Tunisie-Enseignement : «Des entreprises de cours particuliers ont pignon sur rue et l’Etat ne sévit pas !» (Partie II)

cours-particuliers-680.jpgLes inspecteurs de l’enseignement secondaires auraient été sidérés par les décisions hâtives prises au conseil des ministres sur proposition du ministre de l’Education nationale.

« Ils n’avaient pas leur mot à dire comme le stipule leur statut. Il est d’usage que ces décisions viennent après concertation avec les spécialistes et les techniciens de l’éducation qui étudient les questions en commissions disciplinaires. Par conséquent, les syndicats de l’éducation vont décider des mesures à prendre en réaction à cela», fustige N.B du syndicat de l’éducation nationale.

«Tous les intervenants ont demandé, depuis 2011, la suppression du 25% qui n’a eu aucun effet positif sur la qualité des apprentissages ni l’output de l’enseignement secondaire. Les universitaires peuvent le confirmer».

D’après elle, le seul aspect positif du 25% est purement pécuniaire et œuvre à l’essor des écoles libres vendant les notes (on a atteint 20/20 de moyenne! Ces écoles cachent les notes et les PV à toute visite d’inspection, dans l’impunité totale puisque le ministère ne réagit pas aux rapports).

«Savez-vous qu’il y a des entreprises de cours particuliers pignon sur rue surtout dans les quartiers huppés…»

Mais cela ne s’arrête pas aux mauvaises pratiques de nombre d’écoles privées. Les cours particuliers ruinent les parents. «Savez-vous qu’il y a des entreprises de cours particuliers pignon sur rue surtout dans les quartiers huppés! Quelles mesures ont été prises pour combattre ce phénomène? Aucune! Une question en passant: comment les 20% vont assurer l’efficience à la place des 25%? Citez-nous les spécialistes qui le défendent d’autant plus que les nouvelles conditions de rachat n’ont pas été établies ni publiée».

Insaf Gamaoun, inspectrice de l’éducation civique auprès des collèges et des lycées, abonde dans ce sens: «Nous avons toujours parlé des 25% de rachat au baccalauréat sans arriver à prendre une décision ferme pour l’annuler. Ses dégâts sont inquantifiables sur la consistance de nos diplômes sur les plans national et international. Les réduire à 20% n’y changera rien. Et ce n’est pas là que la “politique par étapes” qui va marcher. Tout au contraire, il faudrait être courageux et l’annuler ou l’accompagner par des conditions très sélectives pour réduire le nombre des bénéficiaires».

«Le niveau des élèves entrant au collège est médiocre: ils ne connaissent pas l’alphabet, ne savent ni lire ni écrire…»

Ceci est également valable pour le retour du caractère obligatoire des examens des examens de sixième et de neuvième. Ceci permettra certainement d’améliorer le niveau des élèves illettrés qui arrivent, par le biais du passage automatique au collège. Mais ceci impliquerait la mise en place d’un système qui doit accueillir ceux qui n’auront pas de chance dans ces examens. «D’où la faille de cette décision (absence d’un système de formation professionnelle adéquat) et je rajoute que sans préparation préliminaire de ces examens, de la formation. Nous serions injustes envers nos élèves qui seront sanctionnés pour des décisions qu’ils ont plus subies que choisies».

Il est bon à rappeler, précise N.B, que le retour de cet examen a été réclamé depuis des années afin de mettre fin au passage automatique. Le niveau des élèves entrant au collège est médiocre (ne possèdent pas le socle de compétences requises pour la 7ème de base, beaucoup parmi eux ne connaissent pas l’alphabet, ne savent ni lire ni écrire! Les inspecteurs du secondaire ont fait ce constat tout comme les enseignants. «L’application de cette mesure impose une préparation préalable, d’où l’importance de la faire précéder d’une réforme de l’enseignement qui révise les méthodes, l’approche, les programmes, les contenus, la formation des instituteurs à l’évaluation normative, formative et certifiante».

La violence en milieu scolaire ne peut être éradiquée par des mesures punitives. Elle doit être traitée et prévenue à la base avec l’aide de spécialistes…»

Les mesures ministérielles ont également concerné le problème de la violence en milieu scolaire qui ne peut, selon nos expertes, être éradiquée par des mesures punitives. «Ce phénomène doit être traité et prévenu à la base avec l’aide de spécialistes et selon une approche interdisciplinaire adaptée au contexte socioculturel. Et là, notons que plusieurs tentatives et initiatives individuelles ont souffert de la sourde oreille du ministère qui ferme ses portes aux personnes qui dérangent. Il est intelligent de reconnaître qu’aucune réforme ou réhabilitation du système éducatif ne sera efficiente tant que les parties prenantes seront écartées ou réduites à subir les décisions top-down de chaque nouvelle équipe ou lobby, puisque c’est le cas! Le mal fait à l’éducation et à l’école publique demeure inestimable… le temps se chargera d’y apporter les preuves».

«La fraude pendant les examens a empiré à cause des nouvelles technologies. Nous ne pouvons pas la traiter par des solutions archaïques».

Les mesures contre la violence et la fraude relèveront des vœux pieux! C’est le populisme électoral sans plus! Je vous promets qu’il n’y aura ni dialogue national ni consultation. C’est uniquement pour amortir le choc et contenir la colère. Nous en avons vu d’autres, dénonce N.B. Et Insaf renchérit: «La fraude pendant les examens a empiré à cause des nouvelles technologies. Nous ne pouvons pas la traiter par des solutions archaïques. Il faut avoir le courage d’installer des brouilleurs d’ondes dans les établissements scolaires, point barre».

Du courage, il faut en trouver pour que la Tunisie puisse s’autoévaluer tous azimuts pour pouvoir se remettre des blessures qui lui ont été infligées de part et d’autre et s’auto-construire.