11e jour de grève de la faim pour des salariés de la Seita

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usine Seita de Carquefou (Photo : Jean-Sebastien Evrard)

[09/10/2014 13:05:57] Nantes (AFP) Le “moral à zéro” mais “déterminés”, cinq salariés de l’usine du cigarettier Seita de Carquefou ont entamé jeudi leur 11e jour de grève de la faim pour protester contre la fermeture du site, délocalisant leur action dans le centre-ville de Nantes.

“Je suis foutue, je suis rincée, j’ai le moral à zéro”, lâche Christel, 54 ans, dont neuf à la Seita, venue manifester en fauteuil roulant, du palais de justice à la préfecture, un tee-shirt blanc proclamant “Ma vie pour mon travail” sous son blouson.

Après avoir multiplié les actions depuis l’annonce par la Seita, filiale du britannique Imperial Tobacco, de sa restructuration et de la fermeture du site de Carquefou — dont la rétention de cadres pendant 24 heures — Christel s’est sentie “obligée d’aller à l’extrême” et a cessé de s’alimenter depuis le 29 septembre.

“Ca fait mal aux tripes. Mais la direction nous ignore totalement, nous laisse dépérir devant sa boîte. Comme ils ne nous écoutent pas, on n’avait plus le choix”, explique-t-elle, entourée de quatre autres grévistes de la faim et de plusieurs dizaines de salariés.

Ils ont délaissé jeudi matin les toiles de tente dressées devant l’usine fermée depuis trois semaines pour raisons de sécurité pour une action devant le tribunal de Nantes, où un recours en référé (procédure d’urgence) a été déposé pour stopper la fermeture du site, avant de partir en cortège jusqu’à la préfecture. Une délégation y a été reçue en milieu de journée.

Vêtus de gilets jaune fluo et tenant à la main des portraits des grévistes de la faim, souriants et replets, pris avant le début du mouvement, les manifestants entendaient “réveiller les consciences”.

– ‘Cri de détresse’ –

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à à Paris (Photo : Thomas Samson )

“Ca fait 11 jours et aucun signe de personne, pas même des cadres locaux avec qui on a partagé notre vie pendant dix ans. Leurs femmes, leurs enfants passent devant nous tous les jours, sans un regard”, dit en soupirant Marceau Delpont, 59 ans, salarié non gréviste qui “a connu quatre fermetures en 37 ans à la Seita”.

“A Carquefou, plus de 70% des salariés ont été mutés. Ce sont des gens qui ont déjà vécu ça et qui n’ont pas envie de le revivre. (…) C’est un cri de détresse, on veut des réponses”, martèle Myriam, dont l’époux a mis un terme à sa grève de la faim mardi, trop “esquinté”, et qui a été hospitalisé quelques heures.

“Avec ma femme, on a fait la fermeture de Strasbourg il y a quatre ans”, poursuit son mari, Francis. “Les salariés qui ne sont pas venus aujourd’hui, ils sont en dépression, ils ne peuvent pas sortir de chez eux. On a commencé la grève de la faim avec un déficit, ça fait six mois (depuis l’annonce de la fermeture, ndlr) qu’on ne dort pas”, poursuit l’ex-gréviste, qui a commencé à manger “soupe et bouillon”.

“C’est extrême, mais l’entreprise génère tant de bénéfices, 570 millions d’euros juste à Carquefou ! Et la direction veut acheter notre silence”, lance Frédéric d’une voix faible, une bouteille d’eau posée dans son fauteuil roulant. Il a perdu “sept kilos” en onze jours.

Dénonçant le “chantage” de la direction, qui “met la pression pour un accord unilatéral” qui réduirait les indemnités supralégales de licenciement, Frédéric a salué la décision jeudi matin des syndicats de la Seita de refuser “en l’état” les mesures d’accompagnement proposées par le cigarettier pour les salariés qui seront licenciés, et assuré que même “à bout”, les grévistes ne “lâcheraient rien”.

Interrogée par l’AFP, la direction de Seita a déclaré n’être “pas insensible” à la grève de la faim, estimant que c’était une “réaction extrême par rapport aux conditions (de licenciement, ndlr) négociées avec les partenaires sociaux”.