Infrastructures : Les mégaprojets en Tunisie, les mort-nés

megaprojet-tunisportcity.jpgLa Tunisie a vécu une aventure insolite avec les tentatives d’amorçage de mégaprojets au niveau des secteurs économiques clés. La corruption, le népotisme et le blocage de la diplomatie économique pour causes de clientélisme, essentiellement, en traitant les affaires avec les promoteurs de taille des pays du Golfe ont dominé, sous l’ancien régime et ses familles financières alliées, pour faire avorter plusieurs protocoles d’accords et des conventions conclus avec des investisseurs de notoriété internationale.

On tablait à l’époque sur un effet de levier annuel de croissance de 2%, sur la réalisation d’un plan d’emploi d’un effectif inoccupé de 600.000 en 10 ans, sur l’élargissement de l’investissement pour 93 millions de dinars tunisiens (MDT) et sur l’élévation de la Tunisie en position de pivot régional dans des filières compétitives, tels que le tourisme, les services financiers, la santé et les sports.

Les ambitions étaient irréalistes et irréalisables pour ignorance du potentiel productif et des capacités humaines et de l’infrastructure du pays.

Dans le créneau de la gestion de l’eau, on parlait de la création de quatre stations de dessalement coûtant 730 MDT. Sur le plan de la consolidation et de l’amélioration de l’environnement, les projets ambitionnaient la concrétisation d’un investissement de 1,48 milliard de dinars.

L’énergie était dans la ligne de mire aussi bien des autorités de l’époque que des investisseurs. Les projets se sont fixé comme objectifs la gestion pour compte, la modernisation et la création de centrales électriques en consacrant une enveloppe variant entre 16,46 et 17,36 milliards de dinars tunisiens.

Quant au phosphate, il a été l’objet de toutes les convoitises: un intérêt particulier aux gisements du Kef, de Tozeur et d’El Mdhilla.

Une certaine attention a été accordée aussi à la mise à niveau du secteur des services, à savoir les Plateformes logistiques, la santé, les pôles techniques et industriels, le tourisme et les loisirs pour une enveloppe globale d’environ 16 milliards de dinars tunisiens.

Des chiffres démesurés propagandistes et irrationnels pour être mis en œuvre dans le contexte national.

Toutefois, les officiels de la Troïka gérant les dossiers de l’investissement sont revenus à la charge pour annoncer que, dans le pipe, il existe une centaine de mégaprojets, comme l’avait déjà promis Ben Ali sans rien faire, et dont l’enveloppe financière qui devrait permettre leur développement dans la Tunisie nouvelle est exactement 22.293,750 millions de dinars.

Plus choquant, on avait même annoncé que ces projets étaient prêts au financement et à la réalisation durant la période 2012-2013, concernant, notamment, l’infrastructure (3.770 MDT), le développement durable (1.075 MDT), les secteurs productifs et le développement humain (9.423,2 MDT).

D’autres projets sont destinés aux régions de l’intérieur, selon les déclarations officielles très optimistes, mais leurs études financières et celles de faisabilité n’ont pas été encore réalisées.

Ils ont également déclaré que des projets classés prioritaires verront le jour durant l’année 2012/2013 et en l’occurrence ceux qui ont été adoptés dans le cadre du programme de développement.

Les officiels ont rappelé qu’un partenariat public-privé ou des investissements directs, tels que ceux relatifs aux projets du transport ou du tourisme, est d’une grande importance, chose évidente naturellement.

Environnement et facteurs de réussite d’un mégaprojet

Les définitions qui sont concédées aux mégaprojets changent, de façon remarquable, d’un spécialiste à l’autre. La majorité de ce qui a été présenté, à ce niveau, était floue, controversée et ne s’appliquait qu’à quelques classements typiques de projets.

Néanmoins, plusieurs organismes multilatéraux et internationaux de développement, experts économiques et universitaires spécialisés en économie durable, déterminent les mégaprojets à partir de leur capacité au changement et à la transformation accélérés des perspectives économiques et sociales, au sens global du contexte d’activité sectoriel d’un pays.

