En Turquie, la nouvelle ruée vers l’or des particuliers

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Istanbul, le 14 janvier 2015 (Photo : Ozan Kose)

[13/02/2015 12:44:40] Istanbul (AFP) De l’extérieur, rien ne distingue ce guichet automatique des autres qui pullulent dans les rues d’Istanbul. Sauf qu’en plus de billets, celui-ci distribue aussi de l’or.

Ce métal précieux très prisé dans la tradition turque est convoité par les banques du pays.

Les estimations évaluent à 3.500 tonnes les réserves de métal jaune détenues par les Turcs.

Depuis des siècles, il se transmet sous forme de bijoux ou de pièces à la faveur des mariages ou des naissances. Mais surtout il se garde “sous l’oreiller” en prévision des jours difficiles, même à l’heure des assurances-vie et autres plans d’épargne.

En 2007, la banque Kuveyt Türk a donné le coup d’envoi d’une nouvelle ruée vers l’or, avec l’ambition de mettre la main sur cette manne.

“Nous avons réfléchi au meilleur moyen de réintégrer tout ça dans le système et décidé d’ouvrir des comptes en or”, explique Seda Yilmaz, qui a lancé le projet. “Nous avons donc acheté 1 kg d’or et, dès le premier jour, nos clients nous en ont demandé 3 kg. C’était la preuve que nous avions pris une bonne décision”.

Huit ans plus tard, la banque islamique héberge 200.000 comptes où ses clients peuvent déposer leur or et a lancé une gamme de produits qui permettent d’en acheter ou d’en vendre en payant par chèque, virement ou téléphone portable.

Et, première mondiale, elle dispose d’un réseau de 300 distributeurs qui, en plus de billets, permettent de retirer des pièces d’or de 1 ou 1,5 gramme.

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Istanbul, le 13 janvier 2015 (Photo : Ozan Kose)

La réussite de la Kuveyt Türk a suscité bien des convoitises. Aujourd’hui plusieurs autres banques turques exploitent le même filon. De 2 tonnes en 2007, le poids des réserves d’or déposées dans leurs coffres est passé à près de 250.

Comme les établissements financiers, le gouvernement a lui aussi vite compris l’intérêt de mobiliser une partie du bas de laine de ses citoyens.

En 2011, la banque centrale a donné un coup de fouet à tout le secteur en autorisant les établissements commerciaux à détenir une partie de leurs réserves obligatoires en or et en leur permettant d’en collecter auprès des particuliers. Succès garanti.

– Un marché très prometteur –

“Grâce à cette mesure, notre chiffre d’affaires a bondi de 85% l’an dernier”, se réjouit Aysen Esen, qui dirige la plus ancienne raffinerie d’or du pays. “Sur les deux dernières années, les banques ont récupéré 40 tonnes d’or qui dormaient sous les oreillers”, salive-t-elle, “et ce n’est qu’une toute petite partie des réserves”.

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or, le 13 janvier 2015 (Photo : Ozan Kose)

Dans le pays où vivait le légendaire roi Midas, qui transformait en or tout ce qu’il touchait, l’industrie minière turque a le vent en poupe, elle aussi. De 2 tonnes en 2002, sa production a fait un bond à 33,5 tonnes d’or en 2013. Là aussi, l’avenir s’annonce très prometteur, avec des réserves de son sous-sol sont évaluées à 6.500 tonnes.

“La principale raison de cette expansion, c’est qu’il n’existe pas de taxes sur les transactions d’or brut”, se réjouit Ali Bulut, le PDG d’Altinbas, numéro 1 de la vente d’or en Turquie, “et je suis très optimiste sur l’état de la demande à long terme”.

Même si les variations des cours pèsent encore sur l’activité et les bénéfices, les Turcs sont solidement installés au 4e rang des consommateurs mondiaux de métal jaune, avec une moyenne de 181 tonnes par an, et au 2e rang de ses exportateurs.

“En 2013, la production, la consommation et le recyclage de l’or ont généré l’équivalent de 3,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour l’économie turque”, résume Alistair Campbell, auteur d’un récent rapport publié par le World Gold Council, qui représente les acteurs mondiaux de l’or.

“C’est une contribution très importante”, ajoute M. Campbell, de l’ordre de 4,6% du produit intérieur brut (PIB) turc.

Un peu jaloux du succès rencontré par les banques sur un marché qui leur était jusque là largement réservé, les bijoutiers turcs ont signalé leur intention de prendre, eux aussi, leur part dans cette profitable chasse au trésor.

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Istanbul, le 14 janvier 2015 (Photo : Ozan Kose)

“Nous sommes un peu déçus aujourd’hui”, admet Sarp Tarhanci, de la Chambre des bijoutiers d’Istanbul. “Il faudrait adopter une nouvelle loi qui permette aux bijoutiers, plutôt qu’aux banques, de collecter l’or”, plaide-t-il, “les bijoutiers ont la confiance avec leurs clients, ils pourraient faire entrer encore plus d’or dans le système”.

“Nous n’en sommes qu’au début, les perspectives sont très, très alléchantes”, pronostique Alistair Campbell, “la Turquie dispose de tous les atouts pour s’imposer rapidement comme un carrefour régional du marché de l’or”.