui enlève de l’incertitude”, confie un source européenne.

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ésident de la BCE devant la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen à Bruxelles, le 15 juin 2015 (Photo : Emmanuel Dunand)

L’institution pourrait notamment permettre aux banques d’acquérir davantage d’obligations grecques à court terme, avec pour effet immédiat de remplir de plusieurs milliards d’euros les caisses – presque vides – d’Athènes.

M. Draghi a toutefois posé ses conditions : “il faut une perspective crédible” pour la poursuite du programme d’aide à la Grèce. Cela requiert une “décision politique prise par des responsables élues, pas par des banquiers centraux”.