La position essentielle donnée à la transformation comme conséquence résolue et pleine sous des constituants assez discernables demandent le concours arrangé du capital et de l’énergie étatique. On pose, ainsi, des bases adaptées d’infrastructure et des procédés rénovés, généralement adossés à des expériences réussies et d’envergure internationale.

La mobilisation synchronisée de flux de capitaux mondiaux, l’intervention massive des grands groupements de sociétés étrangères surtout dans le domaine des travaux publics, l’affluence des établissements financiers privés et la coordination entre gouvernements ainsi que le soutien des structures d’appui administratif forment des communautés synergiques et puissantes en faveur des mégaprojets, spécifiquement dans les pays en développement.

Pour simplifier la démarche, les mégaprojets sont classifiés en quatre catégories, à savoir ceux ayant trait aux infrastructures, les grands projets des industries d’extraction minière, pétrolière et énergétique d’une manière générale, ceux qui concernent la production industrielle de masse et, enfin, les projets de grande consommation, à titre indicatif les grands centres touristiques, les complexes commerciaux, les grands espaces et les structures immobilières de taille.

Néanmoins, les mégaprojets arrangent couramment plusieurs classifications à travers la création de plateformes pouvant instaurer une certaine synergie sectorielle et des connexions, à plus d’un titre, entre les structures économiques opérant au sein de leur sphère. En retour, un seul modèle d’activité peut être joint à des mégaprojets variés.

Les pays arabes en manque d’investissements

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Source : Le Figaro, Article publié le 6 Juin 2012 par Cyrille Lachèvre

Ainsi, les mégaprojets augmentent au niveau des infrastructures de base, aussi dans la technologie de pointe et autres domaines parfois de grande importance militaire.

Trois logiques dirigent leur propagation. La première est d’ordre purement technique puisque les avancées technologiques les rendent faisables dans plusieurs créneaux et activités attrayantes. La seconde est d’aspect politique par la recherche de visibilité et de la renommée des instigateurs. La troisième est finalement économique vu que certains faiseurs des marchés cherchent à ce qu’ils soient retenus et agrandis.

Certainement, à mégaprojet, mégarevenu. Pourtant, particularité plutôt des pays développées, ils s’orientent, tant bien que mal, et compte tenu d’enjeux géostratégiques complexes, à se démocratiser lorsqu’une nation atteint un certain niveau de développement.

Les expériences et les lancées se généralisent mais plusieurs spécialistes annoncent que le mouvement des mégaprojets n’est pas sans risques.

Les mégaprojets pourraient être à haut risque

Les facteurs de risques liés aux mégaprojets sont multiples, le premier facteur concerne le problème des coûts qui dépassent souvent les estimations. Les études rétrospectives sur les dérives, à ce niveau, ne sont pas très abondantes, ce qui est en soi-même un indicateur fort signifiant.

Tous les mégaprojets sont concernés, à des proportions différentes, par le phénomène sus indiqué. Sur 258 cas analysés par des chercheurs à l’Université d’Aalborg au Danemark en 2010, la dérive moyenne en coût a été de 46%. L’étude témoigne que la plupart des mégaprojets éprouvent des dérives de coûts, notamment dans les pays en développement en raison des phénomènes de variation du temps et d’apprentissage.

Ceci se combine avec une surestimation des revenus attendus, d’autres éléments sérieux sont formés par les aléas.

Le deuxième facteur de risque se rapporte à la surestimation de la demande, il s’est avéré que lors de la mise au point des prévisions, les approches utilisées et la qualité des données ne jouent pas le rôle qui, normalement, leur devrait être assigné. D’autres difficultés se posent aussi, en termes de modélisation, à part l’importance relative des facteurs exogènes tels que les prix de l’énergie et le fait que les consultants qui accomplissent les études ne considèrent pas souvent les biais implicites.

