Allemagne : à Heideland, 1.200 vaches attendent la fin des quotas

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à Kemberg, au sud de Berlin, sont traites sur un carrousel, le 23 mars 2015 (Photo : John MacDougall)

[26/03/2015 16:26:52] Kemberg (Allemagne) (AFP) “Regardez la place qu’elles ont! Là elles se font masser…” Les 1.200 vaches laitières de Richard Reiss ont la belle vie, à entendre l’agriculteur allemand, qui a modernisé son exploitation à grande échelle en prévision de la fin des quotas.

Gigantesques étables flanquées d’installations de méthanisation – rien ne se perd, le purin est transformé en énergie -, alignement d’igloos en plastique qui abritent les veaux un peu plus loin, bâtiments administratifs fonctionnels, la ferme Heideland à Kemberg, à une centaine de kilomètres au sud de Berlin, est bien loin de l’idylle campagnarde qui orne les briques de lait.

Mais pour son patron, septuagénaire rubicond, elle est un modèle d’avenir. Et le résultat d’une préparation minutieuse à la fin du système des quotas, qui a régi le marché européen du lait pendant plus de trente ans, et s’achève au 31 mars.

“Dès que nous avons su que Bruxelles songeait à supprimer les quotas, nous avons commencé à réfléchir”, explique M. Reiss, “et depuis 2012 nous ne faisons rien d’autre que nous préparer à cela”. Objectif: produire plus que les 10,7 millions de kilos alloués sous le régime des quotas. M. Reiss place la barre à 13,5 ou 14 millions de kilos par an.

– 8 millions investis –

La ferme a investi entre 2012 et 2014 plus de 8 millions d’euros dans ses nouvelles installations, notamment un carrousel de traite robotisé dernier cri qui permet de traire les bêtes trois fois par jour – contre deux fois dans la plupart des exploitations. Les étables sont équipées de ventilateurs et de brosses de massage contre lesquelles les bovidés se frottent avec délectation.

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à Kemberg, au sud de Berlin, le 23 mars 2015 (Photo : John MacDougall)

Comme beaucoup d’exploitations de l’ex-RDA, Heideland, propriété de 47 actionnaires qui travaillent sur place, est l’héritière d’un combinat de l’agriculture collectiviste. Dans l’Est de l’Allemagne, le cheptel moyen des fermes laitières est presque quatre fois celui de l’Ouest (182 vaches contre 48 à l’Ouest), mais même à cette échelle, Heideland fait figure de géante.

La ferme se pose comme vitrine d’une agriculture visionnaire qui a complètement embrassé le libre marché.

“En 1990”, au moment de la Réunification allemande, “il a fallu s’adapter au capitalisme, personne ne nous a aidés”, rappelle M. Reiss. Alors un changement de système de plus ou de moins…

L’agriculteur ne cache pas que selon lui “tous ne pourront pas continuer à produire et se soumettre aux lois du marché” parmi ses concurrents. “Il fallait prendre le virage à temps”, explique-t-il.

Heideland écoule son lait non loin de là à Bad Bibra auprès de Deutsches Milchkontor (DMK), l’une des plus grosses laiteries allemandes, coopérative de 9.400 producteurs qui achète chaque année 6,7 millions de tonnes, plus d’un quart de la production totale du pays.

– Respiration assistée –

Libérés du carcan des quotas, les producteurs affiliés à DMK prévoient d’augmenter leur production de 20% d’ici 2020, explique Reinhard Vogel-Lackenberg, chargé des relations avec les agriculteurs. Face à un marché européen quasiment saturé, la société a investi dans des capacités de production supplémentaires de fromage et de lait pasteurisé, et veut se tourner vers l’Asie et le Moyen-Orient.

Pour le moment DMK paie ses producteurs 28 cents le litre, un niveau très bas. “Nous sommes encore très dépendants du prix de produits standards”, reconnaît M. Vogel-Lackenberg. Quand les discounters allemands, avec leur part de marché de 40%, baissent le prix du lait ou du beurre comme un seul homme, comme ils en sont coutumiers, c’est toute la branche qui souffre.

Les prix bas pourraient bien fausser le calcul de M. Reiss. “A 28 cents, nous sommes sous respiration assistée”, reconnaît-il, se départant brièvement de son bel optimisme. “C’est de 35 cents dont nous aurions besoin”, avance-t-il, évoquant des coûts mensuels d’au moins 300.000 euros pour faire vivre l’exploitation.

Sur les prix après les quotas il n’y a pour le moment toutefois qu’une certitude: ils seront volatils, préviennent les fédérations du secteur.