Archéologie : «Me3marouna» ou le succès à Testour d’une approche participative

Loin du tumulte de la vie politique et du marasme économique tunisien, il y’a ainsi des ilots de reconstructions qui insufflent l’espoir. «Me3marouna» en fait partie. Il s’agit d’un projet tuniso germanique de transformation du patrimoine architectural de Testour, d’Ain Toungua et de Musti.

patrimoine-testour-01.jpgTout commence par le cri d’un citoyen qui refuse de laisser le minaret de la Grande Mosquée de Testour, équipé d’une horloge unique au monde -puisque ses aiguilles tournent dans le sens inverse d’une montre et dont les chiffres sont placés à l’envers aussi-, à l’abandon. Rapidement, il s’avère que la réparation est possible à un prix abordable pour une communauté d’intéressés. «Si chaque habitant de Testour offrait 1 ou 2 dinars, et si l’INP donnait son accord, ce serait faisable», a suggéré la directrice du Goethe-Institut, Christiane Bohrer.

Chose faite! La collecte est en cours. Les citoyens, les pouvoirs locaux, la société civile ont déjà récoltés plus de 70% de la somme. Mais au delà de cela, un projet d’envergure est lancé. Il est porté par l’Association de Sauvegarde de la Médina de Testour, la délégation de Testour et le Goethe-Institut qui mettent sur pied un projet de mise en valeur de la ville construite par les Andalous ayant fui l’Espagne avant 1631 et deux de ses sites phares.

Afin de sécuriser le projet de revalorisation et reconversion de la ville et de la région, l’équipe constituée de «Me3marouna» travaille à une approche participative à long terme. En gros, l’équipe allemande accompagne les associations, compétences, intervenants nationaux et locaux à l’édification d’une destination touristique et bien plus!

Il s’agit d’exploiter autrement le territoire, de le sécuriser, valoriser et rentabiliser. Pour cela, il faut garantir l’implication des populations locales dans les projets de réhabilitation et plus tard d’exploitations. Il s’agit bien entendu de commencer par l’inventaire pour le préserver, restaurer et valoriser. Ensuite, travailler avec les structures concernées pour communiquer et promouvoir.

En termes plus concrets, il s’agit de travailler sur les raisons de l’abandon des maisons traditionnelles qui sont le cachet de Testour, de promouvoir tout un art andalou en perdition comme la cuisine, le malouf, la confection et broderie des «djebbas» et «burnous».

D’un point de vue touristique, il s’agit de sauvegarder les monuments historiques, d’organiser des parcours, de développer l’écotourisme et les hébergements alternatifs, de produire du matériel promotionnel, de créer et gérer des contenus, de faire un plan des monuments… Cela passe par la création d’un centre de formation de guides touristiques, d’un centre des arts et métiers, d’un conservatoire de Malouf, d’un musée d’histoire locale…

La Tunisie recèle d’un patrimoine culturel inestimable hélas si peu et si mal converti en produits. Indépendamment du site, que l’on soit à Carthage, Dougga ou Chemtou, il est quasiment impossible de trouver une visite guidée, un audio guide, un son et lumières, une reconstruction en 3D… Pourquoi? Est-ce par méprise, par manque de moyens et de volonté? Pourquoi, hormis les sites balnéaires, et encore, le tourisme culturel n’a pu que rester des slogans creux?

Souvent et comme c’est le cas pour Musti, de nombreuses villes archéologiques sont encore enfouies sous terre. L’approche souvent peu globale fait en sorte de ne pas savoir capitaliser et synchroniser les ressources et édifier un développement pérenne pour une région à potentiel touristique important.

L’exemple de Musti est défiant à cet effet. Dégagé dans les années 30, le site est quasiment laissé en l’état et a fait objet de vols, d’intempéries, de sous-exploitations… Actuellement, un projet de création d’une station thermale à Hammam Biadh a été identifié par l’Office du thermalisme et mis à la disposition d’investisseurs potentiels. Une opportunité pour mettre en valeur les vestiges antiques du site et l’hydrothérapie ancestrale serait un élément différentiel et structurant pour la région.

Un peu plus loin, sur la route du Kef, se trouve le site antique d’Ain Toungua. Un des sites archéologiques majeurs dans la région du nord-ouest, hélas pas visité, ne disposant pas de structures d’accueil, de signalisation ni de sécurité de visite… Afin de sauver ce qui peut l’être de plus de détériorations, il s’agit, selon «Me3mlarouna», de concevoir un plan de développement régional avec un plan d’actions participatives, une banque de microprojets susceptibles d’être réalisés et qui sont cohérents et assortis d’indicateurs de suivi et d’évaluation. Il va de soi que diverses instances de pilotages des projets urbains er territoriaux en plus d’un guide d’investissent pour l’industrie culturelle relative au patrimoine se doivent d’être créés.

Un projet qui repose sur la conscientisation des populations locales de la valeur et du potentiel de leur territoire.

Un projet à suivre et auquel nous souhaitons bon vent!

Crédit Photo : Tarek MARZOUGUI