Le salaire minimum allemand a 5 mois : hausse du pouvoir d’achat, l’emploi ne pâtit pas

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ère allemande Angela Merkel à Berlin le 29 avril 2015 (Photo : JOHN MACDOUGALL)

[30/04/2015 13:43:03] Berlin (AFP) L’Allemagne tire les premiers bilans de cinq mois de salaire minimum pour tous: pas d’effet dévastateur sur l’emploi ou sur les prix, les bénéficiaires sont satisfaits mais la consommation n’explose pas pour autant, tandis que politiquement le dossier reste épineux.

Depuis le 1er janvier, dans un pays qui ne connaissait jusqu’alors que les accords négociés par secteur, un salaire plancher de 8,50 euros bruts de l’heure s’applique à tous ou presque (quelques exceptions subsistent jusqu’à 2017).

Les conservateurs de la chancelière Angela Merkel s’y sont résolus à contre-coeur sous la pression de leur partenaire social-démocrate au sein de la coalition, qui l’avait promis au nom de la justice sociale.

Du point de vue des 4 millions de salariés qui ont en profité, “le salaire minimum est un succès”, s’est félicité jeudi le président du syndicat des services Verdi, Frank Bsirske.

L’effet sur la fiche de paie est surtout appréciable dans les services, la restauration ou le commerce par exemple. Le salaire minimum produit aussi ses bienfaits dans l’ex-RDA, où un quart des entreprises employaient auparavant au moins une personne payée en-dessous de ce seuil, selon l’institut de recherche sur le travail IAB.

– Transfert –

Les détracteurs du Smic à l’allemande – économistes, fédérations d’employeurs et beaucoup de conservateurs – pronostiquaient un effet néfaste sur le marché du travail. Des scénarios de suppressions d’emplois par centaines de milliers avaient circulé.

Mais le chômage en Allemagne s’établissait à 6,4% en avril en données corrigées des variations saisonnières, selon un chiffre publié jeudi, soit un peu moins que les 6,5% de décembre.

Il existe tout de même un effet “salaire minimum” sur les statistiques de l’emploi. “On constate un transfert d’emplois temporaires vers des emplois permanents, qui payent mieux”, analyse Christian Schulz, économiste de Berenberg.

Sur les 42 millions d’actifs que compte l’Allemagne, 30 millions occupaient en avril un emploi soumis à cotisations sociales, un demi-million de plus que l’an dernier. A la différence des petits boulots et autres mini-jobs, ce sont des emplois sûrs qui permettent d’en vivre.

A court terme ce transfert représente “une bonne nouvelle”, poursuit M. Schulz. “Cela renforce la sécurité de l’emploi et les revenus”. Comme beaucoup de ses confrères il craint toutefois des effets de long terme, quand, à la prochaine crise économique, les salaires ne pourront plus servir de variable d’ajustement.

Déjà certains économistes pointent un léger ralentissement dans le rythme des créations d’emplois.

– Indolore sur les prix –

En tout cas l’effet redouté sur les prix, par exemple chez les coiffeurs ou à l’hôtel, ne s’est pas matérialisé. “En tout et pour tout, cela s’est vérifié dans deux secteurs: les pressings et les taxis”, expliquait récemment Ferdinand Fichtner, de l’institut DIW.

“Si le salaire minimum ne joue pas sur le marché du travail, ni sur les prix, alors il agit sans doute au niveau des bénéfices des entreprises”, avance M. Fichtner. “Et c’est exactement ce qui était voulu politiquement: un transfert des profits des entreprises vers les salariés”.

Pour le moment, ces revenus supplémentaires donnent un moral d’acier aux consommateurs allemands, selon les baromètres, mais ils ne les amènent pas en force dans les magasins, selon les chiffres des ventes au détail. Et surtout, l’effet cascade sur les autres économies européennes – un surcroît de consommation en Allemagne était censé profiter aux partenaires du pays via les importantions – ne s’est pas encore vérifié.

Au sein de la coalition au pouvoir à Berlin, le salaire minimum est toujours source de remous. Beaucoup de conservateurs, surtout bavarois, réclament une remise à plat, critiquant des procédures administratives trop lourdes.

“L’introduction du salaire minimum se passe très bien”, a rétorqué en début de semaine la ministre de l’Emploi, la sociale-démocrate Andrea Nahles, principale artisan du projet. “L’argent arrive là où il est mérité”.