äuble, et son homologue français Pierre Moscovici donnent une conférence de presse à Paris le 27 janvier 2014 (Photo : Eric Piermont) |
[18/02/2014 12:43:16] Paris (AFP) Bras dessus, bras dessous ou presque sur la taxation des transactions financières, moins proches sur l’union bancaire, Paris et Berlin donnent le la dans les grands dossiers de la finance européenne, sans jamais perdre de vue leurs intérêts propres.
Les gouvernements français et allemand, qui tiennent mercredi à Paris un conseil des ministres commun, ont relancé il y a peu un projet tombé en désuétude, celui d’une taxe sur les transactions financières (TTF) à l’échelle de onze pays européens.
Mardi encore, le ministre des Finances, Pierre Moscovici, a promis de mettre sur la table “avant les élections européennes une proposition qui soit consistante”, espérant présenter dès mercredi “une position commune franco-allemande sur ce sujet”.
Le ministre allemand de l’Economie, Sigmar Gabriel, a, lui, plaidé la semaine dernière pour une taxe dotée “d’une assiette large”, portant sur un éventail le plus complet possible de transactions et produits financiers, et un “taux faible”.
– La “taxe Tobin” relancée –
Ces déclarations ont suscité un vif espoir de la part des organisations non-gouvernementales, qui comptent sur ce prélèvement pour financer l’aide au développement, la lutte contre le Sida et contre le changement climatique.
“L’impulsion que donneront Paris et Berlin (…) sera cruciale”, déclarent quatre d’entre elles (AIDES, Coalition Plus, Oxfam France, ONE) dans un communiqué.
“C’est le moment ou jamais”, avant que la fenêtre de tir ouverte entre les élections allemandes de septembre dernier et le prochain scrutin européen ne se referme, assure à l’AFP Annabel Hervieu, pour ONE.
Pour Alexandre Naulot, d’Oxfam France, la grande inconnue “c’est la pression que fera l’Allemagne”. Le gouvernement français est lui tenaillé entre des promesses volontaristes de François Hollande concernant cette taxe, et le souci de ménager les grandes banques, qu’il voudrait faire entrer au capital d’Euronext, le groupe contrôlant la Bourse de Paris. En vain jusqu’ici.
La Fédération bancaire française a répété mardi son opposition à la TTF, qui pose un “problème de distorsion de concurrence et de délocalisation potentielle.”
D’où, selon M. Naulot, le scénario probable d’un accord franco-allemand sur une taxe “en deux phases” portant d’abord sur les actions et les dérivés d’actions, et touchant ensuite, selon un calendrier plus ou moins contraignant, le reste des produits dérivés et le marché de la dette.
Pour le spécialiste d’Oxfam, l’enjeu central est la taxation de ces fameux “produits dérivés”, instruments financiers complexes dont le rôle déstabilisant a été pointé pendant les récentes crises financières, et dont les échanges en zone euro sont dominés par une banque allemande (Deutsche Bank) et une banque française (BNP Paribas).
“Le risque c’est qu’on reste dans le domaine du marketing politique” sous couvert de limitations techniques, juge M. Naulot. Et de rappeler que la France favorise “le principe du lieu d’émission” pour taxer ces titres et non “le principe du lieu de résidence” des institutions financières, qui va beaucoup plus loin.
– Paris et Berlin contre Bruxelles –
En dessinant les contours de la taxe à leur convenance, Paris et Berlin s’affranchissent en partie de la Commission européenne, laquelle avait mis sur la table il y a un an un projet de TTF plus ambitieux, devant rapporter 35 milliards d’euros.
Les deux capitales font front commun contre Bruxelles sur un autre dossier, celui de la régulation des banques. Le commissaire européen Michel Barnier veut interdire aux grandes banques de faire des opérations de marché pour leur propre compte.
Or Paris et Berlin ont déjà mis en place des régulations plus légères que la Commission “doit respecter”, a averti M. Moscovici. Il faut s’appuyer sur “l’expérience de ceux qui ont déjà légiféré”, a renchéri M. Schäuble.
La proposition de M. Barnier “c’est du travail mal fait”, critique-t-on en termes moins policés à Bercy.
Très en phase sur la TTF et la réforme bancaire, l’Allemagne et la France le sont moins sur un autre chantier majeur, l’union bancaire européenne.
Paris était au départ partisan d’une approche ambitieuse, consistant à mettre en place très vite un fonds de secours complètement mutualisé pour gérer des faillites bancaires. Berlin était au contraire réticent à tout système risquant de mettre ses contribuables en première ligne.
Les deux pays sont parvenus en fin d’année dernière à mettre en place un compromis à l’échelle de la zone euro. Reste à savoir si cette entente résistera au bras de fer en cours avec les députés européens, plus volontaristes.