Muguet : l’exigeante course contre la montre des producteurs de clochettes

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ès de Nantes (Photo : Jean-Sébastian Evrard)

[26/04/2014 06:02:51] Nantes (AFP) Derrière les clochettes blanches du muguet que l’on s’offre le 1er mai, se joue chaque année dans la région de Nantes une exigeante course contre la montre pour livrer le jour dit, ni trop mûr, ni trop vert, le fameux porte-bonheur.

Plus de 40 millions de brins sortent des châssis de la trentaine de producteurs de muguet de cette région qui produit 80% des fleurettes en France.

Cette production horticole unique en son genre, où un jour de retard fait perdre toute valeur à la récolte, est pourtant soumise, comme les autres, aux aléas climatiques mais aussi au temps nécessaire à son conditionnement, particulièrement délicat.

Dans un hangar à La-Chapelle-Basse-Mer, en bord de Loire, les lignes de mise en bouquet tournent à plein régime à moins d’une semaine du jour J. Le parfum des petites fleurs, qui sont d’abord calibrées à la main, est omniprésent.

Les brins, de 6 à 14 clochettes selon leur qualité, sont ensuites glissés, entourés de leurs larges feuilles vertes, dans des pochettes de cellophane décorées de muguet dessiné, ou bien plantées, accompagnées de roses, dans des soliflores multicolores qui tournent sur une chaine mécanique.

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ès de Nantes (Photo : Jean-Sébastian Evrard)

Autour de la chaîne, étudiants ou retraités venus compléter leur revenus, demandeurs d’emploi de tous âges et toutes cultures, se côtoient dans la bonne humeur mais aussi, et surtout, la concentration. Ici comme dans les autres exploitations, dans la dernière ligne droite, on fait les “trois huit”: 6h – 14h, 14h – 21h et 22h – 5h30…

“Une saison de muguet, c’est cinq jours”, résume Hervé Marais, associé dans cette entreprise à un autre maraîcher, Louis Douineau.

Mais cette année, beaux jours de mars obligent, la petite fleur est venue à terme une semaine plus tôt, obligeant les maraîchers à démarrer la campagne de cueillette en avance. Dans beaucoup d’exploitations, elle était achevée dès le 22 avril, obligeant les fleurs à patienter en chambre froide, avant leur mise en bouquet.

– “L’esprit du muguet” –

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ès de Nantes (Photo : Jean-Sébastian Evrard)

“Le muguet est venu plus vite mais il a très bien tenu, il a été ramassé par temps sec, donc pas d’hygrométrie dans les brins, moins de risque de pourriture”, se rassure M. Marais. Le maraîcher est content, il estime avoir atteint 4 millions de brins, de très bonne qualité qui plus est, cette année.

En 2011, année “noire”, la fleur avait pris deux semaines d’avance. Résultat, une bonne partie de la récolte n’était pas présentable le jour venu: 20 à 50%, selon les producteurs, avaient dû être jetés. En 2012, en revanche, il était encore un peu trop vert en raison d’un froid persistant. Conséquence, il était aussi moins abondant et des commandes avaient dû être annulées.

Un coup dur pour des exploitations qui jouent, selon les cas, de 20 à 50% de leur chiffre d’affaires sur la petite fleur. Aux aléas climatiques s’ajoutent la difficulté de recruter, de former, d’organiser, sur un temps très court, jusqu’à 7.000 saisonniers, qui doivent trouver à se loger, se nourrir, etc.

Il est 13 heures sur le parking d’une immense exploitation encadrée de champs et de serres, à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, et c’est le changement d’équipe: tous les âges et les horizons se croisent.

Certains viennent “passer le temps” et “compléter leurs retraites”, comme Jojo, 65 ans, et Irène, 61 ans, qui ont garé là leur camping-car pour la semaine. Anciens exploitants agricoles eux-mêmes, ils apprécient ce rapide retour au travail depuis deux ans. Ils font les bouquets. Un peu plus loin, Quentin, 20 ans, et Alexandre, 19 ans, profitent de leur période de révisions pour venir se faire de l’argent de poche. Comme la plupart des jeunes, ils sont à la cueillette, qui nécessite de rester à genoux de longues heures.

Mais au-delà d’un complément de revenu ou d’un revenu tout court, chez ceux qui reviennent, surtout les anciens, on sent un attachement. “J’aime l’esprit du muguet”, souligne Christelle, retraitée de 63 ans, qui revient juste pour ça, depuis deux ans, chez son ancien employeur, à la Chapelle-Basse-Mer.