La surestimation des effets économiques est le troisième facteur de risque qui menace la réussite des mégaprojets. L’idée est que l’objectif de dynamisation de l’économie régionale instantanément et de l’économie d’une façon générale implique des coûts de logistique qui ne représentent qu’une part très insignifiante des revenus prévus.

La sous-estimation des risques, au sens général, est un volet principal. La plupart des mégaprojets sont exposés avec la conception qui va se développer comme attendu. Des études de sensibilité sont élaborées, mais elles jugent à chaque fois les surcoûts à plus ou mois 40 ou 50%.

Mesure et prise en charge des risques de gestion des projets

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Source : Thierry Bonnant-Michel, Analyste en Chef, Bureau TBMF CONSULTING, Février 2010

D’autres risques qualifiés de nouveaux et jugés plutôt sévères, dans plusieurs situations, ont émergé dans la période récente pour impacter l’environnement, et ce parfois dans certains cas de façon irréversible. Ce risque considéré, relativement, comme nouveau est paru en relation avec les impacts environnementaux éventuels des grands projets particulièrement d’infrastructure.

Eux aussi sont invariablement sous-estimés. Des batteries de contrôle se rapportant aux effets ressentis existent et sont élaborées dans des cas, mais on n’est pas en mesure de cerner avec certitude les conséquences, interrégionales, globales, systémiques ou à long terme.

Ben Ali a bel et bien parlé, durant des années, de l’importance vitale de la stratégie du lancement des mégaprojets pour changer, à l’époque, radicalement le paysage économique et social de la Tunisie et a même entamé la conclusion de conventions et de protocoles pour amorcer la concrétisation d’un certain nombre d’entre eux et qui était de taille, mais le climat malsain des affaires et infesté par la corruption, la non transparence et l’inexistence de structures adéquates d’appui a fait fuir les investisseurs et a privé le pays d’opportunités pour se développer et prospérer.

La Troïka, à son tour, a fait des promesses aussi alléchantes aux yeux d’un peuple damné, sciemment appauvrie et qui a eu marre des engagements jamais tenus. En fait, les caractéristiques de notre climat d’affaires passent toujours outre tout commentaire, vu que les années passées ont été marquées par des tiraillements constitutionnels, idéologiques et autres, ce qui a ruiné l’économie, les finances et la société.

Les investisseurs estiment aujourd’hui qu’on ne peut faire assumer la charge de réussir de grands projets à un pays qu’ils considèrent comme un modèle de débâcle voire d’incompétence généralisée.

Un nouveau cadre institutionnel doit impérativement être établi pour préparer le terrain pour les années à venir à la présence des investisseurs et des multinationales pour promouvoir, par étapes, de mégaprojets. Les efforts à déployer seront de grande envergure.

La transparence est le pilier de travail dans le contexte de management des grands projets, en particulier. Toute l’information doit être libre et le gouvernement doit s’engager à ce que tous les acteurs concernés y aient accès et auront les possibilités de la consulter dès le départ de la réflexion sur le projet.

Les objectifs doivent être traduits, clairement et avec toute la précision requise, en ce qui concerne, spécifiquement, la détermination des seuils de l’efficacité et de l’efficience des projets avant la préparation et l’arrêté des choix techniques. Ces objectifs doivent être identifiés en concordance avec les attentes d’aspect général. Ils doivent être visibles et quantifiés, de façon à permettre un suivi, un pilotage et un audit permanents.

Dès le démarrage, les exigences économiques dans lesquelles le projet doit se tramer doivent être annoncées. Les normes ne doivent pas changer en cours de route et elles doivent limiter le risque et ne pas l’engendrer.

En aucun cas les autorités ne doivent couvrir l’intégralité du risque surtout financier. Le secteur privé doit assumer au moins une part de celui-ci. Cela agrée une meilleure appréciation des risques en partance et ne contracte pas le pointage que le gouvernement doit garantir au titre de l’intérêt général. Tout au contraire.

A partir de là, il sera peut-être faisable de réformer les conditions de réalisation des mégaprojets.